Apprivoiser le numérique pour maintenir une courroie de communication avec nos ados

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Mis à jour le 28 Fév 2022

Communiquer avec nos adolescents dans un monde où leur univers gravite à l’intérieur d’un cyberespace qui, parfois, nous échappe demeure un défi quotidien. Parents, enseignants et intervenants, nous cherchons tous une façon singulière pour maintenir les courroies de communication avec ces adultes en devenir en pleine révolution d’autonomie. Utiliser les espaces virtualisés pour les atteindre peut représenter une stratégie efficace. Or, faudrait-il repenser nos approches afin d’atteindre cet objectif? À ce sujet, un mémoire d’intervention psychosociale récemment publié nous propose une nouvelle perspective permettant d’amorcer positivement une dynamique relationnelle de proximité en utilisant les réseaux sociaux fréquentés par nos ados.

Source de l’image: Shutterstock

Le commencement 

Si l’on souhaite comprendre les adolescents, il faut d’abord s’intéresser à leur environnement social où ils apprennent à se définir au fil des relations qui s’y construisent. La famille, l’école et la communauté sont des lieux d’exploration certes pertinents, mais l’univers virtuel qui forge une grande partie de leur quotidien ne doit pas échapper à nos perspectives d’intervention. En effet, les adolescents d’aujourd’hui gravitent dans un environnement numérique qui souvent nous surprend par sa vastitude. Cellulaire, ordinateur et jeux en ligne sans frontières, le cyberespace leur donne accès à un volume d’information, de stimulation et d’interaction sans limites.

L’utilisation des technologies étant partie prenante de leur réalité tant pour la communication que pour la consommation, il devient nécessaire de considérer l’espace numérique comme un système d’interaction d’importance dans leur environnement développemental. Il va de soi que ce constat ne peut être naturel ou systématique pour la génération qui les précède puisque nous, adultes, avons connu un monde complètement différent sur le plan des initiations communicationnelles et relationnelles. En ce sens, faire l’effort de les atteindre demeure une responsabilité parentale ou professionnelle qu’il faut considérer lorsque le développement d’une relation significative d’ouverture et de proximité constitue notre objectif.

La place que prend l’utilisation des technologies

Selon les données de l’Institut de la statistique du Québec, l’utilisation des réseaux sociaux (99 %) et la gestion des courriels (98 %) représentent en force les activités des jeunes internautes québécois. Nous avons deux façons de réagir à ces statistiques : 1) elles nous peuvent inquiéter, si nous sommes alimentés par l’idée de dangerosité que nous nous faisons du cyberespace; 2) elles peuvent nous servir comme base de réflexion pour revoir nos stratégies de communication dans le but d’établir des points de rencontre générationnels.

Les réseaux sociaux comportent certes leur lot de défis, notamment parce qu’ils constituent une zone de non-droit et où tout ce qui peut se dire ou se publier peut être retenu à l’encontre de l’initiateur. La mesure de la gestion de soi ainsi que la prudence par la prévention sont des stratégies éducatives qui restent de mise.

Au Québec, 90 % des individus âgés de 18 à 24 ans possèdent un cellulaire; lorsqu’on leur pose la question sur l’utilisation principale qu’ils en font, la réponse demeure « d’entretenir les relations qu’ils ont avec les autres » (Balleys, 2017 dans Fagnant, 2021, p. 21). En 2017 une étude de Thoër et Millerand ayant pour objet le sens que les jeunes de 12 à 25 ans accordaient à l’utilisation des technologies de l’information et de la communication faisait ressortir que le sentiment d’autonomie, d’intimité et la socialisation avec des gens partageant des intérêts communs étaient les éléments les plus importants.

Et si on s’intéressait aux savoirs expérientiels

Dans la littérature, on remarque rapidement que les connaissances à propos des pratiques des adolescents sur les réseaux sociaux sont majoritairement des savoirs experts au détriment des savoirs expérientiels. En considérant que peu d’études se sont intéressées au sens donné à ces pratiques par les adolescents, comment faire alors pour les y atteindre sans s’immiscer de manière indiscrète dans une zone de liberté qui, pour eux, leur appartient et à l’intérieur de laquelle ils se sentent en contrôle?

Une posture plus positive à l’égard des réseaux sociaux

Dans l’optique où Internet est maintenant devenu le prolongement de l’espace public, il convient maintenant de changer les perspectives et d’aborder ce monde avec une posture compréhensive. À cet effet, la chercheuse Sylvie Jochems (2012) propose d’ancrer nos approches jeunesse dans une vision positive permettant d’utiliser le potentiel de développement d’action collective afin de maintenir le lien social via les espaces numériques. De cette façon, les réseaux sociaux deviennent une source de mobilisation jeunesse par l’intermédiaire de groupes communautaires aux initiatives diversifiées, mais aux intentions communes. Cette conception complémentaire des espaces de socialisation permet certainement de soutenir des approches de proximité auprès des adolescents.

En conclusion

Discuter avec nos adolescents nous permet d’obtenir une perspective plus juste de leur considération numérique. Une grande majorité d’entre eux sont conscients du côté obscur du cyberespace. Toutefois, ils sont tout aussi conscients des immenses possibilités que leur offre cette ouverture sur le monde. Il appert donc fondamental d’orienter nos approches interventionnistes et interactionnistes auprès de la jeunesse vers des axes de proximité, d’ouverture et de compréhension. Dans ce désir de maintenir cette courroie de communication si chère à la relation significative adulte-adolescents, peut-être serait-il utile de commencer par écouter ce qu’ils sont à raconter sur cet univers qui trop souvent nous échappe…

Pour en savoir plus:

Fagnant, S. (2021). L’exemple de la socialisation adolescente dans les espaces virtualisés : une avenue pour l’accompagnement au développement de la citoyenneté numérique [Mémoire de maîtrise. Université du Québec à Montréal]. Archipel.. https://archipel.uqam.ca/15174/1/M17413.pdf

Références

Institut de la statistique du Québec. (2020). Regard statistique sur la jeunesse. État et évolution de la situation des Québécois âgés de 15 à 29 ans, 1996 à 2018. Édition 2019, mise à jour [En ligne], Québec, Institut de la statistique du Québec, 298 p. [www.stat.gouv.qc.ca/statistiques/conditions-vie-societe/regardjeunesse- 2020.pdf]

Jochems, S. 2012. Les jeunes ne s’impliquent plus comme avant. Et puis? Réflexion sur les usages des médias sociaux notamment lors du Printemps Érable québécois.  Revue canadienne de service social, 29(2), 275-291.

Thoër, C. et Millerand, F. (2017). Faut-il s’inquiéter de la progression de l’écoute de vidéos sur Internet? Des jeunes racontent… Dans A.J. Suissa (dir.), Sommes-nous trop branchés? (p. 80-111). Presses de l’Université du Québec.

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