Aller à l’université… ou pas?
Pourquoi à la fin des études secondaires certains aspirent à devenir astronautes et d’autres mécaniciens? Pourquoi des jeunes qui passent à travers un même système d’éducation arrivent à élaborer des aspirations qui demandent un doctorat et d’autres aspirent plutôt à une formation professionnelle? Comment expliquer ces différences d’aspirations et par le fait même l’intention de poursuivre des études?
Cet article rédigé par Maxime Marcoux-Moisan, Ph.D. Sociologie et professeur de sociologie au collégial, résume son projet de recherche financé par le FRQSC.
Aller à l’université… ou pas? Qu’est-ce qui influence les aspirations scolaires? Qu’est-ce qui fait qu’elles soient perçues réalistes?
Élaborer une aspiration selon les ressources transmises par les parents et selon les expériences vécues durant le parcours scolaire
C’est en étudiant l’élaboration et la variation des aspirations scolaires réalistes chez les finissants du secondaire qu’il a été possible de comprendre qu’il y a quelques facteurs qui encadrent de façon importante le désir (aspiration scolaire réaliste) de poursuivre les études jusqu’au niveau universitaire.
L’étude réalisée suggère que le choix du niveau d’aspiration est grandement influencé par l’héritage socioéconomique des parents (Habitus – P. Bourdieu) ; jumelé à un calcul rationnel basé sur les expériences scolaires vécues durant leurs parcours scolaires (individualisme méthodologique – R. Boudon). Pas l’un ou l’autre, comme le veut le débat sociologique entre Pierre Bourdieu et Raymond Boudon, mais bien les deux.
Quand tu veux, tu peux… est-ce aussi simple?
Il semble que pouvoir concrétiser une aspiration serait influencé, non pas par la volonté de l’élève, mais plutôt par l’héritage socioéconomique qui provient de ses parents. Les résultats tendent à suggérer que l’élève s’appuie dès le départ sur cet héritage (Habitus), c’est-à-dire que le niveau d’aspiration élaboré, qui se veut réaliste et donc perçu comme étant réalisable, serait structuré par le niveau d’études des parents, leur rapport à l’éducation, leurs capacités à aider et motiver leurs enfants durant leurs études (capital culturel), la classe sociale de ceux-ci (capital économique), et leurs réseaux sociaux (capital social). Ce sont des ressources dont bénéficie (ou pas) l’élève qui les structure à se percevoir capables de répondre aux exigences du système d’éducation. Cette influence parentale laisserait donc des marques indélébiles sur la propre perception des capacités de l’élève à pourvoir réussir (ou pas) des études universitaires.
Ainsi, aspirer à devenir astronaute signifie que l’élève sent qu’il n’aura pas de contrainte financière pour mener à terme toutes les études exigées. Le finissant a aussi été influencé à croire qu’il peut réussir ce type d’études et que c’est un excellent choix pour lui. Par ailleurs, l’élève côtoierait des gens qui oeuvrent de près ou de loin dans des domaines connexes au métier d’astronaute.
Vouloir, mais à quel coût?
Vouloir, mais à quel coût ? Voilà la question que peuvent se poser les élèves lorsque vient le temps d’élaborer une aspiration. Les données obtenues laissent présager que les choix du niveau d’études sont aussi le résultat d’une analyse coûts-bénéfices. Bien sûr les coûts financiers font partie de ce calcul, mais ce sont surtout les expériences scolaires qui s’interposent dans ce calcul (moyennes générales, redoublement, décrochage). De là, si les bénéfices de la poursuite des études sont jugés plus élevés que les coûts, l’élève s’inscrira fort probablement dans un établissement universitaire pour y entreprendre la formation qu’il se juge apte à réussir. Si l’évaluation est contraire, le risque de quitter le système scolaire est plus probable.
En grande partie, l’élève évaluera ses compétences à mener à terme l’aspiration en se basant sur la moyenne générale obtenue tout au long de ses études. Plus sa moyenne est forte, plus les probabilités augmentent qu’il aspire à aller à l’université, et pourquoi pas de devenir astronaute, car les résultats antérieurs lui laisseront croire qu’il est apte à réussir de telles études.
Un choix rationnel, mais structuré par l’héritage socioéconomique
Ainsi, les analyses obtenues suggèrent que le niveau d’aspiration élaboré serait perçu réaliste, donc réalisable selon une perception individuelle qui s’inspire d’un héritage socioéconomique et qui se valide à la suite d’un calcul rationnel. De là prendrait forme un schème de perception qui hiérarchise les possibilités et qui structure la perception de pouvoir réussir à maximiser les ressources dont il dispose pour répondre aux exigences académiques.
En ce sens, un enfant de parents détenant des études universitaires (2e ou 3e cycle), ayant un revenu familial de plus de 100 000$ par an et ayant obtenu d’excellents résultats scolaires (+ de 80%) aurait jusqu’à quatre fois plus de chance d’aspirer à aller à l’université que de ne pas vouloir y aller. Voilà donc, ce qui peut expliquer pourquoi un l’élève aspire devenir astronaute et donc de poursuivre ses études.
Pour consulter la thèse de doctorat
Par Maxime Marcoux-Moisan Ph.D. Sociologie et professeur de sociologie au collégial
Image: FRQSC
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