Le rapport à l’écrit chez des jeunes sans diplôme d’études secondaires
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La construction du rapport à l’écrit renvoie à « un lien qui se renouvelle constamment, et ce, à travers le temps, dans différents contextes (formels et informels) ainsi que lors d’interactions avec une variété d’individus, de groupes ou d’institutions (ex. : école). Cela inclut donc la lecture, l’écriture, l’utilisation de supports divers (appareils électroniques ou supports papier variés) ainsi que toutes les relations qu’un individu peut avoir avec l’univers de l’écrit. » (traduction libre, Bélisle, 2006). Ce rapport est donc différent des jeunes qui interrompent leur parcours scolaire. Ceux-ci sont amenés à mettre en œuvre leurs compétences en littératie dans leur vie personnelle, scolaire, professionnelle, etc. Deux chercheuses se sont penchées sur ces environnements informels et formels de la littératie chez les jeunes qui n’ont pas terminé leur scolarité au secondaire.
Le matériel à l’origine de cet article est issu d’un partenariat avec Réseau québécois de recherche et de transfert en littératie. Plus ressources sur ce thème sont disponibles sur leur site Web, dont plusieurs sont accessibles en ligne gratuitement.
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Virginie Thériault, de l’Université du Québec à Montréal, et Rachel Bélisle, de l’Université de Sherbrooke, ont mis en branle une recherche ayant pour objectif d’améliorer la compréhension du rapport que ces jeunes entretiennent avec l’écrit, à travers le temps et les contextes.
Des pratiques en dehors du cadre scolaire
La littérature scientifique fournit déjà quelques jalons dans la réflexion des chercheuses. En effet, des études qui ont examiné la question de la littératie chez les jeunes et jeunes adultes qui ont décroché révèlent plusieurs éléments intéressants. En premier lieu, l’apprentissage de la littératie dans un cadre scolaire est un parcours relativement rigide, alors que la relation plus globale que ces jeunes ont avec la littératie peut être modulée favorablement à l’extérieur des murs de l’école. La famille et le contexte professionnel peuvent servir d’appui dans l’apprentissage de ces jeunes, mais aussi de stimulant. Par exemple, l’éventualité de pouvoir obtenir une promotion serait un facteur motivant pour un apprentissage plus approfondi de la lecture et de l’écriture. Cependant, leur faible littératie serait aussi la source d’une sensation de stagnation dans la vie, ou même de honte. Cela dit, la littérature scientifique laisse entendre que l’acquisition de compétences en littératie n’est pas figé et devrait être appréhendée comme un processus dans une perspective de l’apprentissage tout au long de la vie.
Le rapport à l’écrit
Afin d’explorer la dimension longitudinale du rapport à l’écrit comme processus chez les jeunes sans diplôme, Thériault et Bélisle ont fait une analyse secondaire des données tirées d’une recherche longitudinale entourant le parcours de 45 jeunes, âgés de 18 à 24 ans, sans diplôme d’études secondaires (DES). Ces entrevues avaient été menées auprès de ces jeunes qui expérimentaient tous, à des degrés divers, une forme de précarité. Ainsi, l’équipe de recherche a tenté de faire ressortir les moments de transitions ou les évènements que ces jeunes considéraient comme des tournants dans leur vie. Au total, 28 cas ont été identifiés comme pertinents pour explorer cette problématique. Sur ces 28 jeunes, Thériault et Bélisle en ont sélectionné deux pour examiner en profondeur leur rapport à l’écrit et son évolution dans le temps.
Anaïs et Zachary
Dans leur article, Thériault et Bélisle prennent l’exemple de deux jeunes, Anaïs et Zachary (noms fictifs), pour explorer leur rapport à l’écrit en tant que processus qui est susceptible d’évoluer dans le temps. Elles soulignent d’ailleurs que, malgré le fait que ces deux jeunes avaient des difficultés d’apprentissage, ils avaient tout de même des activités liées à la lecture et l’écriture qui étaient très riches et diversifiées (journal intime, courriels, lecture, etc.). Tous deux vivaient de manière positive dans des activités en lien avec la littératie comme passe-temps (ex. : lecture et écriture de poèmes, lecture de romans, etc.). Cela a même procuré à Zachary une confiance en soi, lorsqu’il partageait le fruit de ses écrits avec son entourage.
Quel rapport à l’écrit ?
Cette étude longitudinale a permis d’apprécier le rapport à l’écrit qu’entretiennent les jeunes à l’extérieur de la classe ou de l’école. Les chercheuses ont souligné que ce rapport est somme toute positif à plusieurs égards. Les jeunes entretenaient des occupations et loisirs qui favorisaient la mise en œuvre de pratiques en écriture et en lecture, mais leur rapport à l’écrit a varié à travers le temps. Cela est dû en partie en raison de leurs expériences précédentes liées à l’écrit (dans un cadre scolaire, par exemple) et du contexte. Leur évolution dans la littératie est donc généralement lente, mais demeure toujours possible dans des environnements formels et informels.
Conclusion
Thériault et Bélisle concluent donc en réitérant l’importance de considérer les environnements informels dans le rapport à l’écrit des jeunes sans diplômes d’études secondaires et les activités en lien avec la littératie dans lesquelles ils s’engagent quotidiennement. En effet, ces pratiques sont influencées par leurs relations personnelles, leurs ressources et la dimension émotionnelle liée à l’écriture.
Pour en savoir davantage sur le rapport à l’écrit comme processus dynamique, y compris les notions de contextes, ingrédients, séquences, moteurs et bifurcations inclus dans le modèle théorique utilisé, n’hésitez pas à consulter l’article complet.
Référence
Thériault, V. et Bélisle, R. (2020). Relationship with Literacy: a longitudinal perspective on the literacy practices and learning of young people without a diploma. European Journal for Research on the Education and Learning of Adults, 11(1). Repéré à : http://www.rela.ep.liu.se/issues/10.3384_rela.2000-7426.2020111/9145/rela9145.pdf
D’autres articles issus de ce partenariat :
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