Cœur-cerveau : comment intervenir auprès des élèves en difficulté

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Mis à jour le 05 Juin 2024

Dans le parcours des élèves, certaines personnes significatives croiseront leur route et auront une incidence sur leur cheminement scolaire. Pour Gerbe et al. (2017, cités dans CSÉ, 2020, p. 57) : « Une personne enseignante sensible est capable de reconnaître les besoins individuels des enfants et d’y réagir avec une approche positive qui permet de les faire progresser tant pour leur développement émotionnel que pour les apprentissages scolaires ». En ce sens, cet article présente des interventions documentées par la recherche qui soutiennent à la fois le cœur, soit la sphère affective, et le cerveau, constituant la sphère cognitive de l’élève en difficulté d’apprentissage.

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Comment favoriser l’apprentissage des élèves en considérant le cœur et le cerveau ?

Auparavant, l’éducation était perçue comme étant une transmission unidirectionnelle du savoir en provenance du maître vers l’apprenant ou l’apprenante. Aujourd’hui, les connaissances scientifiques sur le fonctionnement du cerveau démontrent que l’apprentissage est une déstabilisation à la fois cognitive et affective (CSÉ, 2020).

Figure 1. Le lien cœur-cerveau (Bédard, 2020)

Ainsi, il est primordial de considérer la sphère affective en ciblant des interventions appropriées, et ce, dans le but de favoriser les apprentissages sur le plan cognitif chez l’élève. La prise en compte du cœur et du cerveau devrait guider les interventions en classe en visant le plein potentiel des élèves, particulièrement pour ceux qui présentent des difficultés d’apprentissage. Dans cette optique, les personnes intervenantes en milieu scolaire ont un rôle de premier plan afin de mettre en place des conditions d’apprentissage favorables.

Le cœur de l’élève, un atout essentiel dans l’apprentissage ?

L’importance du bien-être des élèves, notamment en établissant une relation bienveillante avec eux et en améliorant leur sentiment de compétence, est à considérer dans nos classes. Selon Laplante (2012), la relation entre la personne enseignante et l’élève se décrit comme le degré de proximité, de dépendance et de conflit à la suite d’interactions entre ces deux personnes. Lorsque cette relation est positive, le bien-être, le sentiment de valorisation, ainsi que la confiance en soi de l’élève peuvent significativement augmenter (Grobler et Wessels, 2020 ; Iznardo et al., 2023). La recherche démontre également que la relation chaleureuse de la personne enseignante avec l’élève favorise le développement d’un sentiment de compétence positif chez celui-ci (Sainio et al., 2022). Le sentiment de compétence concerne le jugement que porte l’élève sur sa capacité à faire des apprentissages par l’intermédiaire de diverses sources d’informations externes et internes, ce qui l’amène à développer une perception générale de sa compétence en milieu scolaire (Grenon et Bouffard, 2016). Par conséquent, pour Tissot (2021) : « Les élèves en difficulté se heurtent à un sentiment d’incompétence, car le contexte pédagogique proposé ne leur permet pas de se révéler différemment, de valoriser les apprentissages dont ils sont capables » (p. 23). La mise en place d’interventions appropriées pour soutenir le bien-être de l’élève, en misant sur le développement d’une relation empreinte de chaleur et de bienveillance, prend alors tout son sens. En ce sens, le tableau ci-dessous présente des pistes d’intervention documentées par la recherche.

Tableau 1 : Pistes d’intervention en lien avec la sphère affective

Le transfert et la métacognition, un duo cognitif inséparable ?

La mise en place d’interventions pour favoriser le bien-être de l’élève apparaît donc comme un élément incontournable en milieu éducatif, puisque celles-ci permettent d’instaurer des conditions propices aux apprentissages. Toutefois, qu’en est-il du processus d’apprentissage en lui-même et comment pouvons-nous soutenir les élèves ? À ce propos, la question du transfert des apprentissages est fondamentale. C’est un processus complexe à mettre en œuvre et celui-ci est essentiel pour permettre aux élèves de générer des savoirs (Jutras-Dupéré, 2019). En effet, ce processus implique la capacité pour un élève d’utiliser les connaissances, les compétences et les stratégies acquises dans un contexte donné pour les appliquer efficacement dans un nouveau contexte (Jutras-Dupéré, 2019). Certains éléments doivent être préalablement établis afin de favoriser le plein développement de cette tâche cognitive complexe. Parmi ceux-ci, la métacognition constitue une composante clé au sein de ce processus. À la lumière des divers écrits scientifiques, il est possible d’affirmer qu’elle est liée à la conscience introspective de l’apprenant et de l’apprenante sur ses opérations cognitives et de leur régulation (Raymond, 2022). Il est démontré que l’utilisation de stratégies métacognitives tend à distinguer les apprenants et apprenantes en réussite de ceux présentant des difficultés d’apprentissage (Raymond, 2022). Comme les habiletés métacognitives ne sont pas instinctives, l’élève doit s’impliquer dans ce processus, à condition qu’il soit affectivement disposé pour y parvenir. Ce faisant, le tableau 2 présente certaines interventions stratégiques à prioriser pour la sphère cognitive.

Tableau 2 : Pistes d’intervention en lien avec la sphère cognitive

Le rôle de l’orthopédagogue en lien avec le soutien à l’apprentissage

À la lumière des informations recueillies, il est évident que la relation cœur-cerveau est à prendre en considération en contexte éducatif et les composantes de celle-ci sont interdépendantes. D’ailleurs, l’orthopédagogue peut agir à titre d’agent de changement auprès des personnes enseignantes en valorisant l’application de pratiques efficaces et reconnues. Dans ses interventions directes auprès des élèves, l’orthopédagogue doit également prendre en compte la sphère cognitive et la sphère affective des élèves en difficulté pour permettre d’optimiser le développement de l’apprenant et de l’apprenante. En effet, l’orthopédagogue intervient auprès de l’élève en examinant les processus et les stratégies qui soutiennent l’apprentissage, en utilisant les capacités de l’élève tout en tenant compte de son profil motivationnel (Raymond, 2022). À ce propos, Frenkel et Deforge (2014) rappellent qu’il ne faut pas négliger l’interaction de la sphère métacognitive avec la sphère psychoaffective, qui pour sa part, détermine la place que l’élève attribue à son processus d’apprentissage (Frenkel et Deforge, 2014). En ce sens, l’orthopédagogue peut contribuer à la réussite scolaire de tous les élèves en appuyant ses interventions sur ces deux sphères indissociables.

Bibliographie

Bédard, A. (2020). Et si la façon d’atteindre le plein potentiel de nos élèves passait par leur cœur? École branchée: enseigner à l’ère du numérique. https://ecolebranchee.com/et-si-atteindre-plein-potentiel-passait-par-leur-coeur/

Bonnefous, E. (2015). Intervention métacognitive dans une classe REP: effets auprès des élèves et analyse des outils d’évaluation. Mémoire de maîtrise. Genève: Université de Genève.

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Frenkel, S. (2014). Composantes métacognitives ; définitions et outils d’évaluation. Enfance, 4(4), 427-457. https://doi.org/10.3917/enf1.144.0427

Frenkel, S., et Deforge, H. (2014). Métacognition et réussite scolaire: Perspectives théoriques. 9782342032130.

Grobler, H. B. et Wessels, S. (2020). Hear Their Voices: Self-configuration Experiences of Learners with Mild Learning Difficulties within the Learner-Teacher Relationship. International Journal of Disabilities, Development and Education, 67(3), 243-262.  https://doi.org/10.1080/1034912X.2018.1499878

Grenon, É. et Bouffard, T. (2016). Analyse longitudinale des relations entre le biais négatif d’autoévaluation de compétence et le sentiment d’imposture chez les élèves. Revue des sciences de l’éducation, 42(1), 61-85. https://doi.org/10.7202/1036894ar

Iznardo, M., Ryan, J., Rogers, M., McKibbin, S., Piers, L. et Hogan, T. (2023). Examining Resiliency in Children With Learning Disabilities and Co-occurring ADHD Symptoms: The Protective Role of a Close Teacher-Student Relationship. Learning Disabilities: A Contemporary Journal 21(1), 1-16. https://files.eric.ed.gov/fulltext/EJ1386164.pdf

Laplante, D. (2012). La qualité de la relation entre les enseignants et les élèves du primaire ayant un trouble de comportement : association avec la performance scolaire et les difficultés comportementales actuelles et ultérieures [thèse de doctorat, Université de Sherbrooke]. Collections Canada. https://www.collectionscanada.gc.ca/obj/thesescanada/vol2/002/MR88886.PDF?is_thesis=1&oclc_number=910983848

Mahdavi, M. (2014). An overview: Metacognition in education. International Journal of Multidisciplinary and current research, 2(6), 529-535.

Raymond, A. (2022). La métacognition au cœur des interventions orthopédagogiques en écriture [Dissertation doctorale, Université du Québec à Trois-Rivières].

Rousseau, N., Deslandes, R. et Fournier, H. (2009). La relation de confiance maître-élève : perception d’élèves ayant des difficultés scolaires. McGill Journal of Education / Revue des sciences de l’éducation de McGill, 44(2), 193–211. https://doi.org/10.7202/039032ar

Sainio, P., Kenneth, E., Pakarinen, E. et Noona, K. (2022). The Role of Teacher Closeness in Emotions and Achievement for Adolescents With and Without Learning Difficulties. Learning Disability Quarterly, 46(3), 151-165. https://doi.org/10.1177/07319487221086006

Tissot, V. (2021). Quels aménagements mettre en place pour augmenter le sentiment de compétence des élèves? [Mémoire de Master, Haute École Pédagogique, Bejune]. https://folia.unifr.ch/documents/321888/files/FPS_2021_MEM_TissotVirginie.pdf

Vianin, O. (2009). L’aide stratégique aux élèves en difficultés scolaires https://books.google.ca/books?hl=fr&lr=&id=QgEKTj_mMqwC&oi=fnd&pg=PA1&dq=+Vianin,+O.+(2009).+L%27aide+stratégique+aux+élèves+en+difficultés+scolaires&ots=U55qdVRDHM&sig=EJGBgPPOB5uB_EfuBzHHLpsW1Kg&redir_esc=y#v=onepage&q=Vianin%2C%20O.%20(2009).%20L’aide%20stratégique%20aux%20élèves%20en%20difficultés%20scolaires&f=false

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    Marjolaine Bergeron