Travailler l’oral à l’ère des contacts en ligne

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La pandémie de COVID-19 a entraîné certaines conséquences sur les relations humaines, dont notamment une diminution des interactions sociales en personne. Cela a conduit à une utilisation croissante des communications en ligne, souvent perçues comme moins confrontantes. Cela peut cependant entraîner des répercussions sur les compétences communicationnelles, entre autres chez les jeunes, qui peuvent être moins enclins à utiliser l’oral dans différents contextes, comme en classe ou dans des situations du quotidien. Ainsi, il est devenu essentiel de travailler l’oral avec les élèves pour les amener à bien fonctionner sur le plan scolaire et dans leur vie quotidienne.

Les trois statuts de l’oral

Afin d’envisager un outillage pour l’oral, il est nécessaire de connaître les trois statuts de l’oral (Dumais et Soucy, 2022) :

L’oral utilisé est insuffisant seul. Il est nécessaire de développer des compétences à l’oral grâce à l’oral enseigné. Ce développement de compétences nécessite du temps, d’où l’importance de l’oral mobilisé. Une fois que les apprentissages sont réinvestis dans l’oral mobilisé, ils peuvent se transférer dans l’oral utilisé. C’est donc une roue qui tourne et qui permet le développement de la compétence à communiquer oralement.

Outiller les élèves à être de meilleurs utilisateurs des outils technologiques

Le développement des compétences en littératie est visé afin de renforcer la capacité des élèves à communiquer de manière efficace tant à l’école que dans leurs interactions quotidiennes avec les individus et les technologies. Pour ce faire, voici six exemples d’utilisation d’objets de l’oral en contexte d’enseignement et d’apprentissage en classe qui aideront les élèves à être de meilleurs utilisateurs des outils technologiques actuels et futurs, et ce, de manière pertinente et significative.

• La syntaxe et le schéma narratif

Cette activité vise à utiliser l’oral comme moyen de développer les compétences en écriture des élèves. En premier lieu, les élèves sont encouragés à dicter une histoire à voix haute, qui est ensuite retranscrite par Microsoft Word sur l’ordinateur. Cette approche permet aux élèves d’analyser le contenu de leur récit et de travailler la syntaxe lors de la révision du texte écrit. Cela leur permet également d’examiner les différences entre l’oral et l’écrit en travaillant la syntaxe. Ensuite, les élèves explorent les éléments du schéma narratif, en identifiant et en complétant les composantes nécessaires. Cette approche offre une solution créative pour aborder ces concepts sans la contrainte de l’écriture manuelle traditionnelle, tout en offrant la possibilité d’explorer les commandes vocales comme outil d’apprentissage.

• Les actes de parole

Cette activité permet aux élèves de développer leur compétence à adapter leur façon de s’exprimer en fonction de la situation de communication et de juger de l’effet des mots sur les individus. Elle explore les liens entre l’oral et l’écrit en se penchant sur différentes situations où il est possible de donner son avis telles que les commentaires en ligne à la suite d’une publication, les avis sur Google Maps ou encore les avis à propos d’un restaurant. Les élèves apprennent à utiliser et à ajuster leur langage en fonction du contexte, en se penchant sur des situations spécifiques comme exprimer son mécontentement de manière constructive. Ils réfléchissent également à l’impact de leurs paroles sur autrui et un travail est fait afin de favoriser une communication harmonieuse. Cette réflexion se concrétise par des scénarios pratiques de la vie quotidienne à l’école, où les élèves sont invités à formuler des messages en ayant une réelle connaissance de l’impact de leur communication orale, comme annoncer une mauvaise nouvelle à un ami ou exprimer son désaccord.

• Le débit

Cette activité se concentre sur l’impact du débit sur la compréhension d’autrui et des technologies (commandes vocales, par exemple). Elle débute par un enseignement de l’oral, mettant en lumière l’importance du débit et son influence sur l’attention des auditeurs, illustrée par des extraits audio et vidéo pertinents. Les élèves sont également sensibilisés aux effets des pauses dans la communication, notamment dans les interactions avec les technologies, où une pause trop longue peut interrompre l’échange. Différents types de débit sont explorés avec des activités telles que les virelangues et l’enregistrement vocal pour une prise de conscience individuelle du débit personnel.

• Le questionnement

Cette activité explore le potentiel du questionnement comme outil de communication, soulignant son efficacité, lorsqu’utilisé de manière appropriée. Elle vise à cultiver une posture d’investigation et à stimuler la curiosité des élèves, les encourageant ainsi à aller au-delà de leur compréhension initiale. L’écoute active est mise en avant comme un élément crucial, permettant aux élèves d’approfondir leur questionnement et de rebondir sur les contributions des autres. Différents types de questions – ouvertes, fermées et de suivi – sont présentés avec des indications sur leur utilisation appropriée. Le questionnement est travaillé par le modelage et à travers la réalisation de tâches en équipe, de manière progressive, en commençant par des dyades pour favoriser l’expression individuelle avant d’élargir les groupes. Les élèves sont également encouragés à formuler leurs propres questions, en utilisant des outils tels que les API ou les agents conversationnels.

• La reformulation

Cette activité vise principalement à permettre aux participants de vérifier leur compréhension ou de clarifier ce qui a été dit, tout en offrant également la possibilité à l’interlocuteur, qu’il s’agisse d’une personne ou d’une machine, d’approfondir ses propos. L’écoute active est à nouveau identifiée comme un élément clé de cette pratique. La reformulation est travaillée à travers un atelier formatif structuré en six étapes (Lafontaine et Dumais, 2014), ou à travers une approche inductive basée sur l’observation d’extraits audio ou audiovisuels pour identifier les caractéristiques d’une reformulation efficace. Le modelage est utilisé lors des échanges en classe pour illustrer les compétences requises. Des interactions avec un robot conversationnel peuvent également être utilisés pour rendre l’exercice plus engageant et authentique.

• Le principe de coopération

Pour qu’un échange entre individus soit fructueux, une coopération est nécessaire pour garantir l’efficacité et l’alignement de la communication sur la direction et le but de l’échange. Ce principe de coopération repose sur le respect de quatre règles fondamentales (Grice, 1979), applicables également lors de l’interaction avec des machines :

Ces règles trouvent leur utilité dans divers contextes (Dumais et Soucy, 2023), que ce soit en milieu scolaire pour les discussions en classe dans différentes matières, dans la vie quotidienne pour laisser un message sur un répondeur, ou dans le monde numérique pour interagir avec des agents conversationnels.

La bienveillance et l’éthique en ligne

Pour terminer, il est important de rappeler aux élèves que leurs interactions en ligne impliquent souvent de véritables personnes. Des échanges concernant la bienveillance et l’éthique en ligne peuvent être nécessaires. En enseignant dès un jeune âge aux élèves à évaluer la pertinence de leurs actions en ligne et à faire preuve d’empathie, ils peuvent alors devenir des utilisateurs responsables. Il est également important de sensibiliser les élèves aux lois qui s’appliquent en ligne. Rappelons-nous que tout ce qui est déposé laisse une trace !

Références

Dumais, C. et Soucy, E. (2022). L’oral et ses liens avec la lecture et l’écriture. Dans I. Montésinos-Gelet, M. Dupin de Saint-André et O. Tremblay (Dir.). La lecture et l’écriture. Fondements et pratiques aux 2e et 3e cycles du primaire. Tome 2 (p. 303-317). Montréal : Chenelière Éducation.

Dumais, C. et Soucy, E. (2023). Le principe de coopération pour favoriser les échanges communicatifs entre les élèves. Vivre le primaire, 36(2), 25-26.

Lafontaine, L. et Dumais, C. (2014). Enseigner l’oral, c’est possible! 18 ateliers formatifs clés en main. Chenelière Éducation.

Grice, P. H. (1979). Logique et conversation. Communications, 30, 57-72. https://www.persee.fr/doc/ comm_0588-8018_1979_num_30_1_1446