Les jeunes qui n’atteignent pas leur niveau de scolarité souhaité ne souffrent pas plus de dépression à l’âge adulte
Texte traduit et adapté de Failed college dreams don’t spell depression, study finds, publié sur le site de l’Université d’État de Floride le 19 mars 2010.
John R. Reynolds professeur de sociologie à l’Université d’État de Floride vient d’achever une étude qui visait à déterminer si les buts scolaires inaccomplis chez les jeunes sont liés à la dépression à l’âge adulte. Cette étude, qui est la plus importante étude menée sur le sujet, a été publiée dans le numéro de février 2010 de l’American Sociological Review.
Reynolds et Chardie L. Baird, coauteur et professeure de sociologie à l’Université du Kansas, ont trouvé qu’il n’y a pas de coût émotionnel à long terme à avoir mis de côté ses aspirations scolaires, en dépit de plusieurs théories sociopsychologiques qui semblent montrer le contraire. La conclusion des chercheurs: la société ne devrait pas décourager les élèves qui rêvent de décrocher un diplôme postsecondaire, même si leur avenir scolaire semble peu prometteur. À ce sujet, Reynolds affirme :
« Nous ne devrions pas dissuader ces jeunes d’aller à l’université. En fait, ce qui peut avoir des effets négatifs sur la santé mentale d’une personne, c’est qu’elle n’essaie pas d’atteindre ses buts. Le fait de viser haut et d’échouer n’a pas de conséquences sur la santé mentale d’une personne parce qu’essayer peut engendrer des résultats significatifs et des bénéfices mentaux et matériels qui vont de pair avec ses réalisations. »
« Mes recherches antérieures ont montré que les adolescents sont de plus en plus irréalistes quant à ce qu’ils seront capables de réaliser, soutient Reynolds. Je voulais voir si cette tendance avait des effets négatifs. Beaucoup de théories prédisent que les objectifs non atteints engendrent de la frustration et de l’anxiété. Nous avons été très surpris de découvrir que l’excès d’ambition n’est pas un problème inquiétant, du moins, pas sur le plan de la santé mentale. »
Des attentes qui dépassent les réalisations
Dans une étude réalisée en 2006, Reynolds et ses collègues ont constaté que l’écart a doublé entre le pourcentage de jeunes du secondaire qui comptaient obtenir un baccalauréat et le pourcentage de bacheliers diplômés entre 1976 et 2000. En d’autres termes, les attentes des élèves du secondaire ont dépassé les accomplissements réels des jeunes adultes, phénomène que les chercheurs ont appelé « l’inflation de l’ambition ».
Reynolds et Baird ont utilisé deux études nationales sur la jeunesse, l’Enquête nationale longitudinale et l’Étude longitudinale de la santé chez les adolescents, afin de vérifier si les attentes irréalisées des participants à ces études sont associées à la dépression à l’âge adulte. En utilisant les données provenant de plus de 4 300 participants, les chercheurs ont comparé le nombre de symptômes de dépression chez ceux qui ont atteint leurs objectifs scolaires avec ceux qui ne les ont pas atteints. Résultat : les chercheurs ont finalement trouvé peu de différences entre ces deux groupes.
Selon Reynolds, les participants qui ont un faible niveau de scolarité sont effectivement plus susceptibles de souffrir de dépression. Cette dépression est toutefois associée à un plus faible niveau d’accomplissement et non pas à l’écart entre les aspirations scolaires et le diplôme obtenu. Des recherches antérieures ont d’ailleurs établi que plus une personne est instruite, meilleure est sa santé mentale et physique.
La résilience adaptative
Les chercheurs pensent que beaucoup de jeunes adultes qui n’ont pas atteint leurs objectifs scolaires développent une sorte de « résilience adaptative » qui les protège d’une dépression qui pourrait résulter d’un sentiment d’échec. Le phénomène croissant de retour aux études des adultes et des personnes âgées explique aussi peut-être pourquoi certains jeunes croient qu’il n’est pas nécessaire d’accomplir leurs objectifs scolaires dans la vingtaine.
« Il est possible que les jeunes adultes puissent s’adapter à l’échec en se concentrant sur les aspects positifs de leur transition vers l’âge adulte, au lieu de s’attarder à leurs buts qui sont tombés à l’eau ou qui ont été suspendus pour une période indéterminée, explique Reynolds. Les jeunes adultes peuvent aussi envisager ces ambitions scolaires comme des projets à réaliser dans le futur parce qu’ils ont la vie devant eux. »
John R. Reynold, Chardie L. Baird (2010). Is There a Downside to Shooting for the Stars? Unrealized Educational Expectations and Symptoms of Depression. American Sociological Review, vol. 75, no 1, p. 151-172 (résumé en ligne).
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