Un cours pour s’orienter au collégial

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Mis à jour le 07 Mar 2022

Gros plan sur la transition secondaire-collégial

Pour bien des adolescents québécois, la fin des études secondaires coïncide avec une série d’événements marquant un point tournant dans leur vie. Cette période peut se comparer à la préparation d’un grand voyage : Ai-je choisi la bonne destination? Ai-je en main mon itinéraire, mon passeport, mon billet d’avion? Comment serai-je accueilli? Y a-t-il des risques? Au-delà des aspects réjouissants, la transition secondaire-collégial peut soulever des inquiétudes. Si certains parcours sont teintés par des difficultés d’orientation scolaire et professionnelle (OSP), d’autres reflètent une mauvaise préparation aux exigences et aux particularités des études supérieures. Les obstacles rencontrés lors de cette période peuvent ainsi affecter la motivation des étudiants, la durée des études et le rendement scolaire, en plus d’entraîner la remise en question du choix de programme ou du projet professionnel.

En accueil et intégration, les étudiants ont l’occasion de poursuivre leur démarche d’OSP. Ils préparent ce voyage pendant toute la première session. Des données récentes de recherche rapportent qu’ils vivent une indécision scolaire et professionnelle plus intense que ceux qui sont inscrits dans les secteurs de formation technique ou préuniversitaire. Pour pallier ce phénomène, quelques collèges offrent aux étudiants de la session d’accueil et d’intégration (SAI) de suivre un cours consacré à l’OSP. Ces cours donnent d’ailleurs lieu à des résultats encourageants sur le plan de l’atténuation de l’indécision , aux États-Unis. Par ailleurs, aucune recherche québécoise n’a encore accordé une attention particulière à la description et aux répercussions des cours axés sur l’OSP dans la démarche d’orientation à l’arrivée au collégial. Pourtant, les étudiants qui y sont inscrits voient leur niveau d’indécision professionnelle diminuer, entre le début et la fin de leur première session.

 

Dans notre projet de recherche, nous avons tenté de cerner dans quelle mesure les pratiques professionnelles mises en œuvre dans ces cours répondent aux besoins d’orientation des étudiants nouvellement admis au collégial. D’abord, nous avons identifié les différents obstacles qu’ils pouvaient rencontrer au moment de leur transition. Nous avons ensuite décrit la façon dont les intervenants peuvent favoriser l’élimination ou le dépassement de ces obstacles. À cette fin, nous avons consulté le syllabus de plusieurs cours axés sur l’OSP, en plus de discuter avec des professionnels dont le collège offre ce cours.

Qu’est-ce qu’un cours axé sur l’OSP?

Les cours axés sur l’OSP offerts dans les collèges québécois visent l’accompagnement des étudiants dans leur démarche d’orientation. Ils sont développés de façon autonome par chaque collège pour tenir compte des caractéristiques de sa population étudiante. Les praticiens du collégial désignent ces cours par des expressions telles que cours charnière, cours porteur, cours dédié à l’orientation et cours d’orientation.

Dans plusieurs collèges, l’indécision à l’arrivée au collégial semble constituer le seul point commun des personnes inscrites au cours. Cependant, dans quelques établissements, les groupes (25 à 35 personnes) sont composés en fonction des aspirations scolaires et professionnelles des étudiants, qui ont ainsi l’occasion d’explorer différents métiers et professions liés à leurs intérêts.

Les cours axés sur l’OSP s’étendent sur une session d’études, soit 15 semaines, totalisant environ 45 heures de cours par trimestre. Ils sont généralement offerts à la session d’automne, mais quelques cégeps les offrent également à la session d’hiver. Leur contenu est parfois divisé en deux rencontres hebdomadaires, ou condensé dans les premières semaines du trimestre. Des plages horaires de trois ou quatre heures par semaine leur sont réservées, au cours desquelles au moins une heure est consacrée à l’orientation.

Les cours axés sur l’OSP sont généralement crédités en tant que cours de la formation générale complémentaire. Dans la plupart des établissements, ils ne sont obligatoires que dans le volet Orientation de la SAI. Cependant, dans quelques cégeps, la réussite du cours axé sur l’OSP est conditionnelle à la poursuite des études collégiales. Certains collèges proposent un cours axé sur les techniques d’apprentissage ou une démarche d’orientation individuelle comme alternative au cours axé sur l’OSP. Dans un autre cégep, celui-ci est automatiquement placé à l’horaire des étudiants dont la moyenne générale au secondaire est inférieure à un seuil donné.

Qui sont les responsables de cours?

Les cours axés sur l’OSP sont généralement offerts par des enseignants, appuyés par des professionnels de l’orientation. Souvent, ces derniers animent des ateliers ponctuels sur un thème lié à l’orientation. Ils effectuent également des tournées de classes et des rencontres individuelles.

De nombreux moyens sont déployés pour permettre aux responsables de cours d’offrir une rétroaction individuelle aux étudiants et de suivre l’évolution de leur démarche (journal de bord, tutorat, plages de consultation réservées, etc.). Également, dans plusieurs collèges, une équipe d’intervenants se réunit régulièrement pour discuter de l’évolution des membres du groupe.

Quelles sont les activités d’apprentissage et les interventions mises en place ?

Formules pédagogiques
Certains responsables de cours alternent les exposés magistraux et les activités pédagogiques de différente nature, tandis que d’autres misent sur un projet de session (projet artistique, tournage d’une vidéo, travail communautaire, recherche documentaire, etc.). On aborde généralement les particularités du système scolaire, le marché du travail, la recherche d’emploi, les outils d’information, etc. D’autres sujets sont exploités de façon plus locale, comme la mémoire, le cerveau, les intelligences multiples et le comportement au travail. Également, des exercices liés au curriculum vitae et à l’entrevue d’embauche sont prévus.

L’évaluation des apprentissages passe souvent par des travaux écrits comme des projets, des bilans, des recherches ou des auto-évaluations. Dans quelques cégeps, certaines activités sont évaluées de façon formative, comme la tenue du journal de bord.

Accueil et prise de contact
Dans la plupart des cégeps, une tournée des classes ou une visite guidée du collège en début de session permet la présentation des ressources disponibles dans le milieu. De plus, les responsables de certains cours prévoient des activités de socialisation, comme un rallye ou une activité brise-glace.

Connaissance de soi et de ses ressources personnelles
Dans certains collèges, on prévoit la rédaction d’un bilan réflexif, d’un portfolio ou d’un travail écrit impliquant une introspection. Aussi, plusieurs établissements se servent d’outils psychométriques pour amorcer une réflexion sur les caractéristiques personnelles (personnalité, intérêts, valeurs, aptitudes, etc.). Enfin, d’autres thématiques peuvent être abordées (résilience, estime de soi, pensée critique, travail d’équipe, lieu de contrôle, etc.).

Stimulation du soutien des proches et de la communauté
Dans quelques établissements, les membres de la famille sont invités à la présentation des projets de session. Aussi, les cours axés sur l’OSP stimulent le soutien de la communauté en favorisant les échanges avec des professionnels (visites en milieu de travail, entrevues, recherches sur le terrain, etc.). Certains responsables de cours utilisent le cybermentorat, planifient des échanges avec les représentants de différents programmes d’études et organisent des activités Étudiant d’un jour.

Stratégies d’adaptation à la transition
Dans plusieurs collèges, on enseigne des stratégies d’apprentissage, des méthodes de travail et une démarche de prise de décision. Des activités visant à réfléchir au sens que prend la situation de transition pour les étudiants sont également mises en place. Enfin, la gestion d’un agenda et la gestion du stress lié à la préparation aux examens sont abordés.

Et les résultats?

Selon l’auto-évaluation du personnel des collèges, les cours axés sur l’OSP sont efficaces, dynamiques et agréables. La plupart des étudiants apprécient le cours et cheminent dans leur démarche d’orientation. La qualité de l’encadrement, la facilitation de la diffusion des informations et l’utilisation soutenue des services d’orientation constituent des effets positifs du cours. Aussi, la perception et le jugement porté sur les étudiants de la SAI se modifie peu à peu.

Faire face aux imprévus et aux difficultés du voyage

Les leviers répertoriés dans cette étude ne doivent pas être considérés comme des solutions infaillibles pour tous les obstacles rencontrés, mais bien comme des solutions possibles pour l’affranchissement de ces obstacles dans certaines conditions particulières. Cela dit, la majorité des commentaires des intervenants consultés appuient la pertinence d’inclure un cours axé sur l’OSP dans le curriculum des étudiants de la SAI. Cette recherche peut donc amorcer une réflexion sur l’efficacité et le raffinement des pratiques d’orientation dans les collèges.

En somme, tels de grands voyageurs, les étudiants de la SAI profitent d’une mesure qui facilite leur adaptation à leur nouvelle réalité. Or, une fois arrivés à destination, ils ne sont pas les seuls à découvrir leur nouvel environnement : les étudiants des autres programmes rencontrent eux-aussi de nombreux obstacles. Les cours axés sur l’OSP pourraient-ils profiter aux autres voyageurs?

Références

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