La transmission de savoir-faire de prudence en formation professionnelle : pour surpasser les limites des approches traditionnelles de l’enseignement de la SST

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Mis à jour le 11 Nov 2024

Les enjeux actuels liés à la santé et sécurité au travail (SST) en formation professionnelle sont multiples. La réalité des jeunes travailleurs est préoccupante, étant marquée par une hausse des accidents de travail et de la vulnérabilité face aux risques professionnels. Ce contexte montre l’importance de tenir compte des limitations des approches traditionnelles de l’enseignement de la SST et de repenser ces approches pour pouvoir mieux préparer les jeunes travailleurs.  

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Cet article reprend différents contenus abordés dans la conférence L’enseignement des savoirs de prévention en formation professionnelle présentée par Vanessa Rémery, professeure au Département d’éducation et de formation spécialisées, section Formation professionnelle et technique, à l’Université du Québec à Montréal, lors de la Journée thématique sur les savoirs de prévention en formation professionnelle organisée par l’Observatoire de la formation professionnelle du Québec le 10mai 2024 à l’École professionnelle de SaintHyacinthe. 

Les limites des approches traditionnelles 

Les approches traditionnelles de l’enseignement de la SST peuvent être décrites comme normatives ou applicatives, c’est-à-dire qu’elles concernent principalement le respect des règles de sécurité. Bien que l’apprentissage de ces règles soit important, il ne favorise pas nécessairement une compréhension approfondie des risques professionnels ou le développement de compétences de prévention adaptées aux divers environnements de travail.  

D’ailleurs, dans de nombreux programmes de formation professionnelle, la SST semble perçue comme une compétence générale, et non une compétence spécifique faisant l’objet d’un apprentissage concret. Ainsi, l’enseignement de la SST se limite souvent à la transmission de connaissances générales sur la législation, le port d’équipements de protection individuelle et le respect des normes et des règles propres à l’usage des outils ou des produits utilisés, alors qu’il devrait aussi concerner le développement de savoir-faire nécessaires à l’analyse des risques professionnels et la mise en place de moyens de prévention, tant pour la santé physique que la santé psychologique au travail. 

La transmission des connaissances de la SST 

De manière générale, l’enseignement actuel des savoirs de prévention semble limité par une approche qui ne permet pas le développement des compétences analytiques et proactives, ce qui incite les élèves à adopter une posture passive face aux risques dans les milieux de travail. De plus, les formations en SST restent souvent axées sur le respect des règles de sécurité et sont parfois décontextualisées, c’est-à-dire qu’elles sont conçues de manière universelle et qu’elles ne tiennent pas compte des caractéristiques des milieux de travail dans les différents métiers. Le développement de compétences d’analyse semble donc essentiel pour permettre aux élèves d’identifier les situations à risque de leur métier et des moyens de prévention pertinents. 

C’est alors que le partage de savoir-faire de prudence avec des travailleurs et des travailleuses expérimentés que sont les enseignants et enseignantes de la formation professionnelle, devient intéressant, puisqu’il permet aux élèves d’accéder aux stratégies et aux astuces développées par l’expérience des plus experts pour « tenir » dans le métier, et de mieux comprendre comment ils sont parvenus à travailler en santé et en compétence au fil du temps. Cette perspective permet de surpasser l’approche exécutante traditionnelle en développant une capacité d’analyse critique des risques et une vision à long terme de leur santé. Leurs apprentissages ne concernent ainsi plus uniquement l’application de connaissances en SST faisant des élèves des exécutants passifs, mais également le développement de savoir-faire en SST intégrés à la culture du métier transmis par les anciens. Ils seraient donc davantage formés à devenir des acteurs de la prévention qui savent identifier et prévenir les risques de leur milieu. 

L’enseignement des savoir-faire de prudence 

L’intégration des savoir-faire de prudence dans l’enseignement de la SST en formation professionnelle se retrouve au croisement entre deux champs théoriques : l’ergonomie de l’activité et la didactique professionnelle. L’ergonomie de l’activité se définit comme une approche qui vise à comprendre et à améliorer les conditions de travail en analysant les activités réelles des travailleurs et des travailleuses. Elle se focalise sur les interactions entre la personne, les tâches et l’environnement de travail, permettant ainsi d’adapter les situations professionnelles pour réduire les risques physiques et psychologiques et optimiser la santé et l’efficacité des travailleurs et des travailleuses. Complémentairement, la didactique professionnelle est une branche de la pédagogie qui s’intéresse aux savoirs pratiques et à la manière de les transmettre en milieu de formation. Elle analyse les situations professionnelles et permet de transformer des compétences expertes en apprentissages accessibles aux élèves, favorisant ainsi l’acquisition de savoir-faire de prudence et la capacité de prévention des risques.  

L’articulation entre ces approches permet de fournir des outils conceptuels intéressants pour analyser les facteurs de risque dans des situations de travail en formation professionnelle et pour concevoir des dispositifs de formation adaptés aux besoins en SST des apprenants et des apprenantes.  

Ainsi, afin de former les élèves en formation professionnelle à devenir des « acteurs de leur prévention », il importe d’encourager une approche plus proactive de l’enseignement de la SST qui les outille à proposer des moyens de prévention dans leurs milieux de travail. Finalement, pour favoriser le développement des compétences analytiques des élèves par rapport à leurs connaissances sur les moyens de prévention de la SST, le personnel enseignant aurait avantage à miser sur le partage de leurs savoir-faire de prudence développés par leur expérience du métier. 

Références 

Observatoire de la formation professionnelle du Québec. (2024). L’enseignement des savoirs de prévention en formation professionnelle. Journée thématique 2024 : Savoirs de prévention en formation professionnelle. https://www.youtube.com/watch?v=RGjEsSn7f_w 

Références bibliographiques 

  • Cloutier, E., Fournier, P.-S., Ledoux, E., Gagnon, A., Beauvais, C. et Vincent-Genod, C. (2012). La transmission des savoirs de métier et de prudence par les travailleurs expérimentés. Comment soutenir cette approche dynamique de formation dans les milieux de travail ? Rapport IRSST, R-740, www.irsst.qc.ca/medis/documents/PublIRSST/R-740.pdf. 
  • Delgoulet, C., & Vidal-Gomel, C. (2013). Le développement des compétences : une condition pour la construction de la santé et de la performance au travail. Dans P. Falzon (coord.), Ergonomie constructive (pp. 19-32). Paris : PUF. https://shs.cairn.info/ergonomie-constructive–9782130607489-page-17?lang=fr 
  • Mayen, P. et Savoyant, A. (1999) Application de procédures et compétences. Formation Emploi, 67. https://www.persee.fr/doc/forem_0759-6340_1999_num_67_1_2363 
  • Mayen, P. et Vidal-Gomel, C. (2005). Conception, formation et développement de règles au travail. In P. Pastré & P. Rabardel (coord.), Modèles du sujet pour la conception, dialectiques activités-développement (pp. 108-128). Toulouse : Octarès. 

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