Nommer l’émotion pour réduire son intensité
À l’école, l’élève commence petit à petit à apprendre à lire, à écrire, à compter. Au fil des années, il arrive à nommer les chiffres, les lettres, les symboles. Il réussit même à nommer les équations mathématiques compliquées ou les équations chimiques embrouillées. Ce processus d’apprentissage évolue en passant par différents épisodes émotionnels (stress, dégoût, frustration, démotivation, joie, motivation, excitation, etc.). Une question se pose : l’élève arrive-t-il à nommer ses émotions au même titre que les chiffres et les lettres ?
Qu’est-ce qu’une émotion
Si on se réfère au dictionnaire Larousse, on pourra définir l’émotion comme étant une réaction affective transitoire qui se déclenche par une stimulation extérieure et provoque des changements internes d’une assez grande intensité. Au même titre que les couleurs, on distingue six émotions primaires, à savoir : la joie, la surprise, la peur, la colère, le dégoût et la tristesse (Picard et al., 2021). Le mépris est considéré parfois comme une septième émotion. Habituellement, les chercheur(e)s font une distinction entre émotions positives et négatives. Toutefois, depuis quelques années, les recherches ont démontré qu’il n’est plus légitime de faire cette distinction (Illouz & Cabanas, 2018). Prenons un exemple pour confirmer ce propos.
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L’élève avec le chandail jaune vit un épisode de joie intense. Il rigole, il saute, il est dans sa bulle et n’arrive pas à écouter les consignes ou à appliquer les règles. L’autre se sent en colère, il crie, il pleure, il n’écoute plus les consignes. Par ailleurs, les deux types d’émotions, « positive » ou « négative », ont agi comme un frein devant l’apprentissage. Ce sont en effet les conséquences éventuelles de l’émotion de l’élève et de son entourage qui comptent davantage que son ressenti agréable ou désagréable.
Nommer les émotions réduit la tension
Quand l’élève n’arrive pas à exprimer et à nommer ses émotions, c’est son corps qui s’en occupe (Grimbert, 2018). Une émotion non exprimée risque de se manifester d’une autre façon, allant d’un mal de ventre, à l’insomnie en passant par le développement d’un mécanisme de défense comme la crise de colère (Damasio, 2006). Nommer l’émotion est une étape importante dans la gestion des émotions (CASEL, 2017). Il permet à l’élève de prendre conscience de son émotion, de ce qu’elle engendre à l’intérieur de lui et de ce qu’elle pourra avoir comme conséquence (CASEL, 2019). Pour réussir à nommer son émotion, l’élève doit se concentrer sur sa gestuelle, sa voix, son cœur, etc. Tout seul, il se sent incapable et confus. C’est son enseignant(e) qui pourra l’aider et le guider dans ce sens.
Apprendre à un élève à nommer ses émotions
À cette fin, l’enseignant pourra utiliser plusieurs méthodes et activités. Citons-en quelques-unes qui pourraient aussi être utilisées par n’importe quel adulte (ex. : les parents).
- Livres et histoires
Pendant la lecture d’une histoire en classe, l’enseignant(e) appelle les élèves à porter une attention particulière aux émotions des personnages. Ils peuvent décrire l’émotion, essayer de la nommer. Ils pourront même effectuer une comparaison entre les différentes émotions vécues par un même personnage tout au long de l’histoire et par les différents personnages.
- Jeux
Les élèves adorent apprendre en jouant. Par exemple, un jeu de mimes pourra être utilisé pour apprendre à nommer les émotions.
- Images et autocollants
Une image vaut mille mots. Après avoir essayé les différentes activités suggérées, l’enseignant pourra demander aux élèves d’apporter des photos, des images, des accessoires (comme un miroir). L’idée est d’associer chaque émotion à des images. En classe, ils pourront former leur propre échelle émotionnelle ou roue d’émotions.
- Sac et cartable des émotions
Pour cette activité, l’enseignant(e) demande à chaque élève d’apporter un cartable, des « post-it », de petits et de grands sacs refermables. À un moment donné de la journée, l’enseignant(e) pourra demander aux élèves de nommer les émotions vécues à l’instant même en utilisant les « post-it », puis les mettre dans un petit sac. À la fin de la journée, ils regroupent ces petits sacs dans un gros, qui correspond à la journée entière. À la fin de la semaine, chaque élève ouvre son cartable pour voir son contenu. Les petits sacs correspondent aux émotions vécues à un moment précis de la journée. L’élève se rend compte que parfois, il s’agit d’une seule émotion, parfois deux et parfois plusieurs. Il comprend qu’il pourra même éprouver des émotions contradictoires au même moment (exemple, lors de la remise des notes, un élève pourra se sentir content de sa bonne note, mais triste pour son ami qui pleure sa mauvaise note). Les gros sacs correspondent aux émotions vécues dans une journée entière. Alors que le cartable correspond à sa vie émotionnelle, il regroupe les émotions vécues à des moments donnés, les émotions journalières, celles de la semaine. L’élève réussit ainsi à distinguer ses émotions, il est capable de les nommer et il est conscient qu’il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises émotions ; toute émotion est normale et on a le droit de l’exprimer.
Références
* CASEL. (2019). Collaborative for Academic, Social, and Emotional Learning. Consulté 1 octobre 2022, à l’adresse : https://www.google.com/search?q=Collaborative+for+Academic%2C+Social%2C+and+Emotional+Learni1 ng+(CASEL)+2019&rlz=1C1GCEA_enCA832CA832&oq=Collaborative+for+Academic%2C+S2 ocial%2C+and+Emotional+Learning+(CASEL)+2019&aqs=chrome..69i57j69i60.2364j0j7&sourc3 eid=chrome&ie=UTF.
* Damasio, A. R. (2006). L’erreur de Descartes : la raison des émotions. Odile Jacob.
* Grimbert, P. (2018). Quand ça va, quand ça ne va pas. Leurs émotions expliquées aux enfants et aux parents. Les éditions Clochette. Suresnes, France.
* Illouz, E., & Cabanas, E. (2018). Happycratie-Comment l’industrie du bonheur a pris le contrôle de nos vies. Premier parallèle.
Picard, D., Guerder, A., Lannadère, É., Similowski, T., & Gatignol, P. (2021). Outil d’évaluation dynamique des émotions Emotest : données normatives. Revue de neuropsychologie, 13(4), 311-321.
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