Quel est le rôle des médias en éducation?
Le Centre de transfert pour la réussite éducative du Québec (CTREQ) a accueilli plus de 500 participants à son 3e colloque les 26 et 27 avril sur le thème Partageons nos savoirs.
Parmi les activités au programme, un bar des sciences sur le rôle des médias en éducation s’est tenu dans l’Espace RIRE. Dans ce dossier, nous vous proposons un compte rendu des discussions et des réflexions qui ont été soulevées lors de cette activité à laquelle étaient conviés plus de 60 participants dont cinq spécialistes des médias et de l’éducation.
Cocktail d’opinions et zestes de solutions
Compte rendu du bar des sciences du 3e colloque du Centre de transfert pour la réussite éducative (CTREQ)
Les médias ont un rôle d’information. Ils contribuent au débat public et peuvent avoir une incidence importante sur la perception que la population se fait d’un sujet donné. Mais qu’en est-il de l’éducation? À l’ère des compressions budgétaires et de la concentration dans les médias traditionnels, des infos sur le Web et de l’explosion des médias sociaux, les journalistes peuvent-ils encore informer adéquatement la population en cette matière? Et si oui, le font-ils?
De l’autre côté de l’écran ou derrière son journal, le citoyen a lui aussi sa part de responsabilités; il doit demeurer vigilant et conserver son esprit critique face à toutes les informations auxquelles il est exposé. Mais le fait-il?
Enfin, l’éducation aux médias est-elle suffisamment présente dans nos écoles? Nos jeunes sont-ils assez bien équipés pour se faire leur propre opinion sur tout ce qu’ils lisent, voient et entendent dans l’univers médiatique?
Le débat avait été lancé à l’assemblée générale du Centre de transfert pour la réussite éducative du Québec (CTREQ), en septembre 2011, et il a suscité tellement d’intérêt que le Centre a décidé de le remettre à l’ordre du jour dans le cadre de son colloque Partageons nos savoirs qui s’est déroulé les 26 et 27 avril derniers à l’Université Laval. Le concept de bar des sciences, qui appelle au partage d’opinions via une discussion semi-dirigée entre spécialistes invités et participants en salle, se prêtait parfaitement au sujet.
À la table des spécialistes ont pris place : Carole Beaulieu, rédactrice en chef de L’Actualité, Daniel Giroux, du Centre d’études sur les médias de l’Université Laval, Pierre-Paul Noreau, directeur de l’Éditorial au quotidien Le Soleil, Réjean Parent, président de la CSQ et Sylvie Viola, professeure au Département d’éducation et pédagogie et directrice du programme EPEP à l’UQAM, et coauteure du Manifeste pour une école compétente. À la «semi-animation» était attitré André Chouinard, réalisateur et animateur à la Première Chaîne de Radio-Canada. Une soixantaine d’intervenants du milieu de l’éducation ont pris part à ce bar des sciences.
Quelques statistiques révélatrices
Aux Rendez-vous CSQ en éducation, en février 2012, Jean-François Dumas, président d’Influence communication, exposait quelques statistiques révélatrices sur la place de l’éducation dans les médias. Ainsi, selon ces chiffres, l’éducation arriverait vers le 40e rang de tous les sujets d’intérêt traités dans les médias, très loin derrière le sport et les faits divers. Concrètement, cela représente environ 0,18 % de toute l’information médiatique ou, de façon plus imagée, 2 : 16 minutes de couverture d’une partie du Canadien en une semaine! L’éducation dans les médias, non seulement on en parle peu, mais quand on en parle, les deux tiers de la couverture portent sur les infrastructures, les édifices, les négociations, les programmes… et le tiers seulement sur les individus.
Bien sûr, ces statistiques, encore valides en février dernier, ont beaucoup changé au cours des dernières semaines. Ces derniers trois mois ont été marqués sur le plan médiatique par le conflit entourant la hausse des droits de scolarité et l’accessibilité aux études supérieures, si bien que l’éducation a fait la une bien plus souvent qu’à son tour!
Doit-on en déduire pour autant que le «problème» est réglé et que l’éducation retrouve enfin la juste place qui lui revient dans les médias? Si on se reporte à ce qu’on a entendu au Bar des sciences, mieux vaut ne pas crier victoire trop rapidement.
Bonne nouvelle? Pas de nouvelle!
À l’unanimité, les spécialistes invités ont convenu d’entrée de jeu que pour faire la manchette, il faut susciter la controverse. D’où évidemment la surexposition de l’éducation dans les médias depuis le début de l’année. Les lecteurs, téléspectateurs et auditeurs, semble-t-il, préfèrent s’informer sur ce qui va mal plutôt que sur ce qui va bien. Plus encore, soutenait Carole Beaulieu, les Québécois sont de plus en plus enclins à suivre la tendance et à s’intéresser exclusivement aux choses et aux propos avec lesquels ils sont en accord. Conséquence? Les médias traditionnels étant des entreprises à but très lucratif, de surcroit de plus en plus concentrés au sein des mêmes organisations, diffusent ce que le «client» veut lire, voir et entendre. Rentabilité oblige.
En salle, ces affirmations sous-tendant qu’une bonne nouvelle n’est pas une nouvelle et qu‘elle ne mérite donc pas de retenir l’attention des médias et du public, ont soulevé l’ire de quelques intervenants. Pour ceux et celles qui s’insurgent sur le fait qu’on passe sous silence tous les bons coups en éducation au profit des ratés, Pierre-Paul Noreau du Soleil, avait une réponse toute prête : «Et vous, qu’est-ce qui vous intéresse dans le domaine de la santé? Les bonnes nouvelles?» Comme si ce constat n’était pas suffisant, Réjean Parent, de la CSQ, en ajoutait : «Quoi qu’on en pense ici, les médias, en réalité, n’ont pas plus de responsabilités envers l’éducation qu’envers les autres domaines.»
Pour des intervenants qui travaillent chaque jour à améliorer l’enseignement et qui y parviennent très souvent, voilà qui fait mal à entendre. Mais n’y a-t-il vraiment rien qu’on puisse faire pour changer la couverture? «Non.», soutient catégoriquement Pierre-Paul Noreau. «Mais nous pouvons l’influencer!»
L’ombre d’une solution, enfin? À tout le moins, quelques pistes…
«Les projets qui ont des répercussions sur l’ensemble du système de l’éducation, par exemple, ont toujours un potentiel médiatique», poursuivait Pierre-Paul Noreau. «Les réussites exceptionnelles également.» Ce qu’il faut oublier, cependant, c’est de faire la manchette avec les petits succès quotidiens qui font avancer une école, voire une poignée de jeunes à la fois. «À moins peut-être, soulignait Carole Beaulieu, d’utiliser davantage la voix des médias locaux, comme les hebdos, qu’on oublie souvent, mais qui la plupart du temps sont porteurs de bonnes nouvelles pour la communauté.»
Mais dans un cas comme dans l’autre, la qualité des porte-paroles demeure un facteur déterminant pour faire passer, surtout, faire publier son message, soulignait André Chouinard au passage. «Il faut bannir la langue de bois et former des vedettes», a-t-il expliqué, citant en exemple les trois jeunes porte-paroles des associations étudiantes devenues presque instantanément les vedettes de l’heure suite à leurs nombreuses apparitions dans les médias en si peu de temps.
Quantité versus qualité
Même quand une nouvelle liée à l’éducation réussit à franchir toutes ces barrières et à enfin gagner la place publique, reste le problème de la multitude des sujets qu’on y retrouve et la multitude de plateformes où elle a été publiée. Le message sera-t-il lu, vu, entendu et surtout, compris?
Face à l’abondance des médias et des informations qui y circulent, il revient au citoyen de fouiller, de faire le tri, de décortiquer, d’analyser et de se forger une opinion, selon les spécialistes invités. Et la responsabilité de former l’esprit critique des jeunes revient essentiellement aux parents et aux enseignants. Juste retour de la balle dans la cour de l’éducation?
Si les échanges entre les spécialistes invités et les intervenants en salle entendus au bar des sciences du colloque Partageons nos savoirs n’ont pas permis d’avancer des solutions bien définies, ils ont eu le mérite d’avoir fait avancer le «débat» et de relancer la réflexion.
En guise de conclusion, une participante en salle issue du domaine de l’éducation ouvrait d’ailleurs habilement une porte à cet effet : «Il est vrai qu’il nous incombe de former des jeunes qui seront curieux d’aller voir plus loin, des jeunes responsables et difficiles à gouverner. Mais alors, quand nous y serons parvenus, parlerons-nous davantage d’éducation dans nos médias?»
Une histoire à suivre…
Tranche de colloque!
Visionnez les capsules des jeunes reporters de l’école secondaire Les Compagnons-de-Cartier qui ont assuré la couverture médiatique du colloque.
Camil Bouchard, professeur à l’Université de Montréal et conférencier d’ouverture a accordé une entrevue à Jérémy Lévesque Perreault.
[Consulter les actes du colloque Partageons nos savoirs pour visionner tous les reportages]
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Non pas un reproche, mais une observation, je trouve assez révélateur que l’on ait abordé cette question uniquement sous l’angle des médias de masse. C’est un choix intéressant, certes, mais je trouve curieux qu’on passe complètement sous silence les médias sociaux, d’autant plus que vous aviez invité des spécialistes à la table. Pour ne reprendre que le point des bonnes nouvelles, on trouve dans les médias sociaux de nombreuses occurrences de nouvelles positives issues du milieu scolaire. Mais peut-être les médias sociaux faisaient-ils l’objet d’un autre atelier.
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Bonjour François,
Ton commentaire est très pertinent. Une activité sur le même thème a eu lieu à l’automne 2011 dans le cadre de l’AGA du CTREQ l’automne. Comme en fait foi le compte rendu de l’activité de septembre, la question avait aussi été abordée sous l’angle des médias de masse, mais aussi sous celui des médias sociaux.
S’il est vrai que l’activité printanière s’est plutôt concentrée sur les médias traditionnels, on a pu compter sur la voix de participants qui ont pris la parole. Emmanuelle Erny-Newton et Sylvain Bérubé ont été de ceux là. D’ailleurs, ce dernier a rédigé un billet dans lequel il résume son intervention : http://www.sylvainberube.com/role-medias-education-ctreq-colloque-mon-intervention/