Comment composer avec la résistance au changement en éducation?
Le 31 mai dernier, dans le cadre d’une activité organisée par l’Association des conseillères et des conseillers pédagogiques du Québec (ACCPQ), Benoit Petit, conseiller pédagogique à la Commission scolaire de St-Hyacinthe, a animé un atelier interactif nommé « Composer avec l’affectif ». Au cours de cet atelier, le conseiller pédagogique a abordé le thème de la résistance au changement dans le milieu de l’éducation.
Le défi de l’actualisation des pratiques enseignantes
Dans le monde de l’éducation, l’actualisation des connaissances, des pratiques et des raisonnements, constitue un défi de taille. Dans le cadre de leur pratique professionnelle, les conseillers pédagogiques, tout comme les acteurs du milieu de l’éducation ayant à cœur le renouvèlement des pratiques, rencontrent plusieurs résistances au changement. Pour justifier leur réticence à l’égard de la modification des pratiques, plusieurs enseignants avancent des arguments tels que :
Les « résistants » au changement le sont-ils vraiment?
Si ces arguments peuvent être reçus négativement de la part des gens qui se dévouent à l’actualisation des pratiques, le conseiller pédagogique propose de laisser ces jugements de côté pour adopter une autre approche.
Pour lui, il importe d’accorder une attention particulière à l’affectif; aux émotions et aux sentiments vécus par les professionnels de l’éducation. Pour distinguer l’émotion du sentiment, Petit retient les définitions selon lesquelles l’émotion est un « état affectif intense, caractérisé par une brusque perturbation physique et mentale » (OQLF), tandis qu’un sentiment est un « état affectif plus stable que l’émotion et centré consciemment vers des êtres ou des systèmes de valeurs » (OQLF).
Pour illustrer son approche, le conférencier propose d’abord aux participants de se mettre dans la peau d’une personne qui semble résister à l’idée d’apporter des changements à sa pratique, et de s’imaginer les émotions et les sentiments que peut ressentir cette personne.
Benoit Petit explique ensuite que ces émotions et sentiments correspondent souvent à des défis, à des difficultés et à des besoins des enseignants. Or, selon le conseiller pédagogique, lorsqu’on suggère à un professionnel de l’éducation d’apporter un changement à sa pratique, les arguments qu’on utilise afin de l’inciter à opérer ce changement sont souvent rationnels, et plus rarement en lien étroit avec les défis, les difficultés et les besoins rencontrés par cette personne.
Les conseillères et conseillers pédagogiques sont, en général, assez bien outillés pour [répondre aux résistances au changement] au plan cognitif. Cependant, force est de constater que, dans bien des cas, cela ne semble pas suffisant pour favoriser l’adoption de nouvelles pratiques.
Le rôle des agents de changement
Pour que les émotions n’interfèrent pas avec l’argumentation rationnelle entourant le changement de pratique, il importe donc, selon Benoit Petit, de sensibiliser les agents de changements à la dimension affective du changement. En effet, soulever des arguments strictement rationnels pourrait, à l’inverse de l’effet escompté, créer un blocage et nuire à l’actualisation des pratiques enseignantes.
Selon Petit, l’idée est de mettre en place des stratégies qui permettent de (1) nommer les sentiments, (2) de les reconnaitre comme étant valables; importants, et (3) d’en tenir compte dans les interventions. De cette façon, plutôt que de bloquer l’accès aux arguments rationnels, les émotions pourraient servir de levier au changement.
Cinq gestes pour bien accompagner le changement à l’école
Vers une autre conception de l’innovation
Pour conclure sa présentation, Benoit Petit soulève un questionnement à l’égard du concept d’innovation, qui consiste, au sens premier du terme, à implanter quelque chose de nouveau dans un domaine. Le conseiller pédagogique croit plutôt que le concept d’innovation devrait être perçu comme l’action de renouveler sa pratique à petite échelle, par de petits changements durables, plutôt que comme un changement de grande envergure.
Les autres présentations
Les deuxième et troisième parties de l’activité « Composer avec les émotions en situations professionnelles », également disponibles en visioconférence, portaient sur la communication non violente (par Guillaume Lanctôt-Bédard, formateur et coach en dialogue authentique), ainsi que sur l’émotion catalyseur du savoir-être (par Henri Boudreault, professeur et chercheur à l’UQAM).
[Pour écouter la visioconférence]
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Parmi les éléments majeurs de la résistance au changement en éducation se trouve la dichotomie opérée par ceux des théoriciens (chercheurs – didacticiens – conseillers pédagogiques) entre la pratique qu’ils n’ont soit jamais habitée soit jamais suffisamment prolongée dans les réalités authentiques et complexes dans lesquelles elle se vit.
Cette dichotomie sentie par les praticiens où la théorie fonde son pouvoir d’influence, voire ses diktats, sur les pratiques avérées à partir de données probantes issues d’une pratique aseptisée, fictive, épurée provoque la résistance des praticiens.
Cette résistance est une résistance au pouvoir, lequel ne devrait pas exister sous cette forme en éducation.
Faut-il rappeler aux penseurs et chercheurs que le Conseil supérieur de l’éducation (CSÉ) a maintes fois recommandé de faire passer l’épreuve du terrain à la recherche.
Le CSÉ n’a pas demandé au terrain de passer l’épreuve de la recherche.