L’oralisation d’un texte par synthèse vocale : une efficacité non démontrée

Lecture : 4 min.
Mis à jour le 10 Mar 2025

La synthèse vocale est fréquemment utilisée dans les écoles pour aider les élèves présentant des retards ou des difficultés dans l’apprentissage de la lecture. Cet article décrit certains des résultats d’une revue de la littérature sur les outils technologiques ayant fait l’objet d’une étude quant à leur impact sur la compréhension écrite (lecture).  

Source de l’image : Shutterstock 

Cet article aborde différents éléments présentés lors de la conférence ayant pour titre Outils technologiques pour améliorer la compréhension écrite : qu’en dit la recherche? présentée par Marie-Josée Barbeau dans le cadre des conférences Scientifiquement scolaire du CEAP-UQAM. 

Les profils de lecteur en difficulté  

Selon le modèle SVR (Simple View of Reading de Gough et Tunmer, 1986; Hoover et Gough, 1990), les difficultés en lecture peuvent être associées à une voire aux deux composantes du modèle : l’identification des mots écrits (décodage) et la compréhension orale. Il est alors possible de dégager trois profils de lecteur en difficulté (Nation, 2019).  

Source de la schématisation : Adaptation du RIRE de Laplante et Turgeon, 2021 ; adapté de Simple View of Reading (Gough et Tunmer, 1986).  

Ces profils peuvent guider la réflexion à l’égard des interventions rééducatives à privilégier et sur la pertinence de recommander ou non certains outils technologiques.   

L’oralisation d’un texte par synthèse vocale  

Les logiciels de synthèse vocale permettent de présenter les textes à lire sur un ordinateur pendant qu’un synthétiseur vocal oralise les mots à haute voix en temps réel (Silvestri et al., 2022). Les méta-analyses disponibles à ce jour offrent des résultats parfois contradictoires sur les effets de l’oralisation d’un texte sur la compréhension écrite (Buzick et Stone, 2014 ; Wood et al., 2018). 

La compréhension d’un texte écrit 

Quelques études uniques montrent que l’oralisation d’un texte semble parfois améliorer la performance en compréhension de texte chez les élèves ayant de très grandes difficultés à identifier les mots écrits, mais sans problèmes de compréhension orale (Keelor et al., 2023). Or, actuellement, il n’est pas possible de savoir à quoi attribuer cette amélioration. Lorsqu’ils utilisent la synthèse vocale, il est possible que les élèves écoutent le texte seulement. Cela veut donc dire qu’ils pourraient utiliser uniquement leurs compétences de compréhension orale pour saisir le sens du texte, sans utiliser l’identification de mots écrits (décodage). D’après le modèle SVR, pour qu’il s’agisse de compréhension écrite, il est nécessaire d’avoir une interaction entre l’identification des mots écrits et la compréhension orale. L’usage de la synthèse vocale pourrait donc transformer une activité de lecture en une activité de compréhension orale, remettant ainsi en question l’évaluation de la compréhension écrite dans ce contexte. Cette question nécessite une étude approfondie, car si les élèves écoutent le texte seulement au lieu de le décoder par eux-mêmes, cela peut avoir un impact sur d’autres apprentissages.  

Par exemple, on peut supposer qu’un élève qui décode moins souvent les mots par lui-même dans les textes manque des occasions d’enrichir son lexique orthographique. Si tel est le cas, cela pourrait entraîner certaines difficultés en écriture.  

D’autres études sont nécessaires pour déterminer si c’est une bonne chose de recommander cet outil et dans quel contexte. Selon l’état actuel des recherches sur ce sujet, il est essentiel d’être prudent avant de recommander l’utilisation de la synthèse vocale, surtout en début de parcours scolaires alors que les élèves sont toujours en apprentissage.  

Des précautions et des critères à prendre en compte  

Avec autant d’inconnu, l’utilisation de la synthèse vocale comme moyen pour soutenir les élèves en difficulté de lecture doit être évaluée rigoureusement. Il s’agit présentement d’une pratique répandue qui, à ce jour, n’est pas appuyée scientifiquement alors que les élèves vulnérables ont besoin de résultats de recherches qui prouvent l’efficacité des mesures mises en place. 

Avant d’opter pour la mise en place de cet outil d’aide technologique, il est essentiel de s’assurer que les élèves reçoivent un enseignement de la lecture reconnu comme étant efficace. Si des difficultés persistent malgré un tel enseignement, il est nécessaire de mettre d’abord en place des interventions pédagogiques et orthopédagogiques adaptées, prenant appui sur la recherche, et ce, tant que l’élève progresse. Ce n’est qu’après ces étapes et dans des cas particuliers qu’il pourrait être approprié en dernier recours, de recommander la synthèse vocale selon le profil du lecteur en difficulté. 

Des recherches ont en effet identifié un profil d’élève en particulier qui semble bénéficier de l’oralisation d’un texte par synthèse vocale : l’élève avec un grand retard dans l’identification des mots écrits (décodage) sans difficulté de compréhension à l’oral. Rappelons toutefois qu’on ne sait pas encore à quoi attribuer cette amélioration chez ces élèves. L’utilisation d’un outil de synthèse vocale pour oraliser un texte doit être recommandée avec prudence. Si tel est le cas, cela doit être fait en fonction du profil de lecteur en difficulté de l’élève, car certains profils de lecteur ne bénéficient pas de cet outil. Enfin, la mise en place de cet outil doit être faite sous la supervision de professionnels, tels que les orthopédagogues.  

Références 

Barbeau, M-J. (2025, janvier 22). Outils technologiques pour améliorer la compréhension écrite : qu’en dit la recherche ? Conférence, Scientifiquement scolaire, CEAP UQAM. En ligne. 

Barbeau, M-J. Laplante, L., Mercier, J. (2024). Outils technologiques pour améliorer la compréhension écrite : qu’en dit la recherche ? L’orthopédagogique sous toutes ses facettes, 16, 18-24. 

Buzick, H. et Stone, E. (2014). A meta-analysis of research on the read aloud accommodation. Educational Measurement: Issues and Practice, 33(3), 1730. https://doi.org/10.1111/emip.12040 

Gough, P. B. et Tunmer, W. E. (1986). Decoding, reading, and reading disability. Remedial and Special Education, 7(1), 610. https://doi.org/10.1177/074193258600700104  

Hoover, W. A. et Gough, P. B. (1990). The simple view of reading. Reading and Writing: An Interdisciplinary Journal, 2(2), 127-160. https://doi.org/10.1007/BF00401799  

Keelor, J. L., Creaghead, N. A., Silbert, N. H., Breit, A.D. et Horowitz-Kraus, T. (2023). Impact of text-to-speech features on the reading comprehension of children with reading and language difficulties. Annals of Dyslexia, 73(3), 469486. https://doi.org/10.1007/s11881-023-00281-9 

Nation, K. (2019). Children’s reading difficulties, language, and reflections on the simple view of reading. Australian 

Journal of Learning Difficulties, 24(1), 47-73. https://doi.org/10.1080/19404158.2019.1609272 

Silvestri, R., Holmes, A. et Rahemtulla, R. (2022). The interaction of cognitive profiles and text-to-speech software on reading comprehension of adolescents with reading challenges. Journal of Special Education Technology, 37(4), 498509. https://doi.org/10.1177/01626434211033577  

Wood, S. G., Moxley, J. H., Tighe, E. L. et Wagner, R. K. (2018). Does use of text-to-speech and relatedread-aloud tools improve reading comprehension for students with reading disabilities ? A meta-analysis. Journal of Learning Disabilities, 51(1), 7384. https://doi.org/10.1177/0022219416688170 

Commentaires et évaluations

Contribuez à l’appréciation collective

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *