L’usage informel d’internet : un soutien à la réussite éducative des jeunes?
C’est la question que Séraphin Alava et Laurence Morales de l’Université de Toulouse ont tenté d’éclaircir dans l’article Usages numériques non formels chez les jeunes et performance scolaire.
Aide ou nuisance?
Le questionnement des chercheurs a débuté par l’observation d’une opposition dans les discours des médias et de la recherche se cristallisant autour du conflit entre le travail scolaire et la pratique numérique des jeunes. D’un côté de la balance, on trouve les détracteurs des pratiques numériques non formelles considérant qu’elles sont une nuisance à la réussite éducative des jeunes, alors que de l’autre, se tiennent les partisans d’une intégration des compétences acquises par les adolescents dans leurs loisirs.
Considérant qu’en France près de 40 % des internautes ont entre 9 et 17 ans, il est temps de se questionner : l’usage informel d’internet est-il une entrave ou un soutien à la réussite éducative des jeunes?
La méthode employée
Les chercheurs définissent les usages numériques informels comme étant :
[…] l’ensemble des pratiques numériques autodirigées par le jeune dans le cadre de ses loisirs, sa culture et ses pratiques de préparation des activités scolaires.
(Alava & Morales, 2015, p. 145)
À l’aide de questionnaires et d’entretiens avec 644 participants de 12 à 17 ans de la région toulousaine, ils ont tenté d’établir l’impact positif ou négatif sur la réussite éducative de ces usages informels. Pour ce faire, ils ont classé les pratiques déclarées des jeunes selon des échelles d’usage sociotechnique, déterminé leurs pratiques numériques et mesuré la relation entre les catégories d’usage et la performance scolaire.
Les résultats
Leurs résultats tendent à montrer qu’il y a un impact positif entre la réussite scolaire et l’usage informel d’internet. En effet, il semblerait que les pratiques des répondants soient en harmonie avec les attentes scolaires. Dans les conditions étudiées, les pratiques des jeunes pourraient bien être la fenêtre culturelle de cette nouvelle génération.
Contrairement aux résultats de Dauphin (2012) qui écartait une possible synergie entre les usages numériques et les attentes scolaires,
[…] nous démontrons que dans le cadre des usages de cyber-apprentissage, les jeunes développent des types d’usages qui sont en harmonie avec l’attente scolaire mais aussi des pratiques personnelles non scolaires actives et créatrices qui trouvent paradoxalement un effet réel dans la performance scolaire.
(Alava & Morales, 2015, p. 160)
[Consulter l’article]
Référence:
Alava, S., & Morales, L. (2015). Usages numériques non formels chez les jeunes et performance scolaire. Nouveaux C@hiers de La Recherche En Éducation, 18(2), 138. http://doi.org/10.7202/1036036ar
Source de l’image: « OMG Ikr lol » (CC BY 2.0) by Summer
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Voici quelques remarques d’une prof de Lettres, de plus en plus déconcertée par l’écart qui se creuse entre les attentes du collège et les attentes/ pratiques des élèves.
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Merci pour ce riche commentaire qui illustre la réalité enseignante. Cet article est un résumé de la recherche menée par Séraphin Alava et Laurence Morales de l’Université de Toulouse qui ont utilisé des questionnaires et des entretiens avec 644 participants de 12 à 17 ans. La clé de la « distance » que vous mentionnez se trouve peut-être ici: ces questionnaires et entretiens contiennent le point de vue des participants uniquement. Les chercheurs ont tiré ces conclusions à partir de ce matériel. Une étude des points de vue des adultes en situation d’autorité aurait pu enrichir cette recherche.
Ceci ne lui retire pas son crédit de nous faire réfléchir sur le lien entre la réussite scolaire et les pratiques numériques informelles.
Merci de votre commentaire.