Une recherche-action au profit de l’enseignement des stratégies de lecture aux 2e et 3e cycles du primaire
En collaboration avec des enseignantes de la Commission scolaire du Pays-des-Bleuets, au Lac-St-Jean, Pascale Thériault, professeure agrégée à l’Université du Québec à Chicoutimi, a mené une recherche-action sur l’enseignement des stratégies de lecture aux 2e et de 3e cycle du primaire. L’intérêt du projet porte autant sur l’idée du modèle de lecteur à offrir aux élèves pour devenir des lecteurs plus compétents que sur l’originalité de la démarche de recherche.
Le RIRE vous propose un « Quoi de Neuf » particulier pour le mois de février. Il s’inscrit dans notre partenariat avec le CRRE. Au cours des prochains mois, le RIRE continuera la publication d’articles sur des recherches du CREE nées de la synergie de professionnels du milieu scolaire et de chercheurs.
Nous tenons à remercier les personnes suivantes pour leur précieuse contribution à cet article : Véronique d’Amours, Lise Santerre et Pascale Thériault.
[L’article est aussi disponible en PDF]
Modéliser ou « montrer » à lire
Pour construire le sens d’un texte, le lecteur compétent est actif tout au long de la lecture en ayant recours à un ensemble de stratégies, et ce, sans qu’il en soit pleinement conscient. Ce lecteur déploie des stratégies, avant, pendant et après la lecture. Par exemple, il fait appel à ses connaissances antérieures, lit le titre et les sous-titres, observe les illustrations, survole le texte, souligne les mots importants, anticipe le contenu du texte, fait des retours en arrière, etc. Les stratégies sont nombreuses et leur utilisation dépend du type de texte à lire.
Selon cette recherche-action, l’enseignement explicite des stratégies aux élèves, dans l’espoir qu’ils les mettent à profit, les aide à mieux lire, à mieux comprendre les textes, à mieux apprécier ce qu’ils lisent et à mieux choisir leurs lectures. Ainsi, la modélisation et l’utilisation des stratégies dans des situations réelles de lecture devraient contribuer à rendre les élèves plus stratégiques.
« Pour une enseignante, modéliser consiste à montrer aux élèves comment faire, en décrivant très concrètement ce qui se passe dans leur tête lorsqu’ils cherchent à comprendre un texte. En verbalisant ces opérations, elle les aide à en prendre conscience. Afin de faciliter l’accès des élèves à tout l’éventail des stratégies possibles et à celles qui leur conviennent le mieux en situation de lecture, l’enseignante s’offre elle-même comme un modèle de lectrice qui réfléchit à voix haute à ce qu’elle est en train de faire », explique Pascale Thériault.
Parce qu’elles n’ont pas nécessairement conscience de tout ce qui se passe lorsqu’elles lisent, les enseignantes ne semblent pas toujours à l’aise avec une telle démarche d’enseignement. Désireuses de réfléchir à leurs pratiques d’enseignement de la lecture, des enseignantes des 2e et 3e cycles du primaire ont été accompagnées par une chercheuse et deux conseillères pédagogiques dans le cadre d’une recherche-action.
Partir des besoins du milieu et conjuguer les savoirs
Pour Pascale Thériault, il est primordial de placer les enseignantes au cœur d’un projet de recherche. C’est pourquoi elle précise qu’elle n’est pas là pour dire aux enseignantes ce qu’elles ont à faire, mais bien pour les accompagner, en compagnie des conseillères pédagogiques, dans un processus de changement. D’où l’intérêt d’une démarche de recherche mettant à profit l’expertise de chacune. « Ce n’est pas mon projet de recherche, dit-elle en s’adressant aux enseignantes, c’est le nôtre. »
Lyse Dufour, conseillère pédagogique à la commission scolaire du Pays-des-Bleuets, souscrit à cette approche. À son avis, il importe de coller aux réalités du milieu et de partir des besoins des enseignantes. C’est une condition gagnante pour la suite d’un projet de recherche, car cela facilite l’adhésion des membres de l’équipe et augmente ensuite les chances d’obtenir des résultats positifs. En même temps, la proximité du chercheur est essentielle. Il faut qu’il comprenne la réalité du milieu avec lequel il veut travailler et qu’il soit accessible. « Les gens se sont rapidement sentis en confiance avec Pascale », souligne madame Dufour.
Chercheuse et praticiennes ont d’abord examiné ce qui se fait en classe pour enseigner les stratégies de lecture. Elles ont ensuite pris connaissance des travaux de recherche menés sur cette question jusqu’à présent et elles ont mis le tout en commun dans le but d’aller plus loin dans la réflexion. C’est ainsi que l’équipe de recherche a réussi à créer une dynamique fondée sur le mariage des savoirs d’expérience des praticiennes en exercice engagées dans la démarche et des connaissances scientifiques.
Il importe que les praticiens vivent positivement des expériences de recherche collaborative et s’en fassent ensuite les promoteurs dans leur milieu pour montrer que c’est possible et fructueux.
Une contribution au développement professionnel et à la recherche
« À l’origine, les enseignantes ont souvent manifesté le souhait d’en connaître un peu plus sur les stratégies de lecture afin d’améliorer leurs pratiques pédagogiques. C’est à partir de leur demande que l’initiative a pris naissance », note madame Dufour. Ce projet a été soutenu par un partenariat financier entre le Consortium régional de recherche en éducation (CRRE) et la commission scolaire du Pays-des-Bleuets.
« Lorsque j’ai vu l’offre où il y avait une conseillère pédagogique et une chercheure de notre milieu, je me suis sentie rassurée. Je savais que ces personnes seraient à l’écoute, qu’elles savent ce qu’on vit dans nos écoles et que le projet serait tout à fait en phase avec notre vécu », témoigne Martine Larouche, une enseignante participant au projet.
Dans le cadre de ce projet, trois journées de développement professionnel ont été l’occasion de mettre en relation les pratiques de douze enseignantes et d’un enseignant et les plus récents résultats de recherche dans le domaine de l’enseignement de la lecture. Le but de ces journées était de réfléchir ensemble à la manière d’enseigner les stratégies de lecture aux élèves de 2e et 3e cycles du primaire en partant de 3 questions : Quelles sont ces stratégies? Comment les enseigne-t-on aux élèves? Et avec quel matériel? Au terme des journées, chaque enseignante devait identifier un défi professionnel, lié à l’enseignement des stratégies de lecture, qu’elle souhaitait relever dans sa classe avant la prochaine rencontre. Sur le plan de la recherche et de l’avancement des connaissances, le projet voulait mettre en lumière ce qu’implique un changement de pratiques au niveau pédagogique.
Chacune des trois journées de développement professionnel a donné lieu à un échange permettant aux enseignantes de travailler de concert afin d’améliorer leurs pratiques d’enseignement. « Comme cet aspect du travail collaboratif avec des praticiennes reste encore très peu documenté sur le plan scientifique, c’est à ce chapitre que se situe notre contribution comme équipe de recherche », ajoute Pascale Thériault.
Lors de la première journée, un questionnaire ouvert a été administré aux enseignantes pour connaître les stratégies enseignées à leurs élèves et leur manière de s’y prendre. Sur la base des réponses obtenues, Pascale Thériault et Lyse Dufour ont dressé un portrait de la situation. Ce portrait a servi de point d’ancrage à l’ensemble de la démarche de recherche.
Un des constats auxquels nous sommes arrivées, déclare madame Thériault, est que les enseignantes accordent une grande place aux stratégies qui permettent de planifier leur lecture et moins à celles qu’on peut mobiliser en cours de route. Par ailleurs, après la lecture, les enseignantes mettent aussi un accent sur les stratégies reliées aux tâches de compréhension du texte.
Les enseignantes et la chercheuse s’entendent pour dire que chaque journée de travail a donné lieu à des échanges très fructueux. Essais probants, tentatives avortées, difficultés, trucs et bons coups ont été partagés sans retenue ni appréhension. Grâce aux discussions en groupe, les enseignantes ont eu l’occasion de prendre connaissance des diverses stratégies mises à l’épreuve par les autres participantes dans le cadre de leur défi individuel. Ainsi, chacune a-t-elle profité de l’expertise développée par les autres ainsi que de résultats de recherche probants, tout en contribuant à documenter la transformation des pratiques d’accompagnement des stratégies de lecture chez les élèves. Une expérience enrichissante pour toutes : enseignantes, conseillères pédagogiques et chercheuse.
Lorsqu’on revient en classe et qu’on rencontre un problème évoqué en groupe par une autre enseignante, fait remarquer madame Larouche, on est tenté de mettre à l’essai la solution que cette personne dit avoir appliquée avec succès. Cela est d’autant vrai lorsqu’elle est confirmée par la recherche. C’est une façon de diversifier la gamme des moyens dont les enseignantes disposent pour intervenir en classe de façon plus efficace et améliorer ainsi les pratiques des élèves. Et il semble bien que la démarche porte fruit.
En effet, lorsqu’on demande aux enseignantes si elles ont observé des changements dans le comportement de leurs élèves après avoir modélisé auprès d’eux les stratégies de lecture, elles répondent qu’ils paraissent davantage conscients de l’efficacité de ces stratégies. Les jeunes se mettent plus rapidement à la tâche, savent mieux s’organiser et parlent davantage entre eux des stratégies de lecture qu’ils utilisent. Nous avons tendance à expliciter ce que nous faisons et plus naturellement, signale Martine Larouche.
Dans la foulée, une seconde démarche de recherche sur l’écriture
Devant le succès du projet de recherche sur l’enseignement des stratégies de lecture, une seconde démarche de recherche collaborative a été amorcée à l’automne 2012, à la demande des mêmes enseignantes. Le nouveau projet porte sur l’enseignement des stratégies d’écriture. Cette fois, des données seront recueillies auprès des élèves pour mieux saisir les incidences sur leurs pratiques d’écriture. Comme les apprentissages en matière de lecture sont réinvestis en écriture, les progrès des élèves devraient être appréciables.
C’est de bon augure pour le deuxième volet, puisqu’à la suite de deux communications au congrès de l’Acfas (Association canadienne française pour l’avancement de la science) et d’un article dans la revue Québec Français, l’initiative s’est également vue décerner en 2011 le prix du Consortium régional de recherche en éducation lors du Mérite scientifique régional organisé par le Conseil du loisir scientifique du Saguenay – Lac-Saint-Jean. C’est à suivre de près.
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Bonsoir,
Je viens de découvrir votre le lien puisque je suis formateur d’enseignants en didactique du fle.
Je fais de la Recherche-action une motivation qui me tente et m interpelle en profondeur.