Quelques pistes d’intervention pour renforcer la collaboration école-famille-communauté au primaire

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Mis à jour le 12 Avr 2023

C’est bien connu, le soutien parental est déterminant pour la réussite scolaire des enfants. Des chercheuses de l’UQAC ont fait équipe avec la direction et les enseignantes de certaines écoles primaires du Saguenay désireuses de stimuler la participation des parents à la vie de l’école et de rendre celle-ci plus inclusive. Pendant six ans, des efforts concertés ont permis de développer de nouvelles pratiques de collaboration école-famille-communauté dans des écoles dont certaines sont situées en milieux défavorisés.

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Répertoire d’activités – Collaboration École-Famille-Communauté

Un projet rassembleur

Dans son plan stratégique, la commission scolaire des Rives-du-Saguenay avait inscrit l’importance de valoriser l’implication des parents et de la famille dans le cheminement scolaire des enfants. Elle souhaitait offrir des activités de formation dans les écoles primaires afin d’améliorer les pratiques de collaboration école-famille-communauté. Ainsi, Catherine Dumoulin et sa collègue Pascale Thériault, toutes deux professeures au Département des sciences de l’éducation de l’UQAC, ont été approchées par la direction des Services éducatifs de la commission scolaire des Rives-du-Saguenay dans le but d’accompagner certaines écoles dans ce changement de pratiques.

« J’ai insisté pour qu’on travaille aussi avec des écoles en milieu défavorisé, soit celles dont l’indice de milieu socioéconomique (IMSE) est le plus élevé (1) », précise madame Dumoulin. Dans ces milieux, on retrouve davantage de parents intimidés par l’école, qui n’osent pas entrer dans cet univers ou qui conservent des souvenirs négatifs de leur expérience scolaire.

Huit équipes-école ont été accompagnées et soutenues dans ce changement de pratiques dont 4 écoles accueillant une grande proportion d’élèves issus de familles défavorisées. Une première cohorte constituée de quatre écoles a été suivie de 2006 à 2009 et une seconde de 2009-2012.

Chaque école participante a mis sur pied un comité interne Partenariat école, famille et communauté (PÉFEC) comptant la direction, du personnel professionnel, des enseignants, une conseillère pédagogique, un membre de la communauté et des parents. Parmi les organismes présents dans la communauté, on retrouve, par exemple, des responsables d’équipements municipaux (parc, aréna, bibliothèque, etc.) et des commerçants.

De notre côté, ajoute Catherine Dumoulin, nous avons créé une équipe de recherche et d’intervention composée de trois conseillères pédagogiques, d’une professionnelle du Ministère de l’éducation, du loisir et du sport (MELS) et des deux chercheures de l’UQAC. Deux professionnels du Conseil régional de prévention de l’abandon scolaire (CRÉPAS) du Saguenay-Lac Saint-Jean faisaient également partie de cette équipe. Il s’agit d’un organisme qui a une bonne connaissance des familles dans la région et qui est spécialisé dans le transfert et la diffusion des résultats de recherche. De plus, plusieurs étudiants ont également été impliqués dans le projet.

À l’origine, le projet devait durer une seule année, mais il a débuté en 2006 et s’est terminé en 2012. Il a obtenu un soutien financier de la part du MELS dans le cadre de son programme de Soutien à la formation continue du personnel scolaire, celui de la commission scolaire des Rives-du-Saguenay, du CRÉPAS, sans oublier la participation financière des écoles participantes.

Faire autrement et faire mieux

Pour répondre à la requête de la commission scolaire, l’équipe de madame Dumoulin a proposé aux écoles de s’engager dans une démarche de recherche-action. Selon Catherine Dumoulin, il est essentiel d’intégrer les projets à quelque chose de significatif afin d’éviter que le travail soit effectué d’une manière isolée. Les projets proposés doivent être aidants tout en s’arrimant à ce qui se fait déjà. « Comme toutes les écoles doivent se doter d’un plan de réussite, c’est à partir de ce plan que nous avons travaillé », explique la chercheure. Dans les écoles, note la chercheure, « on a surtout tendance à diffuser de l’information aux parents ou à faire appel à eux pour un coup de main lors d’un événement particulier, comme une fête de finissants ou une levée de fonds. Avec le projet de collaboration école-famille-communauté, nous voulions créer de réels échanges avec les parents, directs et constants. On voulait les faire participer aux prises de décisions, insiste-t-elle, afin d’établir une relation de confiance entre eux et l’équipe-école. »

Ainsi, dans une perspective de changement, chaque école a dressé l’inventaire de ses pratiques de collaboration école-famille-communauté et interroger les parents sur leurs besoins. Toutes les écoles participantes étaient ensuite invitées à échanger ensemble sur leurs expériences, leurs bons coups comme leurs moins bons. Pour dresser l’inventaire des pratiques, le guide Rapprocher les familles et l’école primaire, publié par le MELS en 2004, a été retenu par l’équipe de recherche et d’intervention parce qu’il est particulièrement bien adapté aux milieux où les conditions sociales et économiques sont plus difficiles et qu’il offre des instruments de travail validés. Les pratiques de collaboration y sont classées selon quatre volets: 1) Diversifier et faciliter la communication; 2) Faciliter l’exercice du rôle parental; 3) Encourager la participation des parents à la vie de l’école et 4) Collaborer plus étroitement avec la communauté pour répondre aux besoins des familles et des jeunes. Pour Catherine Dumoulin, « La collaboration, c’est d’abord la communication ». Le projet a donc débuté par le volet communication, puis l’équipe a travaillé sur l’exercice du rôle parental.

Les chercheures ont présenté les résultats des inventaires en les mettant en relation avec les des données tirées de la littérature scientifique. De plus, la revue de la littérature scientifique a été utile pour faire le choix des meilleures activités de collaboration à mettre en place.

L’équipe de recherche et d’intervention a également organisé des conférences avec différents intervenants et elle a animé des discussions avec les représentants des écoles tout au long du déroulement du projet. Ainsi, la démarche de recherche-action permettait de prendre appui sur les plus récents résultats de recherche tout en considérant les pratiques des milieux pour élaborer des activités qui amènent les parents à être plus actifs dans la vie scolaire de leurs enfants. Entre les différentes activités, les écoles étaient accompagnées par une conseillère pédagogique dans le but de faciliter le transfert dans la pratique. Le projet devait aussi viser la pérennité des pratiques en formant le personnel de la commission scolaire à la collaboration école-famille-communauté afin qu’il puisse devenir autonome.

Un questionnaire a été administré à environ 400 parents par la suite. Dans un effort commun d’interprétation, les résultats du sondage ont été analysés. Sur cette base, les équipes-écoles ont pu élaborer leur plan d’action. Le support des chercheures a été très aidant, fait remarquer Louise Noël, directrice d’une école primaire de Chicoutimi ayant pris part au projet. « Si nous n’avions pas eu l’aide des chercheures à cette étape, nous n’aurions pas entrepris le sondage auprès des parents car le travail de compilation et de traitement des données nous aurait pris beaucoup trop de temps ».

Finalement, l’équipe de recherche et d’intervention a conçu, planifié, développé et réalisé toutes les activités de formation. Celles-ci s’inspiraient de pratiques probantes de collaboration issues de résultats de recherche tout en considérant les actions effectuées dans les milieux. Ce travail s’est fait dans une perspective de co-construction. « Nous avons établi un très beau partenariat », conclut madame Noël. Madame Dumoulin est d’accord avec elle. À son avis, la qualité des relations, dont on parle trop rarement, fait toute la différence dans un tel projet.

Quelques exemples de pratiques de collaboration

Plusieurs écoles ont choisi d’organiser des rencontres avec les parents dans un contexte récréatif et informel, comme lors de déjeuners ou de dîners causerie. C’est devenu une tradition dans certains milieux. L’idée étant d’encourager la venue des parents à l’école, ces repas pris en commun permettent de vivre des moments agréables où parents et enseignants apprennent à mieux se connaître.

De telles occasions d’échange et de partage contribuent à faire tomber certains préjugés qui prévalent de part et d’autre. Elles permettent de raffermir le lien de confiance indispensable à un bon partenariat avec les parents et également avec les enfants.

C’est dans le cadre d’activités d’échange et de partage entre les parents et l’équipe-école que se développe un lien de confiance et qu’on apprend à se connaître les uns, les autres.

Il faut y aller progressivement, selon Louise Noël, en proposant tout d’abord des activités plus modestes, récréatives, moins engageantes pour les parents et moins menaçantes pour les enseignants, car ceux-ci peuvent craindre de voir les parents s’immiscer dans leur quotidien. Finalement, on constate que ce n’est pas le cas et que les échanges entre l’équipe-école et les parents sont très riches, fait-elle remarquer.

L’école qu’elle dirige a mis en place un journal de communication avec les parents. Elle a également installé à l’entrée un tableau électronique sur lequel on diffuse des messages ainsi que des photos et des vidéos d’activités auxquelles participent les enfants, en classe ou ailleurs. Les parents qui viennent à l’école peuvent voir défiler ces images et observer leurs enfants en action, au gymnase ou au service de garde, par exemple. C’est une source de fierté pour les élèves. « La fierté que ça fait naître chez les enfants, ça n’a pas de prix », constate-t-elle.

Certaines écoles ont aménagé un endroit spécifique pour les parents et elles ont amélioré l’accueil qu’elles leur réservent. Ainsi, le message envoyé aux parents est qu’ils ont leur place à l’école et qu’ils y sont les bienvenus. Les parents veulent savoir ce que leurs enfants font en classe. C’est une saine curiosité et il faut les encourager en ce sens.

Un autre exemple du soutien possible aux parents dans l’exercice de leur rôle est celui d’une orthopédagogue qui a utilisé différentes stratégies d’apprentissage avec des élèves dyslexiques. Après quelques séances de travail en classe, elle a invité leurs parents à assister à son atelier en présence des enfants pour leur montrer comment s’y prendre. Les parents ont été enchantés d’apprendre à diversifier leurs façons de faire.

Le sondage réalisé auprès des parents a montré que, parmi ceux qui ne viennent pas à l’école, plus de la moitié invoquent l’horaire des rencontres qui ne leur convient pas. Ils ont également soulevé le problème d’assurer la présence de quelqu’un auprès des enfants à la maison pendant qu’ils sont absents.

Dans le cadre du projet de recherche-action, des écoles ont offert des ateliers de formation aux parents dans une formule appelée « 5 à 7 des familles ». En considérant les contraintes soulevées par les parents, des animations ont été planifiées simultanément pour les enfants ce qui a permis à bon nombre de familles de prendre part aux activités. Ce sont des étudiants en sciences de l’éducation de l’UQAC qui ont réalisé et animé les ateliers de formation offerts aux parents ainsi que les ateliers de littérature jeunesse destinés aux jeunes. Cette initiative a si bien fonctionné qu’il a fallu recruter des étudiants additionnels. « Voilà un bel exemple de partenariat école-famille-communauté », souligne madame Dumoulin.

Un répertoire d’activités destiné aux écoles primaires

Le projet a eu un impact certain sur l’atmosphère de l’école, note Catherine Dumoulin. En outre, ajoute madame Dumoulin, « les écoles participantes sont plus sensibles qu’avant à l’importance de tenir compte des résultats de la recherche avant de procéder à un changement dans leurs façons de faire. »

Les rencontres entre les parents et les enseignants ont créé des relations plus harmonieuses entre eux. « Dans les écoles, on voit le parent différemment ».

Du côté des parents, un sondage mené suite à la mise en place de nouvelles pratiques de collaboration dans les écoles a montré un très haut taux de satisfaction (plus de 90 %) par rapport au contenu et à l’organisation des activités qui leur ont été proposées. De nombreux parents affirment que ces activités les ont aidés dans leurs relations avec leurs enfants. Dans l’ensemble, la commission scolaire des Rives-du-Saguenay connaît une très bonne participation des parents présentement.

Dans un avenir prochain, madame Dumoulin et son équipe souhaitent examiner de plus près la problématique des parents avec qui les enseignants n’ont aucune relation, en tentant de travailler avec les organismes communautaires pour réussir à les rejoindre.

Dans le prolongement de cette recherche-action réalisée auprès de huit écoles primaires de la commission scolaire des Rives-du-Saguenay, les pratiques de collaboration mise de l’avant dans l’ensemble des écoles de la commission scolaire ont été répertoriées. Ce document Répertoire d’activités de collaboration école-famille-communauté est le fruit de deux années de travail en collaboration avec les partenaires du projet. Destiné aux écoles primaires, il donne quantité d’exemples d’interventions et d’activités de collaboration qui pourront inspirer les équipes-écoles intéressées à développer de fructueuses et agréables activités de collaboration avec les parents et les membres de leur communauté.

(1) : L’IMSE est constitué de la proportion des familles avec enfants dont la mère n’a pas de diplôme, certificat ou grade (ce qui représente les deux tiers du poids de l’indice) et la proportion de ménages dont les parents n’étaient pas à l’emploi durant la semaine de référence du recensement canadien (ce qui représente le tiers du poids de l’indice).

Nous tenons à remercier les personnes suivantes pour leur précieuse contribution à cet article : Véronique D’Amours, Lise Santerre et Pascale Thériault.

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  • Bonjour,

    Est-il possible d’avoir accès à une copie de ce répertoire d’activités de collaboration entre École-Famille et la communauté ? Si oui comment ?

    Merci

    Jacinthe Viel

    jacinthe Viel