La citoyenneté à l’ère du numérique : le rôle de l’école
Le contexte de la pandémie a amené les milieux scolaires à faire preuve de créativité et d’adaptation comme jamais auparavant afin de continuer leurs activités et de pallier les difficultés. Avec le temps, le numérique est devenu porteur de possibilités, apportant toutefois son lot d’enjeux. En effet, l’ère du numérique transforme nos habitudes et soulève de nombreuses questions. Dans le cadre du 5e Symposium sur le transfert de connaissances en éducation, Annie Turbide et Marjorie Paradis, conseillères pédagogiques au Service national du RÉCIT, ouvrent la réflexion sur les possibilités d’actions pédagogiques pouvant être entreprises par l’école pour permettre le développement d’une citoyenneté éthique à l’ère du numérique.
Source de l’image : Shutterstock
Cet article a été rédigé à la suite de la conférence présentée au 5e Symposium : Citoyenneté à l’ère du numérique : et l’école là-dedans ? Pour en savoir plus, voici le lien vers un document relatif à la présentation ainsi que le lien vers la vidéo complète de la conférence.
Il ne fait plus de doute que le numérique est omniprésent dans nos vies quotidiennes. Ses enjeux sont multiples, ce qui met en lumière la nécessité de s’intéresser au développement de la pensée critique et des aptitudes socioaffectives chez les jeunes.
Le « bon citoyen numérique »
Les enjeux du numérique peuvent alimenter nos paniques morales. Celles-ci se définissent par un sentiment d’inquiétude ou d’anxiété généralisée à l’échelle d’une société (Forget-Dubois, 2020) et elles peuvent être disproportionnées par rapport aux risques réels.
En tant qu’humain, il est normal de répondre à une crainte en essayant de mettre en place des moyens pour la surmonter. Cependant, il importe de questionner la pertinence des comportements ou des actions que l’on tend rapidement à adopter ou à interdire dans l’optique d’inciter les jeunes à devenir de « bons citoyens numériques ». En effet, bien que ces moyens se veuillent positifs, on peut se demander s’ils contribuent réellement à développer leur autonomie, leur empathie ou leur pensée critique.
L’adoption d’une nouvelle approche
Dans le but de mettre en place des moyens qui contribuent réellement au développement de l’autonomie chez les jeunes, une approche différente peut être adoptée. Celle-ci permet, d’une part, de se distancer du terme « citoyenneté numérique » au profit de celui de « citoyenneté à l’ère du numérique ». L’emploi de ce nouveau libellé mettrait en lumière le fait que la citoyenneté s’actualise partout, dans toutes les sphères de la vie. D’autre part, cette nouvelle approche soutiendrait l’adoption d’une posture moins moralisante, qui favorise davantage la réflexion de fond sur les usages du numérique pour laisser émerger la nuance.
Cette proposition ne cherche pas pour autant à promouvoir l’absence de règles dans des milieux normés comme l’école ou la maison. Elle invite plutôt à ce que l’élaboration des règles qui encadrent l’utilisation du numérique soit au service d’une visée pleinement éducative pour les jeunes.
Une réflexion éthique à l’ère du numérique
En tant que citoyens à l’ère du numérique, une réflexion éthique s’impose quant aux impacts de nos actions. D’ailleurs, le Plan d’action numérique en éducation et en enseignement supérieur (MEES, 2018) met de l’avant l’importance pour le système éducatif du Québec de jouer un rôle d’accompagnement en orientant l’usage du numérique, dès l’école primaire, par des « préoccupations pédagogiques et sociales de développement de la citoyenneté » (p. 13).
Dans le Cadre de référence de la compétence numérique (MEES, 2019), on peut également constater que les dimensions des compétences numériques sont organisées autour de deux actions centrales :
- Agir en tant que citoyen éthique à l’ère du numérique;
- Développer et mobiliser ses habiletés technologiques.
Représentation graphique du cadre de référence (MEES, 2019, p. 12)
Et les élèves, dans tout cela ?
Les élèves sont déjà des citoyens à l’ère du numérique, puisqu’ils utilisent souvent la technologie dès un jeune âge. Ainsi, c’est en dehors du cadre normatif de l’école, alors qu’ils continueront d’utiliser le numérique de diverses manières, que le développement de leur pensée critique via la réflexion éthique sera pleinement utile.
En effet, dans ce contexte, ils sont susceptibles de devoir faire face à différents dilemmes numériques qui nécessiteront une prise de décisions. On parle de « citoyenneté » parce que ces décisions peuvent avoir un impact sur autrui.
Dans ces situations de potentielles actions, les élèves sont amenés à développer leurs capacités de réflexion et d’esprit critique pour réaliser des choix conscients par rapport aux enjeux du numérique.
Le rôle de l’école
Comme milieu scolaire, il importe de profiter du contexte de proximité avec les élèves pour les accompagner au quotidien dans le développement de leur citoyenneté. Ainsi, on peut tenter d’accroître la capacité d’autonomie chez les jeunes en facilitant le développement de routines et de réflexes. Ceux-ci faciliteront la mise en place de processus mentaux qui aideront les élèves à faire des choix appropriés concernant les différents dilemmes numériques qu’ils peuvent rencontrer. Un tel processus de réflexion demande la capacité à prendre un temps d’arrêt afin de se positionner et de rechercher activement des solutions face aux situations et aux enjeux du numérique.
Trois axes à développer pour une autonomie de la pensée
Ces trois sphères peuvent s’appliquer indépendamment dans les classes. Le but est de venir à les pratiquer de manière instinctive à travers la réalisation d’activités pédagogiques.
Quelques pistes d’action
Afin de favoriser le développement de la citoyenneté à l’ère du numérique dans les écoles, certaines pistes d’action peuvent être considérées. Ainsi, plusieurs actions peuvent être entreprises par les milieux scolaires pour accompagner les élèves dans le développement de leur autonomie en tant que citoyennes et citoyens à l’ère du numérique.
Pour plus de ressources
Références
Forget-Dubois, Nadine (2020). Les discours sur le temps d’écran : valeurs sociales et études scientifiques, Études et recherches, Québec, Le Conseil, 44 p. Repéré à https://www.cse.gouv.qc.ca/wp-content/uploads/2020/09/50-2110-ER-Temps-ecran.pdf
Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur. (2018). Plan d’action numérique en éducation et en enseignement supérieur. Gouvernement du Québec. Repéré à https://www.education.gouv.qc.ca/fileadmin/site_web/documents/ministere/PAN_Plan_action_VF.pdf
Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur. (2019). Cadre de référence de la compétence numérique. Gouvernement du Québec. Repéré à https://www.education.gouv.qc.ca/fileadmin/site_web/documents/ministere/Cadre-reference-competence-num.pdf
Turbine, A. et Paradis, M. (2023). Citoyenneté à l’ère du numérique : et l’école là-dedans ? 5e symposium sur le transfert de connaissances en éducation. Repéré à https://5symposium.ctreq.qc.ca/activite/en-ligne-citoyennete-a-lere-du-numerique-et-lecole-la-dedans/
Articles similaires
Apprivoiser le numérique pour maintenir une courroie de communication avec nos ados
Communiquer avec nos adolescents dans un monde où leur univers gravite à l’intérieur d’un cyberespace qui, parfois, nous échappe demeure un défi quotidien. Découvrez dans cet article, une nouvelle perspective permettant d’amorcer positivement une dynamique relationnelle de proximité en utilisant les réseaux sociaux fréquentés par nos ados.
Voir l’articleDéployer le Rapport ÉVA : des gestes en classe qui concrétisent équité et valeur ajoutée du numérique !
Alors qu’on assiste actuellement à une remise en question du numérique en classe, de la formation à distance post-pandémique, des spéculations sur les impacts de l’intelligence artificielle, le Rapport ÉVA marque un moment charnière dans les perceptions, les possibilités et les prérequis d’un déploiement acceptable et souhaité du numérique à l’école. Ce qui n’est pas rien considérant les débats des 40 dernières années en regard des technologies en classe. L’air du temps toutefois nous questionne, alors qu’on place le numérique à l’école en concurrence avec d’autres priorités. Et si des usages appropriés du numérique constituaient aussi une solution à ces autres priorités ?
Voir l’articleComment définir le curriculum scolaire à l’ère du numérique?
Dans le cadre de l’EduSummIT 2019, le groupe de travail 12 avait comme mandat de poursuivre une réflexion déjà entamée depuis plusieurs années sur l’adaptation du curriculum scolaire aux réalités du XXIe siècle.
Voir l’articleCommentaires et évaluations
Contribuez à l’appréciation collective