Les garçons ont besoin que ça bouge en classe
Texte adapté et traduit de l’anglais de Boys ‘need to move in lessons’, publié sur le site de la BBC le 19 janvier 2010.
D’après une étude américaine, les enseignants devraient laisser les garçons se promener dans la classe pendant les cours pour faciliter leurs apprentissages.
Cette étude de l’Université de Virginie rapporte que les garçons apprennent mieux quand le niveau d’activité en classe est élevé et que les concepts présentés sont illustrés visuellement. Parmi ses conclusions, l’étude montre aussi que les garçons adoptent une attitude positive face à la compétition, ce que les écoles gagneraient à favoriser. De plus, la recherche a examiné le rôle institutionnel d’écoles non mixtes et a constaté que ces établissements maximisaient les capacités des élèves.
L’auteur du rapport, la chercheuse Abigail Norfleet James, a présenté ces conclusions lors de la conférence de l’International Boys’ Schools Coalition (IBSC) qui a eu lieu à Londres le 19 janvier dernier.
Lors de cette conférence, Mme James a expliqué que les garçons ont des compétences différentes de celles des filles. En général, les garçons ont moins d’habiletés verbales, ont une moins bonne acuité auditive, une perception auditive ralentie et sont moins susceptibles d’être en mesure de contrôler leurs impulsions.
La chercheuse soutient que les enseignants devraient se déplacer dans la classe pour maintenir l’intérêt des garçons. « Il faut leur donner quelque chose à regarder. Si vous ne bougez pas pendant quelques minutes, leur regard se dirigera sur quelque chose qui bouge. Ils ne vous regarderont pas si vous êtes juste assis là. »
Des classes non mixtes pour les garçons
La recherche a également mis en évidence les avantages des groupes formés uniquement de garçons. Le rapport mentionne d’ailleurs qu’« un des avantages des classes non mixtes est que l’enseignement se conforme à la manière dont les garçons apprennent ».
« Dans les classes mixtes, les mauvais résultats des garçons sont considérés comme un problème propres aux garçons ; dans les classes de garçons, les mauvaises performances sont considérées comme un défi pour l’enseignant qui doit améliorer son approche pédagogique. » De plus, la chercheuse rapporte que « les interventions visant à répondre aux garçons dans les classes mixtes peuvent avoir pour conséquence indésirable d’être perçues comme des corrections ».
Parmi les conclusions de l’étude, on apprend que les garçons fonctionnent mieux dans les groupes qu’en dyades. « Les garçons de 10 ans qui ont participé à l’étude ont accompli significativement plus de travail quand ils ont travaillé en groupe que lorsqu’ils ont travaillé en dyade avec un autre enfant », soutient Mme James. Les garçons se représentent comme étant un membre du groupe, et non comme un individu dans le groupe. »
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Contribuez à l’appréciation collective
Votre critique, M. Tondreau, arrive fort à propos. De fait, le RIRE encourage les commentaires de cette nature. Non pas que nous espérons toujours avoir des interventions de cette qualité, mais vous donnez le ton, en guise de tout premier commentaire, aux discussions nécessaires à la vitalité d’un réseau. Nous n’en espérions pas tant.
Vous avez raison de souligner les aspects douteux de cette nouvelle. La position de neutralité que le RIRE préconise à l’endroit de la recherche scientifique ne nous désengage pas du savoir existant. Pour plusieurs des raisons que vous invoquez, nous avons hésité avant de publier cette nouvelle de la recherche.
Quoique le RIRE tâche de rester vigilant quant à la qualité de la recherche, il doit par ailleurs demeurer ouvert aux nouvelles découvertes qui pourraient en émaner. À titre d’organisme de liaison et de transfert en innovation sociale (OLTIS), le Centre de transfert de la réussite éducative (CTREQ), duquel relève le RIRE, a aussi comme objectif de susciter la discussion au regard des résultats de recherche. Cela ne signifie pas pour autant que toute recherche mérite publication.
Dans le cas présent, nous n’avions que très peu d’information pour juger de la qualité de la recherche. La première partie de l’article de la BBC, notamment en ce qui en ce qui concerne la possibilité de bouger et l’importance de la visualisation, a attiré notre attention et nous semblait suffisamment intéressant pour en informer les lecteurs.
Toutefois, le recours à des résultats tels que ceux-là pour prôner la séparation des garçons et des filles est d’une logique effectivement douteuse à la lumière de ce que la recherche dit sur le sujet.
Nous appuyons votre objection quant à la position réductionniste d’analyser la question de la non-mixité sous le seul angle de la performance scolaire. La socialisation demeure un enjeu d’une plus grande finalité.
Au-delà du sujet de cet article, vous nous rappelez à notre devoir de commenter l’information lorsqu’elle contrevient à la science généralement acceptée. J’entends bien soulever la question au comité qui coordonne le RIRE.
Avec gratitude,
François Guité, pour le RIRE
J’apprécie le travail de veille effectué par l’équipe de RIRE. Cependant, il me semble important que cette veille fasse l’objet d’un certain regard critique. L’étude que vous citez ici me semble le produit d’un groupe de pression qui cherche à mettre en place des écoles pour garçons avec un programme « adapté » aux garçons. Ces gens considèrent généralement que garçons et filles n’apprennent pas de la même façon, que l’école n’est pas adaptée aux besoins des garçons et qu’il y a trop de femmes qui enseignent dans les écoles, ce qui nuirait au développement identitaire des garçons et bien d’autres choses encore. Ces groupes se servent souvent de la question du plus fort taux de décrochage des garçons pour développer leurs thèses.
Je rappelle que la question du décrochage scolaire des garçons se pose de manière aigüe au Québec alors qu’un garçon sur trois quitte l’école sans un premier diplôme. Et la solution des classes non mixtes refait surface régulièrement sur la place publique. Deux arguments sont généralement avancés pour soutenir cette idée : c’est une solution efficace pour contrer le décrochage scolaire des garçons, et les filles gagneraient également à être regroupées puisqu’elles ne seraient plus dérangées par les garçons. L’échec des expériences de classes non mixtes au Québec ne permet pas de conclure en ce sens.
C’est sans compter les préjugés qui entourent cette question. On peut penser à l’affirmation qui veut que le système scolaire soit trop féminisé, entraînant un manque de modèles masculins pour les garçons et une dévalorisation des valeurs masculines. Toutefois, les solutions présentées dévalorisent bien souvent ces valeurs masculines et renforcent les stéréotypes masculins. Pensons aux initiatives du type « Gars Show », cet événement que certains ont qualifié de « festival de la testostérone », et qui a consisté en une journée d’activités scolaires strictement réservée aux gars d’une école alors qu’ils ont pu s’amuser avec un hélicoptère, des fusils d’assaut, une pelle mécanique, un bateau de la Sûreté du Québec, des voitures de course et ainsi de suite.
Une meilleure réussite des garçons est une préoccupation d’un bon nombre d’écoles au Québec. Toutefois, les mesures souvent mises de l’avant ne vont malheureusement pas dans la bonne direction. Par exemple, certains considèrent qu’il faut développer deux pédagogies distinctes : une pour les garçons, l’autre pour les filles. Pourtant, le recours à des pédagogies différenciées ne fait généralement que renforcer les stéréotypes sexuels alors que sont offerts plus de sport et d’ordinateur pour les garçons, plus de littérature et d’écriture pour les filles. En somme, c’est comme si le remède tuait le malade.
Pourtant, les recherches l’ont démontré et le démontrent encore, celles et ceux qui réussissent à l’école sont généralement les mêmes qui ont su se distancer des stéréotypes sexuels. La non-mixité ne favorise pas une amélioration des apprentissages scolaires des garçons ni leur réussite. Dans les classes non mixtes, il y a un risque de diminution des attentes à l’égard des garçons et d’un encadrement plus autoritaire des problèmes de discipline. C’est sans compter l’expression de comportements homophobes envers les garçons qui répondent moins aux modèles masculins dans ce type de classes.
Il y a d’autres solutions possibles. Il est nécessaire de mettre en place, à court terme, des mesures visant une amélioration de l’apprentissage de la langue (lecture, écriture, compréhension de texte) chez les garçons : ces mesures ont des effets directs et rapides sur la progression de leurs résultats scolaires. À plus long terme, il faut transformer les stéréotypes sexuels qui conduisent à éloigner les garçons de l’école. Cela concerne bien entendu l’école, mais ce sont toutes les institutions sociales qui devraient être mises à contribution, comme ce fut le cas dans la lutte aux stéréotypes sexuels et sexistes dans les années 1970. Et ces deux solutions ont l’avantage d’aider à la fois les garçons et les filles en difficulté scolaire.
Cordiales salutations.
Jacques Tondreau, sociologue