Les résidences de création théâtrale : un levier pour la motivation et l’engagement scolaire des élèves du primaire et du secondaire
« Je veux revivre une expérience comme ça parce que ça a juste montré le fait que je suis capable. » – Justine, élève de première secondaire
Grâce au soutien du volet Une école accueille un artiste ou un écrivain du programme La culture à l’école, deux projets culturels de longue durée, un au dernier cycle du primaire l’autre au secondaire, ont permis à des élèves de vivre l’expérience de résidences d’artistes en théâtre, orientées vers la réalisation d’une création collective. Au primaire, durant huit semaines, les élèves ont été associés au projet d’écriture d’une artiste : elle les observait, expérimentait certaines idées en discutant avec eux et écrivait auprès d’eux. Les élèves, quant à eux, ont vécu un processus de création, de l’idéation d’une saynète jusqu’à la présentation de celle-ci. Au secondaire, sur une période de douze semaines, les élèves inscrits à une option théâtre ont créé une pièce, accompagnés par deux artistes. La scénographie a agi comme point de départ pour leur œuvre, suivie de l’écriture de la pièce. Ce travail a mené à un spectacle présenté devant public.
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Les deux résidences ont été documentées dans le cadre de l’étude d’Olivier Dezutter « Comment optimiser les impacts des projets culturels de longue durée sur la motivation et l’engagement scolaire des élèves du troisième cycle du primaire et du secondaire ? » (Dezutter et al., 2024)[1]. Les données recueillies comprennent des notes d’observation, des vidéos prises en classe lors des projets ainsi que des entrevues faites à la suite des projets avec les élèves, les personnes enseignantes et les artistes.
Une occasion de se dévoiler et de découvrir une pratique artistique
Comme le mentionne l’artiste ayant travaillé avec les groupes d’élèves de cinquième année primaire, l’exploration du théâtre a permis à plusieurs élèves de briller : « Tout d’un coup, leur intelligence est comme mise de l’avant. […] Si y’a pas d’art à l’école, y’a pas tant d’occasions pour ces enfants-là de se trouver ou de constater ça ». L’enseignant a aussi remarqué que « des élèves ressortent en art dramatique ce qu’on ne voit pas ressortir nécessairement dans aucune autre matière . Donc, au niveau de la motivation, c’est sûr que ça peut avoir un impact ».
Au secondaire, les élèves ont particulièrement apprécié expérimenter la scénographie, un aspect du théâtre auquel ils avaient peu touché. La majorité de ces élèves manifestent le désir de se réinscrire en théâtre pour l’année suivante et de revivre une telle expérience, comme l’exprime Charlotte, une élève de première secondaire : « C’est vraiment une belle expérience, donc je vais revenir [l’an prochain], c’est sûr ».
Le développement de l’autonomie et le sentiment de contrôle
Dans les propos des élèves impliqués dans les deux projets, un élément se démarque comme étant un moment décisif : le sentiment de contrôle qui leur est accordé dans ce cadre. La création était au centre des projets, que ce soit par la création d’une saynète ou d’une pièce de théâtre entière. Les élèves ont pris part aux différentes décisions artistiques et ont bénéficié d’un large espace de créativité, comme l’exprime Marilou, une élève de sixième année primaire : « Le fait qu’on soit libre, qu’on pouvait faire ce qu’on voulait, je pense que ça a un peu motivé tout le monde aussi ».
L’autonomie et le contrôle constituent deux facteurs clés pour la motivation et l’engagement (Fréchette-Simard et al., 2019). Dans les projets de théâtre documentés, les élèves ont été amenés à faire des choix en fonction de leurs intérêts (thème de la pièce, caractéristiques des personnages, choix des décors et des costumes, etc.) et se sont sentis responsables de la réussite des projets. En plus de favoriser leur intérêt pour les activités mises en place, l’autonomie et le contrôle ont permis aux élèves de s’investir davantage puisqu’on leur a accordé une place importante dans le projet. Les artistes et les personnes enseignantes reconnaissaient une réelle valeur aux décisions artistiques prises par les élèves. Or, « être reconnu comme expert est un rôle apprécié des élèves, mais qui n’est pas habituel à l’école » (Lemonchois, 2016).
L’enjeu de la représentation publique
Les élèves interviewés dans les deux projets s’entendent pour dire que la présentation des projets devant public constitue un moment marquant du processus. Que ce soit simplement en classe devant les plus jeunes élèves comme ce fut le cas pour le projet du primaire ou sur scène devant une salle remplie pour celui du secondaire, les élèves sont nourris par cette étape d’aboutissement. Tout au long du projet, la perspective de la production finale qui sera partagée avec d’autres agit comme source de motivation. Les élèves veulent être fiers de ce qui sera montré au public. Les commentaires positifs formulés par les personnes enseignantes et les artistes ainsi que l’appréciation venant des spectateurs influencent certainement le sentiment de compétence des élèves. Ces derniers se sentent en capacité de réaliser quelque chose de nouveau, accomplis et fiers de leur travail. Toutefois, même si cet élément ne s’est pas manifesté chez les élèves interviewés, on doit prendre en compte le fait que la présentation devant public peut aussi constituer une situation susceptible de générer du stress, voire de l’anxiété, chez certains élèves. Il resterait à voir comment s’assurer en cours de processus que cela n’affecte pas la motivation et l’engagement de ces élèves.
Conclusion
Les deux résidences en théâtre documentées présentent plusieurs caractéristiques favorisant la motivation et l’engagement des élèves. La place laissée aux élèves dans la liberté des décisions artistiques à prendre, la responsabilité qui leur est accordée ainsi que la chance de partager une production authentique avec le public sont des facteurs à considérer pour la réussite de ces projets. De telles caractéristiques ne sont pas limitées aux seuls projets de création théâtrale ; elles peuvent constituer des éléments de base de divers projets créatifs à réaliser dans le contexte scolaire, qui ont le mérite de permettre aux élèves de vivre une expérience significative dans un cadre différent des activités régulières.
Références
Dezutter, O., Nizet, I., Lépine, M., Smith, J., Beaudry, M.-C., Nadeau, A., Baribeau, A. et Dumouchel, M. (2024). Comment optimiser les impacts des projets culturels de longue durée sur la motivation et l’engagement scolaire des élèves du troisième cycle du primaire et du secondaire ? (no 2021-OPRL-295557) [Rapport de recherche adressé au FRQ-SC].
Fréchette-Simard, C., Plante, I., Dubeau, A. et Duchesne, S. (2019). La motivation scolaire et ses théories actuelles : une recension théorique. Revue des sciences de l’éducation de McGill, 54(3), 500–518. https://doi.org/10.7202/1069767ar
Lemonchois, M., Ouvrard, É. (2016). La participation à des projets culturels dans des écoles montréalaises en milieu défavorisé : un vecteur d’émancipation ? Animation, territoires et pratiques socioculturelles, 11, 1-14.
[1] Cet article résulte d’un stage d’initiation à la recherche pour les personnes étudiantes de premier cycle, soutenu par l’Université de Sherbrooke.
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