Quand la force du groupe affecte la motivation et la réussite scolaire des élèves
Temps approximatif de lecture: 3 à 4 minutes
Par :
Isabelle Plante, Ph.D., professeure
Université du Québec à Montréal
Au Québec, les pratiques de sélection des élèves sont de plus en plus répandues, en particulier au secondaire, dans les milieux tant publics que privés. Ainsi, les élèves de 6e année, qui fréquentent généralement une école primaire publique sans sélection, entament typiquement leur secondaire soit dans un milieu public ordinaire, soit dans un milieu public enrichi ou privé. Cette offre scolaire suscite potentiellement des regroupements d’élèves distincts, incluant des groupes très performants et d’autres qui le sont beaucoup moins. La scolarisation dans un groupe de pairs plus ou moins performants est-elle liée à la motivation et à la réussite scolaires ultérieures des élèves? Ces effets sont-ils similaires dans les milieux publics ordinaires et dans les milieux publics enrichis ou privés? Le présent article présente les résultats d’une recherche menée dans le cadre de la transition primaire-secondaire pour répondre à ces questions importantes.
Cette recherche a été menée dans le cadre du Programme de recherche sur la persévérance et la réussite scolaires (PRPRS).
Source de l’image : Chatchai.wa/ShutterStock
Une recherche longitudinale menée au Québec
Isabelle Plante, professeure à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), et ses cochercheurs Annie Dubeau (UQAM) et Frédéric Guay (Université Laval), ont recruté 1 642 élèves de première secondaire parmi 11 écoles secondaires répartis en 67 groupes (38 groupes publics ordinaires et 29 groupes publics enrichis ou privés). Les élèves ont complété des questionnaires pour mesurer leur motivation en mathématiques et en français à deux reprises : 1. au début de leur première secondaire; 2. à la fin de leur première secondaire. Les chercheurs ont également eu accès aux notes de ces élèves en mathématiques et en français par l’entremise des milieux scolaires participants. De plus, pour déterminer si l’influence du groupe de pairs en première année du secondaire allait au-delà du rendement des élèves avant l’amorce de leur secondaire, leurs notes en français et en mathématiques obtenues en 6e année du primaire ont également été consignées.
L’importance de la force du groupe dans lequel les élèves évoluent
À première vue, on pourrait penser que le fait de regrouper les élèves performants dans les mêmes classes leur est profitable. Pourtant, certaines recherches suggèrent plutôt qu’à compétence égale, les élèves entourés de pairs performants tendent à se dévaluer. En effet, comparativement aux élèves scolarisés avec des pairs moins performants, les élèves dans les groupes les plus forts tendraient à développer un moins bon concept de soi scolaire, qui réfère au jugement qu’un élève fait de ses compétences et de sa réussite à l’école (Seaton et al., 2010). Or, les résultats obtenus par Plante et son équipe vont à l’encontre de ces données et soulignent plutôt le rôle de la force du groupe dans le développement de la motivation et de la réussite des élèves de la première année du secondaire. Deux points principaux ressortent :
- En général, le fait d’être scolarisé dans un groupe de pairs performants à l’amorce du secondaire se traduit par une motivation scolaire et une réussite plus élevée à la fin de la première secondaire. À l’inverse, les élèves qui évoluent dans un groupe moins performant deviennent moins motivés et obtiennent un rendement plus faible.
- Une fois le rendement au primaire pris en compte, ainsi que la force moyenne du groupe, les résultats révèlent très peu de différences entre la motivation et la réussite scolaires des élèves qui fréquentent un milieu public ordinaire par rapport à ceux qui sont scolarisés dans des groupes publics enrichis ou des milieux privés.
Pour éviter que les élèves performants et faibles soient scolarisés dans des groupes distincts et offrir des chances égales de succès aux élèves, on peut se demander comment agir sur la force moyenne des groupes d’élèves. En d’autres termes, comment attirer des élèves performants dans le plus de groupes possible? Les chercheurs ont émis deux recommandations principales pour parvenir à cette fin.
- Instaurer des critères de sélection différents : Si les élèves issus de groupes forts profitent de la composition de leur groupe, les élèves scolarisés dans les groupes les plus faibles sont en quelque sorte tirés vers le bas par leur groupe. Ainsi, réduire les écarts de performance entre les groupes pourrait potentiellement diminuer les inégalités scolaires en permettant aux élèves scolarisés dans différents groupes de profiter plus également de la force de leurs pairs. Pour ce faire, une avenue pertinente serait de sélectionner les élèves sur la base d’autres critères que le rendement, notamment les préférences scolaires des élèves.
- Varier les interventions : Les résultats indiquent qu’en plus des interventions individuelles pour stimuler la motivation et la réussite scolaires, des interventions destinées au groupe pourraient aussi être bénéfiques. Pour ce faire, cibler des interventions qui s’adressent à tous les élèves, plutôt qu’aux élèves les moins motivés exclusivement, pourrait être bénéfique. Un exemple de ce type d’interventions consiste à demander à tous les élèves d’une classe de consigner dans un journal de bord la pertinence des contenus de leurs cours pour leur vie de tous les jours. Cet exercice est reconnu pour sa capacité à attiser l’intérêt et à améliorer le rendement scolaire des élèves (Hulleman et Harackiewicz, 2009), permettant ultimement d’augmenter la force moyenne du groupe.
En somme, à l’entrée au secondaire, la force des pairs est associée à la motivation et à la réussite scolaires des élèves de ce groupe. Ces résultats révèlent que lors de la formation des groupes, le fait de s’assurer d’avoir une répartition plus équitable de la force des pairs, soit au moyen d’interventions, soit par des pratiques de sélection diversifiées, pourrait contribuer à atteindre l’égalité scolaire.
La recherche présentée dans cet article a obtenu l’appui financier du Fonds de recherche du Québec – Société et culture (FRQSC), du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur du Québec (MEES) et du Fonds de recherche du Québec – Santé (FRQS). Pour obtenir davantage d’informations sur le projet de recherche et sa méthodologie, voir le rapport complet de ce projet ici.
Références
Hulleman, C. et Harackiewicz, J. (2009). Promoting interest and performance in high school science classes. Science, 326(5958), 1410-1412. DOI: 10.1126/science.1177067
Seaton, M., Marsh, H. W. et Craven, R. G. (2010). Big-fish-little-pond effect: Generalizability and moderation—Two sides of the same coin. American Educational Research Journal, 47, 390–433. https://doi.org/10.3102/0002831209350493
Pour en savoir davantage
Cet article fait partie d’une série. Consultez les autres articles :
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L’anxiété de performance à l’arrivée au secondaire : un mal généralisé
- Les différences de genre en matière de motivation et de réussite en mathématiques et en français
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