Favoriser la rétroaction en retardant la divulgation des notes
Fatiguée d’entendre des « combien tu as eu? » ou des « elle m’a donné 74 % », l’enseignante et rédactrice du site Web Cult of Pedagogy Kristy Louden a entrepris une réflexion sur la rétroaction et a trouvé une manière efficace pour que ses élèves s’y intéressent : retarder la divulgation des notes.
Une source de frustration
La frustration de Kristy Louden et de plusieurs enseignants est justifiée. L’élève, en consultant rapidement sa note et en enfouissant sa copie au fond de son sac à dos, ne retire aucun bénéfice pédagogique de la rétroaction et donne l’impression à l’enseignant que tout le temps mis dans la correction est inutile.
La solution à la rétroaction ignorée
Après quelques mois à vivre avec un sentiment de colère et d’impuissance, Kristy Louden en vient à une solution : elle retourne aux élèves leurs travaux ou leurs examens sans note, seulement avec des commentaires et des annotations. En retardant la divulgation de la note, elle espère que ses élèves se concentreront enfin sur la rétroaction et prendront le temps de lire les commentaires sur leurs travaux, de penser à ces commentaires et de les digérer.
Un pari payant
La réponse de ses élèves fut positive : ils ont compris les bénéfices pédagogiques de la relecture et de l’importance des rétroactions. Leur capacité à porter un regard critique sur leurs travaux et leurs apprentissages s’est améliorée.
« Madame Louden, vous êtes un génie. Je n’avais jamais lu ce qu’un enseignant avait écrit sur mon essai auparavant! » – élève de 6e année
Le plan de Kristy Louden pour obtenir les mêmes résultats :
1. Noter les travaux dans un document séparé.
2. Planifier du travail personnel ou du travail d’équipe pour avoir suffisamment de temps pour rencontrer chaque élève.
3. Distribuer les travaux annotés et commentés en écrivant les directives suivantes au tableau ou sur leur travail :
- Lisez votre travail et les commentaires;
- Écrivez trois observations et deux questions qui seront abordées lors de la rencontre avec l’enseignant;
- Écrivez des commentaires ou des suggestions d’amélioration;
- Écrivez la note que vous pensez obtenir.
4. Donner suffisamment de temps aux élèves pour qu’ils puissent réfléchir à leur travail et appliquer les directives.
5. Rencontrer chaque élève pendant quelques minutes pour revoir le résultat des directives et la note qu’il s’est donnée.
Kristy Louden mentionne que c’est ici que la magie s’opère. Elle s’étonne de la profondeur des réflexions des élèves, de leur capacité à exprimer des commentaires pertinents et constructifs et de leur sévérité envers eux-mêmes.
6. Donner la chance aux élèves de réviser leurs erreurs ou de réécrire leurs travaux. L’auteure note que cette étape permet à l’élève de devenir plus réflexif et d’améliorer son écriture.
» Cela permet aux élèves de sympathiser avec moi sur la longueur du processus de correction. 😉 » – Kristy Louden
Références :
Louden, K. 2017. Delaying the Grade : How to Get Students to Read Feedback. Cult of Pedagogy.
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Même remarque pour moi qui suis enseignante en collège en France : problème de temps pour prendre chaque élève individuellement ( j’avais des classes de 29 élèves cette année – 13/14 ans) .
Concernant l’évaluation, ce qui est peut-être bénéfique avec la réforme du collège chez nous, c’est que nous ne donnons plus de notes mais seulement des niveaux de compétences ( I – insuffisant/ F-fragile/ S-satisfaisant/ TBM- très bonne maîtrise) pour chaque item évalué, avec, normalement, une échelle descriptive pour chacun. Du coup, les élèves ont été tout d’abord déstabilisés par la disparition des notes er surtout de la note » globale » : ils ne pouvaient plus se comparer avec les autres… Avec ces quatre niveaux de compétences pour chaque item évalué, ils ont été plus attentifs aux commentaires sur la copie et conseils pour progresser car ils voulaient comprendre davantage ce qui justifiait leur niveau…
Les quatre temps de rétroaction proposés par ce professeur sont intéressants.
J’avis lu l’article de Kristy Louden en juin dernier et il m’avait vraiment interpellée car je mets beaucoup de temps (trop?!) pour la rédaction de différentes commentaires en vue de favoriser la réussite de l’élève et sa progression. Je trouve que les moyens qu’elle suggère sont fort pertinents et qu’ils impliquent davantage l’élève dans son processus (empowerment). Je veux me réserver du temps pour mettre en place ces méthodes, ne pas divulguer la note , puis rencontrer les élèves, particulièrement pour les productions écrites. C’est le temps qui est difficile à trouver! ce serait chouette d’avoir des libérations pour pouvoir rencontrer individuellement nos groupes d’élèves! Je le fais déjà pour revoir des films (sketchs filmés ou montage vidéo) que les élèves ont fait en équipe, mais je ne l’ai jamais fait individuellement.