Raconte-moi une histoire : les habiletés narratives des enfants qui tardent à parler

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Mis à jour le 16 Sep 2015

Carmela Miniscalco, chercheuse à l’Université Göteborg en Suède, et son équipe se sont intéressées aux compétences narratives à l’âge scolaire de 21 enfants recrutés à partir d’un échantillon de la communauté, dont le retard de langage a été dépisté à l’âge de 2 ans et demi. Les chercheurs ont évalué les problèmes de langage, le profil cognitif et l’occurrence de troubles neuropsychiatriques et neurologiques de ces enfants à 7-8 ans.

histoire

Cet article est traduit et adapté de Miniscalco, Hagberg, Kadesjo, Westerlund, Gillberg (2007). Narrative skills, cognitive profiles and neuropsychiatric disorders in 7–8-year-old children with late developing language. International Journal of Language & Communication Disorders, vol.42, no.6, p.665-681. ISSN 1368-2822 print / ISSN 1460-6984.

Les chercheurs se sont posé les questions spécifiques suivantes :

  • Les enfants suédois ayant un résultat positif lors du dépistage de retard du langage à l’âge de 2 ans et demi ont-ils des problèmes narratifs à l’âge scolaire?
  • Est-ce que le profil des habiletés narratives diffère chez les enfants ayant un diagnostic supplémentaire par rapport aux enfants ayant seulement des difficultés langagières ?
  • Y a-t-il une relation entre la performance à une tâche évaluant les compétences narratives, la compréhension verbale, l’état cognitif et/ou neuropsychiatrique?

Les habiletés narratives

Produire un discours narratif requiert de nombreuses aptitudes dont les habiletés langagières, cognitives et sociales. Plusieurs auteurs rapportent que l’évaluation des habiletés narratives est une mesure valide de la compétence à communiquer chez les enfants ayant des difficultés de langage et ceux ayant un développement typique. L’évaluation de ces habiletés peut être réalisée de différentes façons, notamment par des tâches qui consistent à inventer ou rappeler un récit. Ces deux tâches nécessitent l’organisation des idées selon le schéma du récit. Par contre, comparativement aux histoires inventées, les échantillons de rappel de récit sont plus longs, contiennent plus d’éléments grammaticaux ainsi qu’une structure plus complète.

L’analyse des habiletés narratives des enfants fournit d’excellents indices sur le fonctionnement pragmatique parce qu’il permet de cibler la prise en compte de l’interlocuteur. Aussi, plusieurs capacités sous-jacentes sont nécessaires afin d’être en mesure de rappeler un récit: comprendre la tâche et la façon dont le texte est relié au sujet, se souvenir du texte, relier le texte aux images : intégrer l’information visuelle et lexicale et traiter le texte à la vitesse requise.

L’expérience en bref

Parmi les 21 enfants participant à cette étude, huit enfants présentaient un trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H), cinq enfants présentaient un trouble du spectre de l’autisme (TSA) et huit enfants présentaient seulement des difficultés langagières. Les aptitudes cognitives et les habiletés narratives de ces enfants ont été évaluées par les tests suivants : le Bus Story Test, le sous-test Narrative Memory du bilan neuropsychologique de l’enfant (NEPSY) et l’échelle d’intelligence de Wechsler pour enfants (WISC-III).

Résultats

  • Les trois mesures du Bus Story Test (information, longueur des phrases et propositions subordonnées) étaient en deçà des normes d’âge pour les 21 enfants, dont 13 avaient également un diagnostic neuropsychiatrique, c.-à-d. TDAH ou TSA.
  • La moitié des enfants atteints de retard de langage présentaient des difficultés au Bus Story Test (information) et au sous-test Narrative Memory indépendamment de la cooccurrence de trouble neuropsychiatrique.
  • La seule différence entre les enfants ayant un retard de langage pur et ceux qui ont eu un retard de langage en comorbidité avec un TDAH ou un TSA était au Freedom from Distractibility (Kaufman four-factor solution), mesurant l’arithmétique et l’empan des chiffres, où les enfants atteints de TDAH et TSA ont eu une faible performance.
  • Les enfants atteints de TSA ont un niveau beaucoup plus faible au FSIQ (WISC-III) et de moins bons résultats au Processing Speed (Kaufman four-factor solution).

Conclusion

La principale conclusion de la présente étude est que la moitié des enfants suédois ayant un retard de langage à 2 ans et demi ont des difficultés persistantes au plan des habiletés narratives à l’âge de 7-8 ans, indépendamment de la cooccurrence d’un trouble neuropsychiatrique. Les problèmes narratifs étaient présents parmi les enfants ayant un retard de langage, même en présence d’une parole et d’une compréhension verbale adéquates. Cependant, presque aucun des enfants avec un retard de langage n’a eu des problèmes au moment de répondre à des questions liées aux histoires — indépendamment de la présence ou de l’absence d’un diagnostic supplémentaire de TDAH ou TSA. Ainsi, poser des questions liées aux histoires peut être une bonne stratégie d’intervention à utiliser auprès de ces enfants.

Il est bien connu que de nombreux enfants souffrant de troubles neuropsychiatriques répondent également aux critères d’un trouble du langage. Cependant, cette étude montre que l’inverse est également vrai. Les enfants ayant des difficultés langagières avaient un taux élevé de diagnostics neuropsychiatriques à l’âge scolaire.

Cette étude a essayé de démêler les effets au niveau cognitif et au niveau du diagnostic neuropsychiatrique sur les habiletés narratives, telle que mesurée par le Bus Story Test. Cependant, aucune tendance générale claire n’a émergé.

Implications cliniques

  • L’évaluation des habiletés narratives peut être un outil pertinent pour identifier les enfants demeurant avec des difficultés subtiles dans le langage ou des difficultés pragmatiques plus persistantes et qui sont à risque d’échec scolaire.
  • Les récits ne sont pas utilisés sur une base régulière par les orthophonistes suédois en raison d’un manque de temps. Toutefois, il est clair que la production de récit à l’oral est un bon prédicteur des compétences langagières à long terme.

L’importance du travail interdisciplinaire

Le taux élevé de problèmes narratifs, de troubles neuropsychiatriques et de problèmes cognitifs légers chez le groupe des enfants ayant un retard de langage souligne la nécessité pour les spécialistes (orthophonistes, psychologues, neuropsychologues) de travailler en étroite collaboration pour établir des mesures fiables qui pourront être utilisées lors des évaluations cliniques.

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