Améliorer l’accompagnement aux stagiaires en éducation, oui, mais comment?
Les stagiaires en éducation au Québec bénéficient-ils d’un accompagnement efficace leur permettant l’application de leurs savoirs théoriques à la pratique? Dans cette étude, Josée-Anne Gouin et Christine Hamel se penchent sur cette question, exposent les défis de l’accompagnement des stagiaires et étudient la perception des étudiants quant à l’ajout d’un didacticien comme accompagnateur.
Les défis du modèle actuel
Les étudiants en éducation doivent effectuer quatre stages en salle de classe afin de valider leur parcours universitaire. Les chercheuses constatent que les accompagnants aux stages ̶ enseignant associé et superviseur universitaire ̶ font face à des défis importants afin d’aider leurs stagiaires à établir des liens entre la théorie apprise en cours et la pratique sur le terrain.
Favoriser le lien théorie-pratique est rendu difficile par le fait qu’il y a peu de canaux de communication entre les professeurs d’université et les accompagnateurs terrain. Par conséquent, ces derniers sont rarement au courant du contenu enseigné dans les cours universitaires et ont peu d’occasions de demander un réinvestissement des apprentissages de la part des stagiaires.
Ce fossé entre la théorie et la pratique est en outre creusé par le fait que les professeurs d’université sont rarement mis en relation avec les enseignants associés et les superviseurs et donc ne sont pas au courant de la réalité vécue par les stagiaires sur le terrain.
Pour les chercheuses, il est possible d’améliorer ce modèle. C’est ce qu’elles tentent de montrer dans cette recherche-action.
Méthodologie
Les chercheuses essaient d’étudier l’effet de l’ajout d’un didacticien pour accompagner les participants dans le développement de l’articulation théorie-pratique. Pour ce faire, en collaboration avec l’enseignant associé, les étudiants de troisième année en enseignement secondaire ont été chargés de planifier une séquence d’enseignement-apprentissage de trois à six cours avec l’appui d’un didacticien. Les étudiants ont ensuite enseigné cet enchaînement pendant leurs stages. À mi-parcours et à la fin de leur stage, la plupart des stagiaires ont pu bénéficier de la rétroaction de leurs expériences d’enseignement.
Afin d’évaluer ce nouveau modèle, un questionnaire électronique a été envoyé à 101 stagiaires de troisième année. Un taux de réponse de 67 % a été comptabilisé.
Les avantages et les défis du modèle proposé
Le questionnaire révèle que l’ajout d’un professeur de didactique comme accompagnant a un effet positif sur l’articulation théorie-pratique chez les stagiaires. En effet, 59 % des didacticiens questionnent souvent ou toujours les stagiaires sur l’intégration de leurs savoirs universitaires, contrairement aux enseignants associés (18 %) et aux superviseurs (44 %).
Ces résultats sont toutefois relatifs à l’ouverture théorique et pratique du didacticien. Les chercheuses signalent que, malgré le travail collaboratif en amont, la planification d’une situation d’apprentissage semble demeurer « plus un projet académique » (Gouin et Hamel, 2022). Pour certains professeurs, le contenu de cette situation d’apprentissage était incompatible avec les objectifs de leurs cours didactiques. Leurs implications s’avéraient dès lors limitées.
Les chercheuses déterminent que les « professeurs de didactique les plus engagés dans le suivi du stage seraient ceux qui ont effectué le plus de liens entre la théorie et la pratique dans leurs cours. Dans ce cas, et seulement dans ce cas, nous aurions une véritable bonification de la triade avec l’ajout d’un troisième formateur plus spécialisé » (Gouin et Hamel, 2022).
Bref, la triade traditionnelle, qui ne comprend pas un didacticien, souffre d’une absence significative de liens entre la théorie et la pratique. Toutefois, le nombre de formateurs n’apparaît pas être le facteur le plus décisif pour accompagner efficacement les stagiaires. En effet, il semble que l’intérêt et l’occasion de comprendre les spécificités et la complexité du travail des autres formateurs soient décisifs pour assurer un suivi efficace des stagiaires.
Conclusion
Cette recherche souligne l’importance de trouver des canaux de communication entre le monde universitaire et la réalité de la salle de classe pour favoriser une formation efficace de nos futurs enseignants. Les chercheuses démontrent donc l’importance de créer délibérément des conditions et un espace-temps propices à l’échange de connaissances et de points de vue entre tous les formateurs. Cette étude se concentre sur la perception des stagiaires, mais qu’en disent les formateurs quant à l’efficacité du modèle actuel?
Référence
Gouin, J.-A. et Hamel, C. (2022). Quels modèles d’accompagnement pour les stagiaires en enseignement afin de favoriser l’articulation théorie-pratique? Canadian Journal of Education/Revue canadienne de l’éducation, 45(1), 35-52. https://doi.org/10.53967/cje-rce.v45i1.4705
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