Entrainer les jeunes lecteurs par l’imagerie mentale

Lecture : 5 min.
Mis à jour le 02 Sep 2015

Différents types d’intervention ont été explorés dans les dernières années dans le but d’améliorer la compréhension des histoires chez les lecteurs en difficulté, car de bonnes aptitudes de compréhension sont essentielles à la réussite scolaire.

Source de l’image : Shutterstock SomjaiJaithieng

Cet article est traduit et adapté de Joffe, Cain, Maric (2007). Comprehension problems in children with specific language impairment: does mental imagery training help? International Journal of Language & Communication Disorders. ISSN 1368-2822 print / ISSN 1460-6984 online.

Dans cet article, la chercheuse Victoria L. Joffe et ses collaborateurs évaluent l’efficacité d’un programme d’intervention utilisant l’imagerie mentale pour améliorer la compréhension littérale et inférentielle chez les enfants ayant un « trouble spécifique du langage » (en anglais specific language impairment).

Comprendre une histoire

Pour construire une représentation cohérente de la signification d’une histoire, le lecteur doit comprendre, se rappeler et générer des déductions, soit en intégrant des idées au sein de différentes parties de l’histoire ou en incorporant des connaissances générales avec des détails de l’histoire. La compréhension littérale d’une histoire consiste à comprendre les informations données de façon explicite par l’auteur tandis que la compréhension inférentielle nécessite d’aller au-delà des mots pour comprendre l’information implicite.

Le trouble spécifique du langage (SLI)*

Le trouble spécifique du langage est le terme utilisé pour décrire les enfants qui éprouvent des difficultés dans l’apprentissage du langage en l’absence de toute autre déficience physique, émotionnelle, intellectuelle ou neurologique. Ces enfants présentent des déficits dans le langage expressif ou réceptif qui sont bien établis.

Précisément, les enfants ayant un trouble spécifique du langage peuvent, entres autres, avoir de la difficulté à comprendre une histoire. La compréhension d’une histoire est généralement évaluée par la qualité des réponses fournies aux questions qui nécessitent de soutirer de l’information du contenu littéral et inférentiel.

Les enfants ayant un trouble spécifique du langage éprouvent des difficultés à répondre à des questions qui nécessitent de soutirer de l’information qui n’a pas été présentée de façon explicite dans l’histoire. De plus, leur mémoire pour les informations littérales est également altérée. Cependant, leurs difficultés ne se limiteraient pas au domaine verbal, car leur capacité à répondre à des questions sur le contenu des histoires est moins bonne que celle des enfants de leur âge pour des histoires présentées visuellement comme une séquence d’images.

Les lecteurs en difficulté

Les enfants ayant un trouble spécifique du langage ne sont pas les seuls à présenter des difficultés de compréhension de lecture. En effet, certains enfants ont des difficultés spécifiques de compréhension de lecture (lecteurs en difficulté) en l’absence de difficulté d’apprentissage du langage.

Les lecteurs en difficulté développent la capacité à lire les mots selon l’âge attendu, mais leur lecture ou leur compréhension à l’audition est altérée. Ils ne parviennent pas à générer toutes les inférences nécessaires pour assurer la compréhension adéquate de texte. Leurs difficultés ne s’expliquent pas par une mauvaise mémoire des faits du texte, puisque leur capacité à répondre à des questions nécessitant de faire des inférences est altérée même lorsque le texte est présent devant eux.

La technique de l’imagerie mentale

Pour comprendre une histoire, certains enfants ne présentant pas de difficultés en lecture utilisent spontanément la technique de l’imagerie mentale. Les enfants qui rapportent un plus grand nombre d’images rappellent un plus grand nombre de détails sur les personnages, les événements et le thème de l’histoire.

Selon les données d’études précédentes, l’entrainement de l’imagerie mentale améliore la compréhension de l’histoire des enfants atteints de difficultés spécifiques de compréhension de lecture.

De la sorte, l’objectif principal de cette étude était d’évaluer l’efficacité de cette technique pour améliorer la compréhension des histoires des enfants ayant un trouble spécifique du langage. L’imagerie mentale pourrait être une stratégie appropriée pour les enfants ayant un trouble spécifique du langage, car elle fournit un support visuel supplémentaire. En effet, une mémoire verbale pauvre pourrait être un des facteurs à la base de la faible compréhension des enfants ayant un trouble spécifique du langage. L’entrainement de la technique de l’imagerie mentale pourrait aider ces enfants à développer leur système de codage visuel et ainsi, les aider à se représenter les informations de l’histoire en utilisant ce système de codage de façon alternative ou complémentaire, ce qui réduirait la charge de la mémoire verbale associée au traitement de l’histoire.

Le deuxième objectif était d’évaluer si cette technique facilite spécifiquement la capacité à faire des inférences ou s’il permet d’améliorer tous les aspects du rappel de récit et de la compréhension d’une histoire.

L’expérience en bref

Neuf enfants présentant un trouble spécifique du langage ont participé à cinq rencontres de 30 minutes au cours desquelles ils ont été entrainés à produire des images mentales pour des phrases et des histoires de façon graduelle. Leur capacité à répondre à des questions littérales et inférentielles à partir de courts récits a été évaluée avant et après l’intervention et comparée avec la performance de 16 enfants du même âge ayant un développement normal.

Les résultats

  • L’entrainement de la technique de l’image mentale a amélioré la compréhension de l’histoire des enfants présentant un trouble spécifique du langage.
  • L’amélioration a été plus grande pour les questions littérales. En effet, la technique a amélioré le rappel de détails explicites dans le texte, mais elle n’a pas eu autant d’incidence sur la capacité à produire des inférences.
  • Une amélioration, bien que non significative selon les données, était toutefois observée pour les questions nécessitant de faire des inférences dans le groupe des enfants ayant un trouble spécifique du langage.
  • La littérature scientifique fournit des résultats mitigés quant à l’amélioration de la compréhension inférentielle par la technique de l’imagerie mentale. Certains auteurs ont trouvé que la technique améliorait la performance sur tous les types de questions d’un texte (capacité à produire une inférence ainsi que des questions sur le contenu de l’histoire). D’autres études ont rapporté plus de succès de la technique de l’imagerie visuelle pour améliorer la compréhension inférentielle.

Dans l’étude actuelle, l’entrainement a été de courte durée et un programme d’entrainement plus long pourrait permettre une meilleure amélioration de la capacité à comprendre des inférences. L’absence d’un impact significatif de l’amélioration de la compréhension inférentielle ne porte pas atteinte à la conclusion qu’une période relativement courte d’entrainement améliore le rappel de contenu littéral de façon spectaculaire chez les enfants ayant un trouble spécifique du langage.

L’imagerie mentale est une technique simple et rapide à entraîner permettant d’améliorer la mémoire et la compréhension des récits courts des enfants ayant un trouble spécifique du langage.

* Les termes dysphasie (également nommée trouble spécifique de langage ou déficience langagière au Québec) et trouble spécifique du langage (specific language impairment ou SLI dans les écrits anglo-saxons) regroupent des manifestations semblables sans toutefois être des synonymes puisque l’identification des enfants ne repose pas exactement sur les mêmes critères. Ceci fait en sorte qu’il n’est pas possible de transposer intégralement les données de recherche disponibles pour les enfants SLI aux enfants dysphasiques. En étant utilisées avec prudence toutefois, ces données peuvent néanmoins guider la pratique clinique dans la francophonie canadienne. (St-Pierre, Dalpé, Lefebvre, Giroux (2010). Difficultés de lecture et d’écriture. Presses de l’Université du Québec, p.110.)

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  • Bonjour,

    Une petite nuance au niveau de la terminologie …

    Au Québec, le trouble primaire du langage est un nouveau terme et est un synonyme de dysphasie. Le terme trouble primaire du langage est celui utilisé par les orthophonistes.

    La déficience langagière ;
    ce terme n’est pas le terme utilisé en recherche. Seul le MELS utilise le terme de déficience langagière et donne le code de handicap 34 aux élèves affectés. Les élèves doivent répondre aux critères établis par le MELS. Dans les critères du MELS, on parle de sévérité et on inclut aussi certains critères de dyspraxie verbale.

    Seulement 10 % des dysphasiques ont ce code de handicap 34 et sont identifiés par le MELS comme ayant une déficience langagière. Donc, le terme déficience langagière n’est pas un synonyme de dysphasie. D’ailleurs cette appellation porte à confusion.

    Merci,

    Pascale Durocher

    Pascale Durocher
  • Excellente présentation !

    Lambros STAVROU