Les ficelles invisibles des relations en classe

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Mis à jour le 07 Jan 2025

Dans un contexte où la gestion de classe est perçue comme l’une des sources de stress les plus importantes de la profession enseignante, les recherches récentes placent les relations entre la personne enseignante et ses élèves au cœur des préoccupations. Au secondaire, plusieurs facteurs rendent difficile le développement de relations authentiques et peu d’études se sont intéressées aux ressources mobilisées par les personnes enseignantes d’expérience pour développer des relations de qualité avec leurs élèves.  

Source de l’image : Canva

Ce projet de recherche doctoral étudie, par le biais de l’entretien d’explicitation (Vermersch, 2019), la compétence relationnelle (Juul et Jensen, 2019 ; Jensen et al., 2015) d’enseignantes et d’enseignants d’expérience du secondaire en mettant au jour les savoirs, les intentions, les croyances, les émotions et les valeurs sous-jacentes, souvent non conscientes, qui sont mobilisées dans la pratique, lors de situations relationnelles perçues comme positives.  

S’inspirer de la Scandinavie  

L’étude s’appuie sur le cadre théorique de deux auteurs danois, Juul et Jensen (2019) qui proposent un paradigme éducatif novateur. En effet, la compétence relationnelle est pour eux au cœur des compétences professionnelles enseignantes et ils soutiennent que le processus relationnel est l’assise sur laquelle la personne enseignante doit s’appuyer pour planifier et agir dans sa classe. Ce paradigme éducatif est révolutionnaire au Québec, car il propose de déplacer l’intérêt principal de la gestion relationnelle avec les élèves, où l’accent est actuellement mis sur les résultats des interventions éducatives, vers le processus relationnel avec lequel les interventions sont faites. 

Expliciter ce qui est implicite 

Pour décrire et comprendre les ressources qui sont mobilisées lorsqu’une personne enseignante exerce sa compétence relationnelle, une technique d’entretien particulière appelée l’« entretien d’explicitation » (Vermersch, 2019) est utilisée. Cette approche permet de mettre au jour des informations comme des savoirs, des croyances, des valeurs ou des capacités sous-jacentes à la réussite d’une action, mais qui sont souvent non conscientisées par la personne.  

Acquérir des compétences relationnelles sur le terrain 

L’analyse préliminaire des résultats révèle que les personnes participantes ont en majorité vécu un moment de connexion authentique sur le plan émotionnel avec un élève. Les ressources sur lesquelles s’appuie leur compétence relationnelle sont notamment des valeurs éducatives enracinées dans la relation avec l’élève, mais aussi des expériences de vie personnelle les conduisant à transmettre à l’élève leurs convictions profondes. Nommée comme étant fondamentale par les enseignants et enseignantes d’expérience, la compétence relationnelle est mise en œuvre lors de moments de création et/ou de renforcement de la relation avec un élève. Ces moments sont vécus comme des points forts de leur pratique professionnelle et leur donnent un sentiment d’ancrage et de compétence. Par exemple, lors de ces moments charnières, les personnes enseignantes du secondaire ont dû se montrer authentiques pour gagner la confiance de l’élève. C’est cette confiance à leur égard qui leur a permis par la suite d’exercer leur leadership et de modifier la perception négative que l’élève avait de sa réussite ou de son enseignant ou enseignante. Notons toutefois qu’il a été mentionné à plus d’une reprise que cette compétence s’est développée sur au moins deux décennies d’expérience. 

Mieux comprendre les « ficelles »  

À terme, cette recherche permettra de comprendre davantage quelles sont les « ficelles » relationnelles invisibles en jeu dans la gestion d’une classe et quelles sont les capacités, habiletés et qualités que les enseignants et les enseignantes d’expérience ont su développer dans leur pratique pour arriver à tisser solidement ces relations. La recherche permettra aussi de dégager les ressources développées par l’expérience qui sont mobilisées dans la mise en œuvre de la compétence relationnelle, foncièrement implicite et personnelle dans la culture éducative québécoise, pouvant éventuellement être abordées dans une formation continue. Finalement, cette recherche pourrait amorcer un changement de paradigme dans le système scolaire québécois en privilégiant le processus relationnel avec l’élève plutôt que le résultat des interventions, diminuant ainsi le stress associé à la gestion de la classe.  

 

Références bibliographiques 

Archambault, J. et Chouinard, R. (2022). Vers une gestion éducative de la classe (5e édition.). Gaëtan Morin éditeur. 

Jensen, E., Skibsted, E. B. et Christensen, M. V. (2015). Educating teachers focusing on the development of reflective and relational competences. Educational Research for Policy and Practice, 14(3), 201‑212. https://doi.org/10.1007/s10671-015-9185-0 

Juul, J. et Jensen, H. (2019). De l’obéissance à la responsabilité. Compétence relationnelle en milieu pédagogique ( D. Dutarte, trad.). Fabert. 

Royer, É. (2019). Petite encyclopédie de l’enseignant efficace : les problèmes émotifs et comportementaux à l’école. École et comportement. 

Vermersch, P. (2019). L’entretien d’explicitation. ESFED. 

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