Des pratiques en orthopédagogie pour soutenir les élèves bi/plurilingues en apprentissage du français langue seconde
Avec la croissance de l’immigration au Québec dans les dernières années, de plus en plus d’élèves bi/plurilingues ont le français comme langue seconde et développent pour la première fois leurs compétences dans cette langue sur les bancs des écoles primaires et secondaires de la province. Dans ce contexte, les orthopédagogues peuvent être amenés à vouloir, d’une part, connaître les principes qui soutiennent l’apprentissage d’une langue seconde et, d’autre part, explorer des pistes d’intervention favorisant le développement des compétences langagières de ces élèves.
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Cet article présente des contenus issus de la conférence ayant pour titre Soutenir les élèves bi/plurilingues en apprentissage du français langue seconde présentée par Catherine Maynard, professeure adjointe en didactique du français langue seconde à l’Université Laval, et offerte par l’Association des Orthopédagogues du Québec (ADOQ).
Repères théoriques
Afin d’offrir un soutien adapté aux élèves bi/plurilingues en apprentissage du français langue seconde, il convient de mettre en œuvre des pratiques d’équité. L’équité renvoie à la « […] capacité d’un système à se doter de ressources, à mettre en œuvre des moyens adaptés aux besoins, à rendre accessibles ses services et ses ressources sans discrimination, et à adapter ses pratiques et son curriculum pour les rendre significatifs et pertinents [1]. » Les pratiques d’équité mettent notamment l’accent sur les forces des élèves bi/plurilingues en les considérant comme des jeunes à ressources particulières plutôt qu’à besoins particuliers. De cette manière, la diversité linguistique est davantage perçue comme un levier que comme un obstacle dans les interventions en orthopédagogie.
Apprentissage d’une langue seconde
Pour pouvoir intervenir adéquatement auprès des élèves bi/plurilingues, il importe d’abord de bien comprendre le processus d’apprentissage d’une langue seconde. Celui-ci se divise en trois stades, dont le développement peut se chevaucher.
Les trois stades du processus d’apprentissage d’une langue seconde
Par ailleurs, lorsqu’il apprend une langue, l’élève passe d’un stade réceptif à un stade productif, c’est-à-dire qu’il intègre d’abord l’information langagière de son environnement (input) avant de produire lui-même des énoncés (output). Bref, l’apprentissage d’une langue seconde est un processus long et complexe au cours duquel tous les acteurs scolaires ont un rôle important à jouer. Enfin, si l’élève se trouve en situation d’apprentissage d’une langue seconde, cela signifie qu’il a déjà développé des compétences langagières dans une langue première. En ce sens, il est tout à fait pertinent de valoriser et de mobiliser les acquis des élèves dans les autres langues de leur répertoire linguistique pour soutenir l’apprentissage du français langue seconde.
Stratégies et difficultés d’apprentissage
Les élèves bi/plurilingues ont déjà développé, lors de l’apprentissage de leur(s) langue(s) première(s), de multiples stratégies venant faciliter leur apprentissage d’une langue seconde. En effet, il existe des compétences cognitivolangagières communes aux différentes langues (p. ex. la reconnaissance de différents groupes syntaxiques et classes de mots, la mise en œuvre de stratégies de lecture et d’écriture, etc.), et ces compétences peuvent être transférées d’une langue à l’autre, facilitant ainsi le processus d’apprentissage d’une langue seconde. De tels transferts positifs entre les langues peuvent aussi soutenir le développement du vocabulaire des élèves, par exemple lorsque ceux-ci peuvent inférer le sens d’un mot en langue seconde à partir de leur connaissance d’un mot qui y ressemble sur le plan de la forme ou du sens dans une autre langue.
Cependant, il faut aussi s’attendre à ce que les apprenants et apprenantes d’une langue seconde commettent parfois des erreurs dues à un transfert négatif entre une langue première et la langue seconde. Ces erreurs interlinguales surviennent naturellement dans le processus d’apprentissage du français langue seconde. C’est par exemple le cas quand un élève hispanophone utilise le mot nez comme un nom féminin, comme c’est le cas en espagnol (la nariz). Les erreurs intralinguales, pour leur part, sont plutôt dues à la complexité de la langue française, qui rend certains apprentissages plus difficiles. Par exemple, des erreurs comme *vous faisez et *les journals surviennent naturellement chez les élèves francophones et peuvent donc également être observés chez les élèves apprenant le français comme langue seconde, sans égard à leur(s) langue(s) première(s).
Pistes d’intervention
Suivant l’idée que les connaissances préalables des élèves bi/plurilingues représentent une force pouvant soutenir leur apprentissage du français langue seconde, différentes pratiques pédagogiques et orthopédagogiques peuvent être considérées.
1.Miser sur les ressources particulières des élèves
Pour le personnel intervenant, cette piste d’action renvoie à la recherche d’un équilibre entre la mise en place d’activités d’apprentissage du français et la considération du bagage linguistique des élèves. Cela contribue ainsi à éviter, chez les élèves, une insécurité linguistique, un sentiment de discrimination, une baisse de l’estime de soi et des difficultés de transfert d’une langue à l’autre [2].
2. Utiliser des approches plurilingues et mettre en œuvre une pédagogie du translanguaging
L’utilisation d’approches plurilingues et la mise en œuvre d’une pédagogie du translanguaging sont associées à des pratiques lors desquelles les élèves sont invités à utiliser les langues de leur choix [3]. Des activités pédagogiques peuvent alors être imaginées dans le but de favoriser l’autonomie et l’engagement des élèves. Par exemple, ces derniers peuvent être invités à rédiger des textes identitaires plurilingues [4] ou à participer à la réalisation d’une carte sémantique en proposant des termes qui proviennent des différentes langues de leur répertoire [5].
3. Adopter une approche intégrée du français
L’articulation de l’enseignement de la grammaire à des situations d’écriture authentiques représente une piste d’intervention intéressante, puisqu’elle permet de donner un sens aux apprentissages de l’élève en écriture en français langue seconde. Une telle approche peut impliquer des activités plurilingues, comme expliqué au point précédent.
4. Proposer des activités de comparaison de langues
Ces activités peuvent s’avérer de bons moyens de favoriser le développement de stratégies de transfert dans des situations d’enseignement-apprentissage de la grammaire, notamment [6].
5. Miser sur le développement du vocabulaire
L’enseignement du vocabulaire, et en particulier du vocabulaire scolaire, est essentiel à la compréhension en lecture, en plus de favoriser l’autonomie et la réussite scolaire globale des élèves [7].
En tenant compte de ces pistes d’action, les orthopédagogues du Québec ont maintenant l’occasion d’amorcer une réflexion sur le soutien que l’équipe-école peut offrir aux élèves bi/plurilingues en apprentissage du français langue seconde dans une perspective d’équité.
Références
Maynard, C. (2024). Soutenir les élèves bi/plurilingues en apprentissage du français langue seconde. Conférence. Association des Orthopédagogues du Québec.
Autres références citées dans la conférence
[1] MEES, 2017 ; Potvin, 2013, p. 15 ; Borri-Anadon et al., 2021, p. 59
[2] Armand, Dagenais et Nicollin, 2008 ; Armand, 2014
[3] Cenoz et Gorter, 2020 ; Garcia et al., 2017 ; Payant et Galante, 2022
[4] Cummins et Early, 2011
[5] Rousseau et Maynard, 2023
[6] ELODIL, 2013 ; Auger, 2014 ; Maynard, 2019
[7] Nation, 2008 ; Pellicer-Sanchez, 2013 ; Short et Echavarria, 2016
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