Pratiques de gestion de la classe et comportements difficiles des élèves : le sentiment d’efficacité personnelle des enseignants a-t-il progressé?
C’est connu, les comportements difficiles de certains élèves représentent un réel défi de gestion de classe et une source importante de stress pour plusieurs enseignants. Bon nombre de recherches ont d’ailleurs démontré que la gestion des comportements difficiles en classe constitue une source de stress notable pour les enseignants.
Une gestion de classe anxiogène
En effet, certaines études, notamment celle de Hastings (2005), soulignent le fait que les comportements difficiles des élèves provoquent une réaction émotionnelle négative chez l’enseignant qui a pour effet d’augmenter son niveau de stress, influençant ainsi sa façon de se comporter envers ceux-ci.
Un question de soutien
Depuis près de dix ans, la littérature soutient que la réponse de l’enseignant aux comportements déviants de l’élève est influencée par ses croyances et ses ressources psychologiques (Hastings, 2005). À ce sujet, il semblerait que pour certains enseignants, la gestion de classe, incluant ses imprévus, est directement liée à la qualité du soutien disponible en contexte d’enseignement, et ce, indépendamment de l’expérience vécue.
Par ailleurs, il est démontré depuis longtemps que chez les enseignants débutants, des facteurs contextuels comme le soutien des pairs et les ressources offertes dans le milieu influencent davantage leurs sentiments d’efficacité personnelle que les expériences vécues cumulées (Tschannen-Moran et Hoy, 2007). Certaines auteurs ont aussi démontré que chez les enseignants d’expérience, les succès vécus dans les expériences antérieures demeurent la plus importante source d’efficacité personnelle (Bandura, 1986 ,2003).
Une question de croyances
Nous savons que les croyances d’efficacité personnelle teintent la force des décisions, de la persévérance (ou des démissions) et la nature des choix en situation d’adaptation (Bandura, 1977, 1986). Ainsi, l’individu est porté à éviter les activités qu’il perçoit trop difficiles comme il s’engage plus facilement dans celles qu’il croit maîtrisables (Bandura, 2003). Chez l’enseignant, plus le sentiment d’efficacité est élevé, plus il interprète les situations difficiles en classe comme étant gérables, le guidant ainsi positivement vers une gestion efficace. À l’opposé, plus il perçoit les situations comme étant ingérables, plus il s’attarde sur ses incapacités (Lazarus et Folkman, 1984), ce qui peut rendre les situations anxiogènes et dévalorisantes.
En conclusion
Il appert donc que le sentiment de maîtrise en présence d’événements jugés menaçants (ou imprévus) joue un rôle central dans l’activation de l’anxiété puisque le contrôle personnel sur la pensée, sur l’action et sur l’émotion constitue le principal moyen par lequel le sentiment d’efficacité personnelle influence les processus émotionnels et motivationnels d’un enseignant. Ainsi, si l’enseignant anticipe une situation difficile auprès d’un groupe d’élèves en visualisant des scénarios d’intervention au cours desquels il maîtrise ses émotions et ses actions, cela lui permettra d’intégrer des stratégies d’interventions efficaces et positives. Le moment venu, il utilisera de meilleure façon ses capacités et sera mieux préparé pour affronter les situations perçues difficiles (Gaudreau, Royer, Beaumont, Frenette, 2012). Cela explique pourquoi plus un enseignant croit être en mesure de gérer les situations difficiles ou imprévues en classe, moins il s’en inquiète.
Cet article introduit une série d’articles sur l’évolution des pratiques éducatives utilisées pour les élèves présentant des troubles du comportement et conditions de mise en place.
En cette période atypique, le RIRE souhaite proposer un continuum d’article sur le sujet du sentiment d’efficacité personnelle des enseignants et son évolution
Gaudreau, N., Royer, É., Beaumont, C. & Frenette, É. (2012). Le sentiment d’efficacité personnelle des enseignants et leurs pratiques de gestion de la classe et des comportements difficiles des élèves. Revue canadienne de l’éducation, 35(1), 82-101.
Liens vers les autres articles du RIRE sur le sujet
Article 4 : Quelles sont les pratiques enseignantes pour gérer les comportements difficiles au secondaire?
Article 5 : Quelles pratiques de gestion des comportements les futurs enseignants utilisent‑ils pendant leur formation?
Références
Bandura, A. (1977). Self-efficacy: Toward a unifying theory of behavioral change. Psychological Review, 84(2), 191-215.
Bandura, A. (1986). Social foundations of thought and action: A social cognitive theory. Englewood Cliffs, NJ : Prentice-Hall.
Bandura, A. (2003). Auto-efficacité: Le sentiment d’efficacité personnelle. Paris : Éditions De Boeck.
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Gaudreau, N., Royer, É., Beaumont, C., et Frenette, É. (2012). Gestion positive des situations de classe : un modèle de formation en cours d’emploi pour aider les enseignants du primaire à prévenir les comportements difficiles des élèves. Enfance en difficulté, 1, 85-115.
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