Pourquoi et comment faire de la philosophie avec les enfants?
Michel Sasseville est professeur de philosophie et responsable des programmes de formation en philosophie pour enfants à l’Université Laval. Dans un article écrit sur le blogue du site Philosophie pour enfants de l’Université Laval (philoenfant.org), Sasseville rapporte que des activités ou ateliers entourant la pratique de la philosophie avec les enfants s’exercent dans près de 70 pays. Il y décrit aussi brièvement les deux mouvements importants qui s’en dégagent et plaide en faveur d’une philosophie pour les enfants qui développe une pensée de qualité supérieure et qui s’inscrit dans la mise en place d’une « communauté de recherche philosophique[1] ».
par France Dumais
Deux mouvements importants dans le monde des ateliers philosophiques avec les enfants
D’après Sasseville, le premier de ces deux mouvements n’est pas basé sur un modèle formel de l’acte de philosopher à plusieurs personnes. Il consiste plutôt, d’une part, à utiliser du matériel qui s’adresse aux enfants et qui fait référence à des idées et à des thèmes philosophiques (ex. : jeux, contes pour enfants, fables, questions provenant d’un adulte ou d’un enfant); et, d’autre part, à s’appuyer sur ce matériel pour engager les enfants dans un dialogue sur une thématique philosophique pour les encourager à devenir peu à peu des personnes qui réfléchissent aux questions qui ont jalonné l’histoire de la philosophie (ex. : « Qu’est-ce que la liberté? », du penseur Kant). Sasseville estime que cette méthode a le mérite de permettre aux enfants d’exprimer leurs idées et, ce faisant, d’arriver à distinguer par eux-mêmes certains concepts, par exemple le fait de croire du fait de savoir, ou le droit du devoir, ainsi que de montrer qu’ils sont naturellement philosophes. Cependant, cette façon de procéder ne favorise pas, selon Sasseville, le développement des habiletés de penser, ou encore des conduites sociales et affectives.
Pour cette raison, Sasseville se réclame plutôt du second mouvement où « faire de la philosophie consiste à s’appuyer sur du matériel, celui écrit notamment par M. Lipman et Ann M. Sharp […] qui sont à l’origine de la philosophie pour les enfants, le tout ayant débuté en 1969 ». Dans ce mouvement, les activités visent le développement des conduites cognitives, sociales et affectives susceptibles d’être présentes dans une communauté de recherche philosophique (ex. : le désir de connaître, le respect du point de vue des autres). Et le type de matériel utilisé consiste entre autres en des livres qui permettent aux enfants d’apprendre à faire de la philosophie et qui présentent des exemples d’actes en jeu au moment de faire de la philosophie. Ce matériel est donc conçu pour permettre aux enfants de « réfléchir philosophiquement » et de « réfléchir sur leurs propres pensées ». Bref, il leur offre des occasions de se poser des questions sur des sujets qui les intéressent et de poursuivre un dialogue autour de ces questions, d’apprendre à penser par et pour eux-mêmes, ainsi qu’à « mieux penser ensemble dans le cadre d’une communauté de recherche ».
Des ateliers de philosophie qui développent une pensée de qualité supérieure
Selon Sasseville, il ne suffit donc pas de réfléchir sur des sujets (ex. : l’amour, l’argent, le bonheur) « pour apprendre à penser par et pour soi-même avec les autres de manière structurée avec excellence ». Il faut en effet que cette réflexion s’accompagne d’un souci, tant de la part des enfants que de l’animateur, de développer une pensée de qualité supérieure.
« Dans un atelier de philosophie avec les enfants qui vise le développement d’une pensée de qualité supérieure, à la fois critique, créative et attentive, il y a toujours deux niveaux qui s’interpellent : le sujet de discussion et la manière réflexive dont on s’y prend pour traiter le sujet. »
Une pratique de la philosophie en communauté de recherche
Sasseville reconnaît que la démarche est exigeante pour les animateurs. Ceux-ci doivent en effet : recevoir une formation en matière de culture et d’histoire de la philosophie; s’appuyer sur ces acquis pour animer les activités en posant des actions qui relèvent de la philosophie (ex. : se questionner, argumenter et dialoguer); être au fait de la complexité de l’acte de penser en communauté de recherche (ex. : rechercher, raisonner, organiser l’information, se corriger).
L’animateur d’une communauté de recherche philosophique a un rôle très important, car non seulement il participe au développement intellectuel et moral des enfants, mais aussi il les met en condition de réaliser leur potentiel réflexif. Dans la pratique, un animateur devra parfois prévoir plusieurs heures de préparation pour une activité qui durera 45 minutes avec les enfants.
« Tout comme pour l’apprentissage des mathématiques ou des langues, l’apprentissage de la philosophie (comme acte visant le développement d’une pensée de qualité supérieure) demande un travail continu. »
En conclusion, Sasseville affirme qu’un atelier de philosophie avec les enfants devrait viser deux buts : donner la parole aux enfants pour qu’ils puissent échanger sur ce qu’ils pensent de tel ou tel sujet, et les faire réfléchir sur les moyens qu’ils utilisent pour formuler leur pensée. Pour répondre à ce double objectif, l’animateur doit poser des questions aux enfants de manière à ce qu’ils arrivent à penser à la fois par eux-mêmes et de mieux en mieux ensemble.
[La philosophie pour enfants pour améliorer les compétences en littératie et en mathématiques]
[Pour consulter l’article, https://philoenfant.org/2017/08/24/pourquoi-et-comment-faire-de-la-philosophie-avec-les-enfants/]
Référence
Sasseville, M. (2017). Pourquoi et comment faire de la philosophie avec les enfants? Repéré dans le blogue du site Philosophie pour enfants de l’Université Laval à
https://philoenfant.org/2017/08/24/pourquoi-et-comment-faire-de-la-philosophie-avec-les-enfants/
[1] La mise sur pied d’une communauté de recherche philosophique est une tâche complexe, et Sasseville admet qu’il faut « y penser attentivement avant de faire le saut ». Cette communauté viserait à transformer la classe en un lieu de parole pour les enfants (et les adolescents) qui pourraient parler de sujets qui les intéressent; le but serait de les aider à développer leur habileté à porter des jugements raisonnables, de façon à la fois critique et créatrice, et de les aider à penser (par et pour eux-mêmes) de manière excellente.
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