Le rapport à l’écrit : comment se manifeste-t-il chez des élèves de 11 et 12 ans?

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La notion de rapport à l’écrit se définit comme étant l’ensemble des significations complexes et évolutives entre un sujet et l’écrit (Barré-De Miniac, 1997; Chartrand et Blaser, 2008). En réalisant un état des lieux sur les recherches concernant la notion, nous constatons qu’aucune autre étude que la nôtre n’a permis de décrire les manifestations du rapport à l’écrit de l’élève du primaire à l’aide d’une observation directe et d’une attention particulière au dispositif d’enseignement (Pomerleau, 2021). Les activités planifiées dans le cadre de la recherche étaient axées sur le partage entre les pairs à chaque étape du processus d’écriture et sur des moments d’enseignement visant à développer des connaissances autour du genre à l’étude (la lettre d’opinion).

Cette étude a permis de catégoriser des manifestations du rapport à l’écrit du jeune scripteur. Elles se déclinent en quatre grandes catégories : la dynamique heuristique de l’écrit et sa valence épistémique, l’intériorisation du plurisystème langagier, l’engagement du scripteur et, finalement, la dialectique de la critique.

La dynamique heuristique de l’écrit et sa valence épistémique

Cette catégorie concerne la dynamique de l’écrit pour apprendre (Blaser, 2007), pour comprendre le monde et se comprendre soi-même. Les manifestations s’inscrivant dans cette catégorie permettent d’observer l’élève qui interroge le monde et qui construit sa pensée à l’aide de l’écrit. En fait, ces manifestations montrent le recours à l’écrit pour répondre à des questionnements précédant la mise en mots et dont le texte rend compte ou pour servir la construction de la pensée en cours du processus d’écriture, et ce, directement en lien avec les expériences et le vécu de l’apprenant.

L’intériorisation du plurisystème langagier

Dans cette deuxième catégorie, le langage est conceptualisé à l’aide de trois composantes : l’usage, le contenu et la forme, proposition inspirée de Bloom et de Lahey (1978). En fait, le langage est ici conçu comme un message (relatif au contenu) se matérialisant dans une forme linguistique précise et qui est transmis avec un objectif communicationnel pragmatique (ce qui renvoie à l’usage). L’élève manifeste son intériorisation du plurisystème langagier lorsqu’il se questionne et discute de l’une ou l’autre de ces composantes qui sont en constante interaction.

L’engagement du scripteur

Dans cette catégorie, le scripteur manifeste son engagement en partageant volontairement ses découvertes et ses écrits ou en participant aux discussions. Sachant que les apprenants peuvent vivre une certaine insécurité quant au partage de leurs écrits (Dabène, 1991), l’aspect volontaire est essentiel lorsque l’on considère le courage nécessaire pour se révéler aux autres. Certains élèves vont aussi manifester leur plaisir et leur motivation publiquement de manière verbale ou non verbale. Ces manifestations s’interprètent par une lecture en positif de la situation : nous ne pouvons pas inférer que les élèves qui ne s’exclament pas ne sont pas engagés, mais nous pensons que ceux qui le font le sont!

La dialectique de la critique

Cette dernière catégorie concerne la distance que le scripteur doit prendre par rapport à son texte afin de s’assurer de rendre sa pensée claire. Cela implique évidemment de reconnaître l’existence d’un lecteur et de ses représentations, d’admettre la présence d’interprétations différentes de la sienne et de les considérer. La pluralité d’interprétations propre au discours engendre parfois des malentendus que les enfants apprennent très tôt à gérer à l’oral (Berthoud-Papandropoulou et Kilcher-Hagedorn, 2010), mais qui peuvent nécessiter des explications lors du passage à l’écrit.

Pour conclure, le dispositif d’enseignement joue un grand rôle quant aux manifestations du rapport à l’écrit des élèves puisque c’est par le partage des propos écrits et des négociations de sens que ce rapport devient visible. En effet, nous pensons que l’enseignement de l’écrit doit prendre en compte la nature sociale et interactive de celui-ci.

Références

Barré-De Miniac, C. (1997). Apprentissage et usages de l’écriture : représentations d’enfants et de parents d’élèves. Repères, 15(1), 41-57. https://doi.org/10.3406/reper.1997.2210

Berthoud-Papandropoulou, l. et Kilcher-Hagedorn, H. (2010). Conversation et littératie. Dans H. Makdissi et P. Sirois (dir.), La littératie au préscolaire : une fenêtre ouverte vers la scolarisation (p. 75-104). Presses de l’Université du Québec.

Blaser, C. (2007). Fonction épistémique de l’écrit : pratiques et conceptions d’enseignants de sciences et d’histoire du secondaire [Thèse de doctorat, Université Laval]. Corpus. http://hdl.handle.net/20.500.11794/19039

Bloom, L. et Lahey, M. (1978). Language development and language disorders. Wiley.

Chartrand, S.-G. et Blaser, C. (2008). Du rapport à l’écriture au concept didactique de capacités langagières : apports et limites de la notion de rapport à l’écrit. Dans S.-G. Chartrand et C. Blaser (dir.), Le rapport à l’écrit : un outil pour enseigner de l’école à l’université (p.107-129). Presses universitaires de Namur.

Chartrand, S.-G. et Prince, M. (2009). La dimension affective du rapport à l’écrit d’élèves québécois. Canadian journal of Education, 32(2).

Dabène, M. (1991). Un modèle didactique de la compétence scripturale. Repères, (4), 9-22. https://doi.org/10.3406/reper.1991.2030

Mercier, J. et Dezutter, O. (2012). La notion de rapport à l’écrit. Québec français, 167, 73-74.

Pomerleau, Clarence (2021). Les manifestations du rapport à l’écrit [Mémoire de maîtrise, Université Laval]. Corpus. http://hdl.handle.net/20.500.11794/70312