Enseigner la révision par les pairs pour l’écriture de lettres d’opinion au primaire

Lecture : 4 min.
Mis à jour le 26 Juil 2023

Pendant l’année scolaire 2020-2021, marquée par des interruptions pandémiques inopinées, nous avons accompagné des enseignantes de 5e année qui ont mis en œuvre dans leur classe une séquence d’enseignement explicite de stratégies pour l’écriture de lettres d’opinion. Les élèves ont appris à donner de la rétroaction à leurs pairs en étant accompagnés par leur enseignante, en utilisant des outils d’apprentissage qui favorisaient le développement de leurs capacités d’autorégulation.

 

Révision par les pairs

Source de l’image: Shutterstock

Quel modèle d’enseignement explicite?

Notre projet de recherche[1] s’appuie sur un modèle interactionniste de l’enseignement explicite (Falardeau, 2021). L’interaction y joue un rôle central : en questionnant les élèves sur la façon dont ils utilisent les stratégies enseignées – plutôt que sur leurs réponses –, l’enseignant ajuste son étayage et fournit des rétroactions qui les aideront à mieux comprendre le fonctionnement de la stratégie visée. Les flèches de la figure représentent la possibilité de passer à tout moment à n’importe quelle phase de l’enseignement explicite en fonction de l’évaluation que fait l’enseignant des besoins des élèves (voir Falardeau, 2021, pour une explication plus détaillée des phases).

Figure: Les six composantes de l’enseignement explicite

Nous misons beaucoup dans notre modèle interactionniste sur le rôle des pairs : en révisant le travail de leurs coéquipiers, les élèves multiplient les occasions de mettre en pratique les stratégies à apprendre. De plus, le fait de verbaliser leur utilisation des stratégies renforce leurs capacités à réguler, à contrôler leur activité d’écriture.

La démarche proposée aux enseignantes et aux élèves

Nous avons construit pour notre recherche une séquence d’enseignement explicite de la lettre d’opinion dont toute la documentation est disponible en ligne. Pour mettre l’accent sur l’enrichissement et l’organisation de l’argumentation par les élèves, nous avons ciblé cinq stratégies : 1) la prise en compte du lecteur; 2) la cohérence entre l’opinion, les raisons avancées et les justifications; 3) la structure de la lettre; 4) le recours à des phrases transformées pour créer un effet sur le lecteur; 5) l’utilisation d’un vocabulaire riche et varié.

Chacune de ces stratégies est mise en pratique à plusieurs reprises dans la séquence, mais sous des formes différentes : critiques de lettres d’élèves inconnus, révision d’une lettre rédigée avant la séquence, production de nouvelles lettres. Le travail de révision est toujours réalisé en équipe afin que les élèves verbalisent leur utilisation des stratégies et s’entraident dans la compréhension qu’ils en ont. Chacune des 18 leçons de la séquence repose sur un scénario écrit qui détaille les étapes de l’enseignement explicite, accompagné d’une capsule vidéo qui présente la leçon.

L’enseignement des stratégies s’appuie sur des tableaux d’ancrage et des procéduriers qui servent de repères aux élèves pour renforcer leur contrôle – leur autorégulation – dans leur apprentissage. Nous avons aussi créé des capsules vidéos qui expliquent de façon ludique aux élèves le fonctionnement de chacune des cinq stratégies.

Le travail de rétroaction par les pairs fait aussi l’objet d’un enseignement explicite. Nous avons créé un tableau d’ancrage qui propose une démarche de rétroaction aux élèves, pour fournir et pour recevoir des commentaires. L’enseignant modèle les modes de rétroaction attendus, guide un trio d’élèves qui se donnent de la rétroaction devant toute la classe, circule dans les équipes en pratique guidée pour soutenir les élèves dans leur façon de se donner de la rétroaction, intervient auprès de la classe pour donner de bons exemples de rétroactions observés dans le travail d’équipe.

Des résultats probants?

Vingt-cinq classes de 5e année ont participé à notre étude; nos résultats statistiques montrent que les élèves qui ont suivi l’enseignement explicite et qui ont collaboré avec leurs pairs ont progressé davantage que les élèves n’ayant pas suivi notre séquence. À titre d’exemple, pour Hattie (2009), des pratiques efficaces ont une taille d’effet de 0,40. Les pratiques que nous avons mises en place ont une taille d’effet de 0,62, ce qui est tout à fait appréciable. Les élèves de notre expérimentation ont aussi renforcé leur perception d’efficacité personnelle (se sentir capable de bien écrire) et, en entrevue, ils ont manifesté un plus grand contrôle de leur activité d’écriture que les autres. En somme, avec des élèves de 10 ans, l’enseignement explicite et la rétroaction par les pairs portent leurs fruits.

Cet article a été élaboré dans le cadre d’un partenariat entre le CTREQ et le Collectif de recherche sur la continuité des apprentissages en lecture et en écriture de l’Université de Sherbrooke. Plus de ressources des membres de ce collectif sont aussi disponibles sur le site du Réseau québécois de recherche et de transfert en littératie.

Références 

Hattie, J. (2009). Visible learning. A synthesis of over 800 meta-analyses relating to achievement, New York, NY : Routledge.

[1] Cette recherche est financée par le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH) et elle inclut une expérimentation similaire auprès d’élèves de 4e secondaire qui sera réalisée en 2023-2024.

Autres article du collectif CLÉ

Les ateliers d’écriture : que faire pendant que les élèves écrivent?

Comment bonifier les pratiques d’évaluation de la lecture de textes littéraires? : Partie 1 de 3 : Quelques définitions de la lecture et de l’appréciation

Comment bonifier les pratiques d’évaluation de la lecture de textes littéraires? (2/3) : Partie 2 de 3 : Quelques outils pour réaliser un diagnostic

Comment bonifier les pratiques d’évaluation de la lecture de textes littéraires? (3/3)

Articles similaires

La vision au coeur des apprentissages

La recherche démontre l’incidence du fonctionnement de la vision sur les apprentissages scolaires, dont près de 80 % passent par l’intégration d’informations visuelles. Pourtant, au Québec, seulement 33 % des enfants sont examinés par un optométriste avant leur entrée à l’école.

Voir l’article

Améliorer l’expression écrite des élèves grâce à la rétroaction des enseignants

Écrire est exigeant. Le scripteur doit prendre en compte simultanément l’organisation de ses idées, les différents éléments permettant une cohérence textuelle, la syntaxe et l’orthographe, tout en s’adressant à un lecteur absent. Devant l’ampleur de la tâche, certains apprenants perdent la motivation. Une chercheuse de l’Université de Toronto, Shelley Stagg Peterson, propose dans ce rapport […]

Voir l’article

Comment et pourquoi donner des rétroactions aux élèves?

Dans la vague des travaux de John Hattie et de l’enseignement dit « efficace », une stratégie d’enseignement apparait en tête de liste : la rétroaction. Comme cette stratégie peut sembler quelque peu abstraite, il importe de la rendre plus concrète pour les acteurs du milieu de l’éducation.

Voir l’article

Lire entre les lignes dès l’âge de quatre ans

Dans cet article, madame Desmarais et trois collègues orthophonistes abordent la différence entre les habiletés inférentielles d’enfants de quatre et de cinq ans en contexte de lecture partagée. Elles souhaitent décrire les types d’inférences maîtrisées en bas âge dans le but, entre autres, de guider les efforts de préparation à la maternelle des enfants d’âge […]

Voir l’article

Comment tirer profit de l’évaluation et de la rétroaction ?

Le numéro 4 du premier volume propose une réflexion au sujet des avantages reliés à la pratique de l’évaluation et de la rétroaction en classe.

Voir l’article

Les défis de l’écriture

Shelley Stagg Peterson propose de nombreuses stratégies applicables par les enseignants pour aider les élèves qui ont des difficultés en écriture.

Voir l’article

Les exigences en lecture sont-elles trop élevées au préscolaire?

Certains experts en développement de l’enfant affirment que la lecture de textes débutants est exagérée au terme de la maternelle. C’est le cas de Nancy Carlsson-Paige, professeure émérite à l’Université Lesley au Massachusetts.

Voir l’article

La musique aide au développement du langage

Lorsqu’elles sont associées aux apprentissages en matière de langage, les activités musicales contribuent à l’acquisition des habiletés en lecture et en écriture. C’est ce que révèle les travaux de Jonathan Bolduc, membre associé au Laboratoire international de recherche sur le cerveau, la musique et le son (BRAMS) de l’Université de Montréal.

Voir l’article

Commentaires et évaluations

Contribuez à l’appréciation collective

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *