Les perturbateurs à la porte : sortir de la logique de l’exclusion
Temps approximatif de lecture : 3 à 5 minutes
Par Julien Garric, doctorant à l’Université d’Aix-Marseille
L’inclusion est un droit qui structure les systèmes éducatifs contemporains. Pourtant, en France, les tensions autour de la gestion des désordres scolaires mettent à mal ce principe. Dans les zones géographiques sensibles, les acteurs éducatifs font face à un dilemme. Ils doivent choisir de protéger le plus grand nombre ou de s’occuper de la minorité perturbatrice. En renvoyant les élèves incapables de se conformer aux normes scolaires, ils s’adaptent à la majorité, mais favorisent le décrochage des plus fragiles. Cet article montre d’abord les effets d’une punition devenue routinière dans les collèges français. Il expose ensuite les pratiques de quelques enseignants qui refusent l’exclusion et inventent les pistes d’une éducation inclusive.
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Des débuts dans des établissements « difficiles »
Le système d’avancement de carrière dans l’éducation nationale française oblige les enseignants à débuter dans les collèges de l’éducation prioritaire renforcée. Ces établissements scolarisent des adolescents âgés de 11 à 15 ans, souvent en grande difficulté, dans des quartiers pauvres et ségrégués. Ces jeunes enseignants, la plupart du temps étrangers à ces univers sociaux, appréhendent leur première expérience dans des secteurs associés à la violence et à la délinquance. Ils adoptent a priori une attitude martiale, généralement opposée à leur philosophie personnelle et contribuent à une inflation punitive.
La punition comme seul recours
L’exclusion de cours permet de renvoyer, vers un service spécialisé (« la vie scolaire »), les perturbateurs. La décision d’exclure relève de la « liberté pédagogique » des enseignants. Ces derniers, seuls maîtres à bord, sont responsables de toutes les décisions nécessaires à la gestion de leurs classes. Les textes réglementaires prescrivent un usage « exceptionnel » des exclusions. Pourtant, dans ces collèges, plusieurs élèves peuvent être exclus chaque heure de la journée. Ils viennent alors saturer des « salles de permanence » peuplées par les élèves les plus difficiles ou les plus en difficulté. Ces exclusions répétées les éloignent des apprentissages et favorisent leur décrochage. Ces élèves vont rechercher ces mises à l’écart qui leur permettent d’échapper aux verdicts scolaires. Paradoxalement, ces exclusions les poussent à s’installer dans des comportements déviants qui favorisent leur déscolarisation.
Résister à l’exclusion
Dans ce contexte, les acteurs de l’éducation appellent à l’application d’un régime disciplinaire toujours plus strict. Quelques-uns refusent pourtant cette logique et bricolent individuellement des pratiques inclusives. Nous avons pu dégager quatre éléments caractéristiques de leur démarche :
- Des expériences de vie les ont rendus sensibles aux enjeux de la diversité sociale et ethnique.
- Ils proposent des activités et des supports pédagogiques finement adaptés à la diversité de tous les élèves, dans une perspective collaborative.
- Ils privilégient la posture de l’accompagnant à celle de l’enseignant traditionnel. Ils intègrent dans leur enseignement des temps de régulation et d’écoute. Ces moments permettent de construire du lien avec leurs élèves.
- Ils repensent la disposition spatiale de leurs classes. Des classes modulables permettent de mettre à l’écart temporairement un élève perturbateur pour le réintégrer plus tard.
Ces observations prouvent que l’inflation punitive n’est pas une fatalité. La formation initiale doit offrir aux débutants des expériences concrètes qui leur permettent de s’ouvrir aux enjeux de la diversité. La forme scolaire traditionnelle doit être repensée. Une organisation de l’espace et du temps plus souple peut favoriser des relations fondées sur la bienveillance et l’accompagnement.
Références
Bergeron, G. et Prud’homme, L. (2018). Processus de changement vers des pratiques plus inclusives : étude de la nature et de l’impact de conflits cognitifs. Revue des sciences de l’éducation, 44(1), 72-104. https://doi.org/10.7202/1054158ar
Debarbieux, É. (2018). L’impasse de la punition à l’école : Des solutions alternatives en classe. Armand Colin.
Pereira, I. (2017). Les paradoxes de la norme scolaire. Le Journal des psychologues, 344(2), 28-33. https://doi.org/10.3917/jdp.344.0028
Vincent, G. (2008). La socialisation démocratique contre la forme scolaire. Éducation et francophonie, 36(2), 47-62. https://doi.org/10.7202/029479ar
Pour aller plus loin…
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Quelles pratiques de gestion des comportements les futurs enseignants utilisent‑ils pendant leur formation?
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