TDA/H : bâillon ou solution?

Lecture : 4 min.
Mis à jour le 07 Déc 2015

Le mercredi 25 novembre 2015, à l’Université Laval, se tenait la conférence « TDA/H : bâillon ou solution? » donnée par Jean-Michel Cautaerts, psychologue, Mathieu Saucier-Guay, professeur de philosophie, Audrey Fillion, microbiologiste et Marie-Hélène Fauteux, psychologue.

Les thèmes de la médicalisation et du surdiagnostic du trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H) étaient abordés par ces professionnels ayant procédé à une recension des études sur le sujet à l’aide de bases de données telles que MEDLINE, PubMed et PsycINFO.

L’objectif de la conférence était d’aborder la question du TDAH d’un point de vue plus large que celui du discours médical dominant.

Données épidémiologiques

Voici quelques données transmises par la microbiologiste au sujet de la prévalence du TDA/H (la mesure du nombre de personnes ayant été diagnostiquées avec un TDA/H) :

Comment expliquer « l’épidémie » de TDA/H?

Selon plusieurs (et selon ce que les conférenciers appellent le discours dominant), le nombre croissant de cas de TDA/H serait en grande partie attribué à une meilleure capacité de détection du trouble, grâce à des outils plus précis et de meilleures connaissances pour le dépister.

Le psychologue Jean-Michel Cautaerts remet en question cette explication. Il soutient que l’origine biologique du TDAH n’est pas prouvée, et il questionne la subjectivité du processus de diagnostic du trouble, comparativement à l’objectivité de certains marqueurs biologiques utilisés pour identifier une maladie (par prise de sang, test d’urine, etc.).

Il n’y a aucun marqueur biologique objectif
pour diagnostiquer le TDA/H.

De plus, le psychologue souligne que la grille d’évaluation diagnostique utilisée au Canada et aux États-Unis (le DSM-5) permet de diagnostiquer de 2 à 3 fois plus de cas que la grille diagnostique utilisée en Europe (la CIM).

Cautaerts aborde également les résultats de recherche sur le TDAH et le cerveau. Dans des études menées auprès de groupes d’enfants diagnostiqués TDAH, l’imagerie par résonance magnétique (IRM) a permis aux chercheurs d’observer certaines régions du cerveau moins développées chez les enfants présentant un TDAH. Sans remettre en question la validité de ces études, le psychologue apporte une nuance en expliquant qu’il faut faire attention de ne pas confondre les causes et les conséquences d’un phénomène. À titre de comparaison, il se réfère aux études qui ont démontré que des enfants qui pratiquent la musique dès un jeune âge développent davantage certaines régions de leur cerveau. Or, ce n’est pas parce que ces régions de leur cerveau sont plus développées que les enfants vont s’adonner à la pratique d’un instrument de musique; c’est plutôt la musique qui a eu un effet sur leur cerveau. En ce sens, le psychologue suggère que le cerveau d’un enfant « TDAH » pourrait s’être adapté à certaines situations et pourrait avoir été modulé en fonction des expériences vécues. Selon lui, les différences cérébrales ne seraient donc pas nécessairement la cause des symptômes du TDA/H.

Les récentes avancées de la recherche sur le TDAH

Dans un même ordre d’idées, le psychologue soutient qu’il ne faut pas déduire la présence d’un trouble ou d’une maladie selon l’efficacité d’une médication. En effet, le psychostimulant à un effet sur le cerveau, mais pas seulement sur le cerveau d’une personne avec un trouble. Il ajoute que, selon lui, la société est en quelque sorte prisonnière d’une vision médicale de la situation, et qu’elle aurait avantage à non pas délaisser, mais plutôt élargir cette vision.

L’effet de la médicalisation

Cautaerts affirme qu’il existe beaucoup d’études à court terme sur les effets de la médication, mais peu d’études à long terme. Il rapporte les observations des chercheurs selon lesquelles à court terme, la médication comme moyen d’intervention fonctionne mieux que les thérapies comportementales (les symptômes diminuent davantage). Or, à long terme (3 ans), il n’y aurait pas de différence d’efficacité entre le traitement médical et la thérapie comportementale sur la diminution des symptômes. Le psychologue ajoute qu’aucune méthode ne permet d’enrayer complètement les symptômes des enfants présentant un TDA/H.

Comment accompagner un jeune avec un TDAH? [Dossier thématique]

Comment aborder autrement le TDAH?

Vers la fin de la conférence, le professeur de philosophie Mathieu Saucier-Guay soulève certaines particularités du contexte scolaire. Il invite les gens à se questionner sur la compétition sociale présente dans la société moderne, compétition qui se transpose dans les écoles.

L’école sert de plus en plus de tremplin pour acquérir les outils de la compétition sociale économique.

De ce fait, lorsqu’un professionnel ou un parent voit un enfant qui « sort du cadre », il est soucieux et se demande comment aider l’enfant à performer davantage. Dans cette vision, la médication apparait effectivement comme étant de mise.

Toutefois, selon Cautaerts, les causes des symptômes du TDAH chez un enfant sont rarement examinées, alors que plusieurs facteurs peuvent causer de l’inattention. Dans un même ordre d’idées, un enfant peut tenter de canaliser une difficulté particulière par des comportements d’agitation. Selon le psychologue, on doit aller voir ce qui se cache derrière le comportement et considérer davantage la singularité de l’enfant dans l’analyse et dans l’intervention.

Somme toute, les quatre conférenciers critiquent le fait que le discours dominant laisse dans l’ombre cette singularité. En outre, ils soulèvent l’idée que le fait de poser rapidement un diagnostic pourrait empêcher une remise en question de tout le contexte social dans lequel surviennent les comportements d’inattention, d’impulsivité et d’hyperactivité chez l’enfant. Selon eux, il est insensé de penser comprendre le TDA/H en ne tenant compte que d’une cause (biologique). Ils soulignent d’ailleurs positivement le fait que la plupart des « intervenants de première ligne » auprès des enfants (parents, enseignants, etc.) adoptent généralement une vision plus globale et non seulement médicale pour expliquer et vivre avec les symptômes associés au TDAH.

[Tous nos articles sur le TDAH]

 

Creative Commons Creative Commons Attribution 2.0 Generic License Conner & Flaticon

Articles similaires

Wikipédia : le type de contribution comme gage de qualité

Le style de collaboration à la rédaction d’articles sur Wikipédia a un effet direct sur la qualité de ceux-ci.

Voir l’article

Wikipédia dans la classe

L’encyclopédie libre Wikipédia fait partie des outils pouvant avoir une visée pédagogique.

Voir l’article

La voie de la réussite, la voix des étudiants

Les attitudes et les comportements scolaires sur lesquels s’appuient ces deux grands concepts sont nommés par les étudiants eux-mêmes.

Voir l’article

Commentaires et évaluations

Contribuez à l’appréciation collective

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

  • Le groupe qui a réalisé cette conférence a récemment mis sur pied un site internet: http://www.groupegdah.com

    Groupe GDAH
  • Pour voir la conférence en intégralité via Youtube, copiez-collez le lien ci-joint dans la barre d’adresse de votre fureteur: https://www.youtube.com/watch?v=a7vtBMqpCKs

    Merci de votre intérêt!

    Marie-Hélène Fauteux, psychologue et une organisatrice de cette conférence.

    Marie-Hélène Fauteux