Un réseau social tissé par le harcèlement

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Mis à jour le 04 Mar 2011

Texte traduit et adapté de Web of Popularity, Achieved by Bullying, publié sur le site de The New York Times le 14 février 2011

Source de l’image : Shutterstock Andrii Yalanskyi

Pour bien des adolescents, l’appartenance à un groupe d’amis populaires est gage d’une vie sociale de qualité. De récentes études montrent toutefois que la voie de la popularité à l’école secondaire n’est pas des plus paisibles et que les jeunes qui se retrouvent dans le haut de la hiérarchie sociale sont souvent bourreaux des uns et victimes des autres. Une récente étude à ce sujet, publiée dans la revue The American Sociological Review, offre un aperçu de l’univers social des adolescents et de sa stratification. Menée par des chercheurs de l’Université de Californie à Davies, cette étude s’est penchée sur les stéréotypes de bourreau et de victime à l’école secondaire.

Les cas typiques de brutalité dont on entend parler impliquent souvent un individu socialement isolé et continuellement victime de harcèlement. Les bourreaux sont quant à eux perçus comme des mésadaptés sociaux profondément haineux et agressifs. Des études montrent cependant que diverses formes d’agression surviennent lorsque les jeunes tentent d’améliorer leur condition au sein de leur groupe, contredisant ainsi des stéréotypes profondément ancrés.

Les chercheurs avancent que les comportements d’agression et d’intimidation ne naitraient pas nécessairement de la méchanceté, mais plutôt de considérations liées au rang social. Robert Faris, collaborateur à cette étude, observe que les individus occupant un rang moyen à haut dans la hiérarchie d’un groupe seraient les plus enclins à commettre des actes d’agression et d’intimidation. Cela ferait partie d’une stratégie de protection et d’une tentative d’amélioration de la situation sociale.

Faris a découvert que les victimes choisies ne sont pas des individus marginaux et vulnérables comme on pourrait le croire, mais bien des individus en position de rivalité directe avec l’agresseur. Ces victimes font donc partie d’un groupe et occupe une position entre le milieu et le haut de la hiérarchie sociale. Selon Faris, cela montre que les jeunes croient qu’il est plus bénéfique sur le plan social de s’en prendre à un rival plutôt qu’à un individu quelconque. Cette forme d’agression reste méconnue puisque la croyance veut qu’un bourreau soit fondamentalement cruel et qu’une victime soit faible et sans défense. Cette réalité échappe donc souvent aux éducateurs et aux parents qui ignorent la pression et l’angoisse qui pèsent sur certains jeunes en apparence bien adaptés.

Les chercheurs sont parvenus à cartographier l’arrangement social de quelques écoles secondaires de trois comtés de la Caroline du Nord. Pour ce faire, ils ont demandé à plus de 3700 élèves âgés de 13 à 16 ans de nommer leurs cinq meilleurs amis. Ils ont ainsi identifié les différents groupes et repéré les individus les plus populaires pour chacune des écoles. En utilisant ces schémas, les chercheurs ont découvert une tendance à l’augmentation des comportements agressifs proportionnelle à la hausse du rang social. Apparemment, ces comportements culminent au 98e percentile de popularité puis subissent une chute chez les 2% d’individus occupant le sommet de la hiérarchie d’un groupe. Cette baisse démontrerait l’inutilité du harcèlement une fois les meilleurs rangs sociaux atteints. Dans ce cas, une manifestation de violence envers une victime pourrait même être perçue comme un signe d’insécurité quant à la situation sociale et nuirait à son maintien. C’est du moins l’hypothèse qu’émet Faris pour expliquer cette diminution des actes d’agression, qui ne pourrait selon lui, être attribuée à la gentillesse des quelques individus occupant le haut de l’échelle sociale.

Richard Callagher de la New York University Child Study Center constate que l’étude de Faris enrichit une littérature scientifique de plus en plus importante sur le rôle de la popularité dans les comportements agressifs. Callagher affirme que les parents, les élèves et les éducateurs devraient prendre conscience de cette réalité pour mieux y remédier. Il prétend également que les programmes de réduction de la violence qui se sont avérés les plus efficaces sont ceux qui ont sollicité la participation des jeunes, notamment des jeunes les plus populaires. Lorsque ceux-ci discréditent l’usage de la violence, on observerait une baisse de l’intimidation et du harcèlement.

Selon Faris, il est clair que la popularité influence les comportements agressifs, mais ce serait l’importance accordée à la popularité qui serait le réel moteur de cette violence. Le chercheur attire également l’attention sur le fait que, jusqu’ici, on abordait le phénomène du harcèlement et de l’intimidation par le biais de la santé mentale. Faris est d’avis que les recherches devraient s’attarder davantage aux liens qui se forment entre l’ensemble des comportements agressifs et le tissu social de chaque école.

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