L’insécurité linguistique en contexte éducatif
L’insécurité linguistique est un phénomène complexe qui est lié à la façon dont les individus se perçoivent eux-mêmes en raison de leur accent et de leurs langues. En contexte éducatif, les pratiques pédagogiques peuvent jouer un rôle essentiel pour renverser ce phénomène. En valorisant la diversité linguistique et culturelle et en travaillant à déconstruire les idéologies qui causent l’insécurité linguistique chez les élèves, le personnel enseignant peut créer un environnement d’apprentissage plus inclusif et respectueux de tous.
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Texte rédigé à partir du contenu de la rencontre Educere, organisée par la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université du Québec à Montréal ayant pour titre Vivre l’insécurité linguistique : une réalité en contexte éducatif.
Qu’est-ce que l’insécurité linguistique ?
L’insécurité linguistique est un phénomène associé aux inégalités sociales liées aux accents et aux langues et correspond à une évaluation négative que fait une personne de la manière dont elle s’exprime, à l’oral ou à l’écrit.
L’étude de l’insécurité linguistique nous permet de voir cette insécurité comme expression de rapports conflictuels entre des langues ou des variétés de langues à l’intérieur d’un même groupe (p. ex., rapport entre le français franco-albertain et le français québécois) et entre les langues.
Parmi tous les éléments qui peuvent déclencher un sentiment d’insécurité linguistique, l’accent avec lequel on s’exprime (dans sa langue maternelle ou une langue additionnelle) est un des aspects les plus souvent discutés (Remysen, 2018). L’accent est un marqueur d’appartenance à un groupe linguistique et dans notre société, les accents n’ont pas tous le même statut, de sorte que ceux qui s’apparentent davantage à la norme standard sont considérés comme légitimes et dotés de plus de pouvoir. Et donc, à cause de la hiérarchisation sociale des accents et des langues, certaines personnes sont menées à croire qu’elles parlent avec un accent qui est moins valorisé que d’autres. Il est important de comprendre que l’accent ou la norme « standard », comme l’accent « international », repose sur l’idée qu’il existe une « bonne façon » de parler et que certaines variétés sont supérieures à d’autres. Cependant, nous savons que nous avons tous un accent et que « l’accent neutre » ou « le bon français » ne sont que des mythes.
Quels sont les effets de l’insécurité linguistique ?
L’insécurité linguistique peut avoir des conséquences négatives variées. Elle peut causer un sentiment d’infériorité chez la personne, ce qui affecte négativement le désir de parler, l’estime de soi ou la capacité à fonctionner efficacement en société. Les personnes vivant de l’insécurité linguistique ont peut-être déjà été les cibles de moqueries, de commentaires dépréciatifs ou encore de formes plus sévères de discrimination liée aux accents et aux langues, de linguicisme (Skutnabb-Kangas, 2015). Il est donc important d’être sensible à cette réalité.
Pistes d’actions pour réduire l’insécurité linguistique en contexte éducatif
Les pratiques pédagogiques doivent contribuer à réduire l’insécurité linguistique chez les élèves. À cette fin, il faut :
- déconstruire l’idée qu’il existe une « bonne façon de parler » et plutôt aborder l’idée que l’idéologie de standard est un mythe et que toutes les langues et variétés sont complexes et valides;
- trouver un équilibre entre la présentation de la manière dont les gens s’expriment au quotidien (c.-à.-d. la description des normes en usage dans la communauté) et l’adoption rigide de règles qui laissent entendre qu’il n’existe qu’une seule bonne façon de s’exprimer, à l’oral et à l’écrit (c.-à.-d. propager l’idéologie du standard);
- valoriser la diversité linguistique tout en prenant en compte le vécu des élèves et des personnes enseignantes pour favoriser des interactions positives;
- être conscient de l’insécurité linguistique et travailler à la déconstruire en abordant explicitement le sujet avec les élèves et les personnes étudiantes.
En favorisant une compréhension mutuelle de nos différences, le personnel enseignant peut contribuer à créer un environnement d’apprentissage plus inclusif et respectueux de la diversité culturelle.
Références
Skutnabb-Kangas, T. (2015). Linguicism. The Encyclopedia of Applied Linguistics. Blackwell. Published online: 19 June 2015. doi:10.1002/9781405198431.wbeal1460.
Remysen, W. (2018). L’insécurité linguistique à l’école : un sujet d’étude et un champ d’intervention pour les sociolinguistes. Dans Vincent, N. et Piron, S. (dir.) La linguistique et le dictionnaire au service de l’enseignement du français au Québec : mélanges offerts à Hélène Cajolet-Laganière (pp.25-59). Éditions Nota Bene.
Comment citer ce travail :
Payant, C., Beaulieu, S. et Bejarano Ruiz, J. (2023). Vivre l’insécurité linguistique : une réalité en contexte éducatif. Dans le cadre des rencontres EDUCERE, Faculté des sciences de l’Université du Québec à Montréal
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