Le coenseignement pour favoriser la différenciation pédagogique
Traditionnellement, les élèves en difficulté recevaient un soutien individualisé de la part de l’orthopédagogue à l’extérieur de la classe. Cette individualisation présentait certaines lacunes; elle était la plupart du temps insuffisante pour remédier aux difficultés de l’élève, et le transfert des apprentissages n’était pas garanti. Pour pallier les lacunes de ce type d’intervention, ainsi que pour adapter l’enseignement au contexte d’inclusion scolaire, les écoles tendent vers une collaboration plus étroite de l’orthopédagogue et de l’enseignant. L’une des façons d’accroître cette collaboration consiste à instaurer un système de « coenseignement ».
Cet article s’appuie sur le texte de Philippe Tremblay, professeur agrégé au Département d’études sur l’enseignement et l’apprentissage de l’Université Laval.
En quoi consiste le coenseignement?
Au lieu de sortir de la classe les élèves présentant des besoins d’apprentissage plus spécifiques, dans une approche de coenseignement, l’orthopédagogue les accompagne en classe ordinaire. Le coenseignement entraine donc un partage des responsabilités entre l’enseignant et l’orthopédagogue (Friend et Cook, 2007), et ce, à temps partiel ou à temps plein, dans le but d’offrir aux élèves en difficulté un soutien pédagogique plus intensif et plus individualisé (Ibid.).
Les configurations du coenseignement
(enseignant/enseignant ou enseignant/orthopédagogue)
Tremblay présente six types de configuration de coenseignement :
Un enseigne/Un observe : Type de coenseignement pouvant bénéficier à la planification des interventions futures. Chaque configuration présente ses avantages et ses limites, d’où l’importance de réfléchir au meilleur choix pour une classe donnée.
Le coenseignement est-il efficace?
Les recherches faites à ce sujet montrent des résultats modérés, mais positifs. Par exemple, une méta-analyse rapporte un effet de taille 0,40 (modérément important) (Murawski et Swanson, 2001, rapporté par Tremblay, 2016). Plus récemment, d’autres recherchent ont montré des effets bénéfiques du coenseignement sur l’apprentissage de la lecture et de l’écriture (Tremblay, 2012, 2013), ainsi que sur le comportement des élèves en difficulté (Fontana, 2005; Hang et Rabren, 2009; Rea, McLaughlin et Walther-Tomas, 2002, rapporté par Tremblay, 2016).
Selon les résultats de la recherche menée par Tremblay, le coenseignement permettrait aux orthopédagogues d’avoir une meilleure connaissance des contenus d’apprentissage vus en classe, ainsi qu’aux enseignants d’enrichir la façon dont ils adaptent leurs interventions.
L’intervention en petits groupes et le soutien individualisé semblent être les modalités privilégiées par les enseignants et orthopédagogues ayant expérimenté le coenseignement. En ce sens, les travaux de Tremblay montrent que le coenseignement favorise la différenciation pédagogique, et que les rôles de l’enseignant et de l’orthopédagogue se précisent petit à petit dans l’utilisation de cette approche.
Les entretiens et les observations que nous avons menés auprès des enseignants (ordinaires et orthopédagogues) qui ont expérimenté ensemble le coenseignement durant deux années scolaires montrent un partage des rôles flexible et évolutif dans le temps et dans les activités en classe.
Quelles sont les limites de cette approche?
Parmi les critiques adressées au coenseignement, plusieurs soulèvent le fait que les interventions apportées auprès des élèves en difficulté en contexte de groupe-classe sont souvent interrompues, en plus d’être plus brèves et en surface. De ce fait, les élèves reçoivent un soutien individualisé partiel.
Cela dit, en général, les enseignants voient tout de même d’un bon œil l’instauration du coenseignement (Scruggs, Mastropieri et McDuffie, 2007). Les limites associées à l’utilisation de cette approche seraient, en grande partie, d’ordre institutionnel. Les enseignants souhaiteraient notamment plus de temps pour planifier et préparer le coenseignement.
[Consultez l’article]
Références :
- Friend, M. et Cook, L. (2007). Interactions : Collaboration skills for school professionals (5e éd.). New York, NY : Pearson Education.
- Fontana, K. C. (2005). The effects of co-teaching on the achievement of eighth grade students with learning disabilities. The Journal of At-Risk Issues, 11(2), 17-23.
- Hang, Q. et Rabren, K. (2009). An examination of co-teaching : Perspectives and efficacy indicators. Remedial and Special Education, 30(5), 259-268. http://dx.doi.org/10.1177/0741932508321018
- Murawski, W. W. et Swanson, H. L. (2001). A meta-analysis of co-teaching research : Where are the data?. Remedial and Special Education, 22(5), 258-267. http://dx.doi.org/10.1177/074193250102200501
- Rea, P. J., McLaughlin, V. L. et Walther-Thomas, C. (2002). Outcomes for students with learning disabilities in inclusive and pullout programs. Exceptional Children, 68(2), 203-222.
- Scruggs, T. E., Mastropieri, M. A. et McDuffie, K. A. (2007). Co-teaching in inclusive classrooms : A metasynthesis of qualitative research. Exceptional Children, 73(4), 392-416. http://dx.doi.org/10.1177/001440290707300401
- Tremblay, P. (2015). Le coenseignement : condition suffisante de différenciation pédagogique? Formation et profession, 23(3), 33-44.
Image : © Shutterstock / Pressmaster
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Retraitée de l’enseignement depuis 20 ans, ma collègue et moi avions instaure cette façon de faire avec l’orthopedagogue et nos élèves en difficultés.Les résultats étaient très encourageants et pour les enfants et pour les enseignants.Tavail plus exigeant bien sûr mais tellement plus satisfaisant pour tous. Je vous encourage à me5tre de l’avant cette façon de faire pour aider davantage les enfants en difficultés et surtout de persévérer. Pour y arriver il faut y croire!