L’école, une porte ouverte sur le monde de la culture!
Pour de très nombreux enfants et adolescents, l’école est la voie d’accès unique à des expériences culturelles variées qu’ils ne vivraient pas en dehors du cadre scolaire. Dans mon propre parcours, c’est grâce à des enseignants que j’ai assisté pour la première fois à une pièce de théâtre et à un concert symphonique. Les responsables politiques ont bien saisi ce rôle essentiel de l’école. Des programmes ont en effet été mis en place pour soutenir les sorties culturelles et les projets de résidence d’artistes dans les milieux scolaires. La dimension culturelle a d’ailleurs été un des éléments fortement valorisés dans les programmes scolaires liés à la réforme des années 2000.
Malgré ce contexte a priori favorable, une proportion non négligeable d’élèves termine encore leur scolarité obligatoire sans avoir vécu d’expérience culturelle significative. C’est ce que rapportent chaque année environ un tiers des étudiants, futurs enseignants de français, qui participent à mon cours de didactique du français à l’Université de Sherbrooke. Comment expliquer un tel état de fait et comment y remédier?
Cet article a été élaboré dans le cadre d’un partenariat entre le CTREQ et le Collectif de recherche sur la continuité des apprentissages en lecture et en écriture de l’Université de Sherbrooke.
Source de l’image : ShutterStock
C’est pour répondre à ces interrogations qu’une recherche a été menée auprès des enseignants de français en fonction au primaire et au secondaire. L’objectif était de mieux comprendre les conditions dans lesquelles sont organisées les activités culturelles ainsi que l’impact de celles-ci, en particulier sur le rapport à l’écrit des élèves (Dezutter, Beaudry, Lemonchois et Falardeau, 2018). On peut en effet supposer que si les enseignants étaient davantage sensibilisés aux effets des activités culturelles sur leurs élèves, cela les conduirait à porter une plus grande attention aux conditions de réussite de ces activités, et à rechercher le soutien adéquat (ex. : support à l’organisation pratique, ressources financières, collaboration avec les intervenants du milieu culturel).
Un état de la situation
Une enquête par questionnaire a été réalisée auprès de 269 enseignants du troisième cycle du primaire et des deux cycles du secondaire, avant que le MEES n’assure le financement d’un minimum de deux sorties culturelles par année. Les résultats indiquent que les activités sont nettement plus fréquentes au primaire qu’au secondaire, où l’organisation des cours constitue un frein selon plusieurs répondants. Un autre écueil évoqué par un nombre important d’enseignants des deux ordres d’enseignement (42 %) a trait à l’accès aux ressources financières disponibles. Même si des programmes de financement spécifiques existent, un tiers des répondants à l’enquête ont indiqué ne pas connaître ces programmes ou ont estimé que les démarches administratives à réaliser limitaient leurs initiatives. Pour surmonter ce problème, plusieurs centres de services scolaires ont désigné une personne-ressource pour faciliter le processus des demandes de soutien.
Les activités les plus souvent organisées sont ponctuelles et se déroulent à l’école (ex. : rencontre avec un auteur, spectacle, atelier d’écriture) ou en dehors de celle-ci (ex. : sortie à un salon du livre, au théâtre, visite d’un musée). Dans une majorité des cas, la collaboration avec les intervenants du milieu culturel pour préparer les élèves à l’activité ou faire un retour sur celle-ci est minimale ou inexistante.
Le point de vue des élèves
Afin de documenter les effets des activités culturelles sur les élèves, nous avons effectué des observations dans une quinzaine de classes où étaient organisées des activités culturelles variées, et réalisé des entrevues avec une cinquantaine d’élèves. Les garçons rencontrés aussi bien que les filles manifestent de l’intérêt pour ces activités, qu’ils apprécient en partie parce qu’elles leur permettent de sortir du cadre scolaire habituel. Par exemple, les rencontres avec une personne « réelle », qui est à l’origine d’une œuvre, marquent les esprits et amènent plusieurs élèves à mieux comprendre le processus créatif. D’ailleurs, les rencontres avec des auteurs peuvent exercer une influence positive sur le rapport à la lecture et à l’écriture (Dezutter, Beaudry, Dumouchel, Lemonchois et Falardeau, 2019), levier essentiel de la réussite éducative.
Maintenir les activités culturelles en temps de pandémie
Le contexte de la pandémie a fortement limité les possibilités de sorties culturelles et d’interventions des artistes dans les écoles. Toutefois, des initiatives intéressantes ont surgi pour permettre l’organisation d’activités en mode virtuel, comme le proposent certains salons du livre ou le regroupement des bibliothécaires du Centre de services scolaire de Montréal (CSSDM) avec son projet de « Mini-maison de la culture à l’école », un type d’initiative à multiplier afin que, malgré les contraintes, l’école garde ses portes grandes ouvertes au monde de la culture.
Cette recherche a été subventionnée par le Fonds de recherche du Québec – Société et culture (FRQSC) et le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (MEES) dans le cadre du Programme de recherche sur l’écriture et la lecture (Action concertée « Programme thématique » – Concours 2014-2015). Vous pouvez consulter le résumé de l’appel de propositions du FRQSC ainsi que le rapport final de recherche, disponibles en ligne.
Références
Dezutter, O., Beaudry, M.-C., Lemonchois, M. et Falardeau, É. (2018). L’impact des activités culturelles sur le rapport à l’écrit des élèves et sur leur motivation en lecture et en écriture. www.frqsc.gouv.qc.ca/partenariat/nos-resultats-de-recherche/histoire?id=lvdg7pz11547838617883
Dezutter, O., Beaudry, M.-C., Dumouchel, M., Lemonchois, M. et Falardeau, É. (2019). La rencontre avec un écrivain en contexte scolaire québécois : points de vue d’élèves et d’enseignants. Le Français aujourd’hui, (206), 13-25. https://www.revues.armand-colin.com/lettres-langues/francais-aujourdhui/francais-aujourdhui-no206-32019/rencontre-ecrivain-contexte-scolaire-quebecois-points-vue-deleves-denseignants
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