Pratiques de gestion de la classe et comportements difficiles des élèves : le sentiment d’efficacité personnelle des enseignants a-t-il progressé?

Lecture : 4 min.
Mis à jour le 26 Nov 2021

C’est connu, les comportements difficiles de certains élèves représentent un réel défi de gestion de classe et une source importante de stress pour plusieurs enseignants. Bon nombre de recherches ont d’ailleurs démontré que la gestion des comportements difficiles en classe constitue une source de stress notable pour les enseignants.

Source de l’image: Shutterstock

Une gestion de classe anxiogène

En effet, certaines études, notamment celle de Hastings (2005), soulignent le fait que les comportements difficiles des élèves provoquent une réaction émotionnelle négative chez l’enseignant qui a pour effet d’augmenter son niveau de stress, influençant ainsi sa façon de se comporter envers ceux-ci.

Un question de soutien

Depuis près de dix ans, la littérature soutient que la réponse de l’enseignant aux comportements déviants de l’élève est influencée par ses croyances et ses ressources psychologiques (Hastings, 2005). À ce sujet, il semblerait que pour certains enseignants, la gestion de classe, incluant ses imprévus, est directement liée à la qualité du soutien disponible en contexte d’enseignement, et ce, indépendamment de l’expérience vécue.

Par ailleurs, il est démontré depuis longtemps que chez les enseignants débutants, des facteurs contextuels comme le soutien des pairs et les ressources offertes dans le milieu influencent davantage leurs sentiments d’efficacité personnelle que les expériences vécues cumulées (Tschannen-Moran et Hoy, 2007). Certaines  auteurs ont aussi démontré que chez les enseignants d’expérience, les succès vécus dans les expériences antérieures demeurent la plus importante source d’efficacité personnelle (Bandura, 1986 ,2003).

Une question de croyances

Nous savons que les croyances d’efficacité personnelle teintent la force des décisions, de la persévérance (ou des démissions) et la nature des choix en situation d’adaptation (Bandura, 1977, 1986). Ainsi, l’individu est porté à éviter les activités qu’il perçoit trop difficiles comme il s’engage plus facilement dans celles qu’il croit maîtrisables (Bandura, 2003). Chez l’enseignant, plus le sentiment d’efficacité est élevé, plus il interprète les situations difficiles en classe comme étant gérables, le guidant ainsi positivement vers une gestion efficace. À l’opposé, plus il perçoit les situations comme étant ingérables, plus il s’attarde sur ses incapacités (Lazarus et Folkman, 1984), ce qui peut rendre les situations anxiogènes et dévalorisantes.

En conclusion

Il appert donc que le sentiment de maîtrise en présence d’événements jugés menaçants (ou imprévus) joue un rôle central dans l’activation de l’anxiété puisque le contrôle personnel sur la pensée, sur l’action et sur l’émotion constitue le principal moyen par lequel le sentiment d’efficacité personnelle influence les processus émotionnels et motivationnels d’un enseignant. Ainsi, si l’enseignant anticipe une situation difficile auprès d’un groupe d’élèves en visualisant des scénarios d’intervention au cours desquels il maîtrise ses émotions et ses actions, cela lui permettra d’intégrer des stratégies d’interventions efficaces et positives. Le moment venu, il utilisera de meilleure façon ses capacités et sera mieux préparé pour affronter les situations perçues difficiles (Gaudreau, Royer, Beaumont, Frenette, 2012). Cela explique pourquoi plus un enseignant croit être en mesure de gérer les situations difficiles ou imprévues en classe, moins il s’en inquiète.

 Cet article introduit une série d’articles sur l’évolution des pratiques éducatives utilisées pour les élèves présentant des troubles du comportement et conditions de mise en place.

En cette période atypique, le RIRE souhaite proposer un continuum d’article sur le sujet du sentiment d’efficacité personnelle des enseignants et son évolution

Gaudreau, N., Royer, É., Beaumont, C. & Frenette, É. (2012). Le sentiment d’efficacité personnelle des enseignants et leurs pratiques de gestion de la classe et des comportements difficiles des élèvesRevue canadienne de l’éducation, 35(1), 82-101.

Liens vers les autres articles du RIRE sur le sujet

Article 1 : Conditions de réussite de l’inclusion scolaire pour les élèves présentant des difficultés de comportement au secondaire

Article 2 : Conditions de réussite et obstacles à l’inclusion scolaire des élèves présentant des difficultés comportementales au primaire

Article 3 : Quelles sont les pratiques spécifiques de gestion des comportements difficiles au primaire et par quoi sont-elles influencées?

Article 4 : Quelles sont les pratiques enseignantes pour gérer les comportements difficiles au secondaire?

Article 5 : Quelles pratiques de gestion des comportements les futurs enseignants utilisent‑ils pendant leur formation?

Article 6 : Quelles sont les attitudes des futurs enseignants du Québec concernant la scolarisation des élèves qui présentent des difficultés comportementales?

Article 7 : Quelles sont les attitudes des enseignants québécois à l’égard de l’intégration scolaire des élèves présentant des difficultés comportementales?

Article 8 : Quelles sont les perceptions et les pratiques des enseignants en éducation physique et à la santé en ce qui concerne l’intégration scolaire des élèves présentant des difficultés comportementales?

Article 9: Le sentiment d’efficacité personnelle concernant la gestion des comportements difficiles en classe : portrait des enseignants québécois

Références

Bandura, A. (1977). Self-efficacy: Toward a unifying theory of behavioral change. Psychological Review, 84(2), 191-215.

Bandura, A. (1986). Social foundations of thought and action: A social cognitive theory. Englewood Cliffs, NJ : Prentice-Hall.

Bandura, A. (2003). Auto-efficacité: Le sentiment d’efficacité personnelle. Paris : Éditions De Boeck.

Blase, J. J. (1986). A qualitative analysis of sources of teacher stress: Consequences for performance. American Educational Research Journal, 23, 23-40.

Borg, M. G., Riding, R. J., et Falzon, J. M. (1991). Stress in teaching: A study of occupational stress and its determinants, job satisfaction and career commitment among primary schoolteachers. Educational Psychology, 11(1), 59-75.

Evertson, C. M., et Weinstein, C. S. (dir.). (2006). Handbook of classroom management: Research, practice, and contemporary issues. Mahwah, NJ : Lawrence Erlbaum Associates.

Friedman, I. A. (1995). Student behavior patterns contributing to teacher burnout. Journal of Educational Research, 88(5), 281-289.

Gaudreau, N., Royer, É., Beaumont, C., et Frenette, É. (2012). Gestion positive des situations de classe : un modèle de formation en cours d’emploi pour aider les enseignants du primaire à prévenir les comportements difficiles des élèves. Enfance en difficulté, 1, 85-115.

Hastings, R. P. (2005). Staff in special education settings and behaviour problems: Towards a framework for research and practice. Educational Psychology, 25(2/3), 207-221.

Hastings, R. P., et Bham, M. S. (2003). The relationship between student behaviour patterns and teacher burnout. School Psychology International, 24(1), 115-127.

Hastings, R. P., et Brown, T. (2002). Coping strategies and the impact of challenging behaviours on special educators’ burnout. Mental Retardation, 40(2), 148-156.

Jeffrey, D., et Sun, F. (2006). Enseignants dans la violence. Québec : Presses de l’Université Laval.

Kyriacou, C. (1987). Teacher stress and burnout: An international review. Educational Reasearch, 29(2), 146-152.

Lazarus, R. S., et Folkman, S. (1984). Stress, appraisal, and coping. New York, NY : Springer-Verlag.

Lewis, R. (1999). Teachers coping with the stress of classroom discipline. Social Psychology of Education, 3(3), 155-171.

Melby, L. C. (1995). Teacher efficacy and classroom management: A study of teacher cognition, emotion and strategy usage associated with externalizing student behaviour., University of California.

Tschannen-Moran, M., et Hoy, A. W. (2007). The differential antecedents of selfefficacy beliefs of novice and experienced teachers. Teaching and Teacher Education, 23(6), 944-956.

Articles similaires

Visite de stage : ce qui se joue entre stagiaire, enseignant associé et superviseur

Cet article vise à explorer les différentes dimensions de l’agir des acteurs impliqués dans la supervision des stages.  

Voir l’article

La violence à l’école : pistes pour offrir une formation continue de qualité

À cet égard, les activités de formation continue qui prévoient l’accompagnement nécessaire au transfert dans la pratique et des rétroactions fréquentes avec le formateur obtiennent de meilleurs résultats

Voir l’article

Les vélos-bureaux : quels effets sur la performance cognitive?

Il semblerait que ces vélos-bureaux aient des effets positifs sur le sujet sans diminuer ses performances à des tâches complexes.

Voir l’article

Commentaires et évaluations

Contribuez à l’appréciation collective

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *