Parcours d’apprentissage et bien-être à l’école en contexte de COVID-19
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Lors du colloque Bilan d’une rentrée scolaire en contexte de pandémie, Anne Lessard, professeure à l’Université de Sherbrooke, et son équipe de recherche présentaient les résultats préliminaires sur le bien-être des élèves en contexte de COVID-19. En s’intéressant aux interactions en classe et à l’engagement des élèves en classe, l’équipe de recherche a observé des changements importants dans la perception qu’avait le personnel enseignant du bien-être des élèves à l’école lors de la reprise des classes en mai 2020 et lors de la rentrée à l’automne 2020. Découvrez quels changements dans cet article.
Le colloque Bilan d’une rentrée scolaire en contexte de pandémie a été tenu le 24 novembre 2020 et organisé par la Fondation Jasmin Roy Sophie Desmarais, en collaboration avec le Comité québécois pour les jeunes en difficulté de comportement (CQJDC), sous l’égide de la Commission canadienne de l’UNESCO
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Une recherche axée sur les perceptions des enseignants, des parents et des élèves
L’équipe de recherche a envoyé un sondage à des élèves, à des parents et à des membres du personnel enseignant pour récolter leurs impressions sur les changements apportés dans le milieu scolaire en raison du contexte de la COVID-19 et sur leurs conséquences. Les résultats de recherche tiennent compte de deux périodes : celle des mois de mai et juin 2020, correspondant à la reprise des classes après le premier confinement, et celle de la rentrée scolaire de l’automne 2020. Les chercheurs ont ainsi mesuré plusieurs indicateurs pour faire état du soutien émotionnel en classe, de l’organisation de la classe et du soutien pédagogique.
Résultats obtenus en mai-juin 2020
À l’aide de sondages, l’équipe de recherche a donc tenté de mesurer la perception des enseignants, des élèves et des parents relativement au bien-être à l’école, en en examinant plusieurs aspects.
Relation enseignants-élèves
Selon les enseignants, l’enthousiasme vis-à-vis de leur tâche a fortement diminué, tout comme l’enthousiasme qu’ils perçoivent de la part des élèves. Cela se fait particulièrement ressentir dans les cours en ligne, alors que seulement 30 % des enseignants notent que les élèves sont « souvent ou toujours » enthousiastes vis-à-vis de l’école.
Par contre, les élèves du primaire interrogés ont affirmé « se sentir aimés » par leur enseignant (plus de 89 %), tandis que ceux du secondaire se sont dits « soutenus » par leurs enseignants (90 %). Les parents, quant à eux, ont rapporté un certain sentiment de crainte ressenti par leurs enfants dans le fait d’aller à l’école, ce qui corrobore la perception des enseignants.
Efficacité de l’aide
Les enseignants se perçoivent comme moins efficaces dans l’aide qu’ils apportent aux élèves. À titre indicatif, seuls 2 % à 7 % se percevaient comme étant « moyennement efficaces » ou « peu ou pas efficaces » avant mars 2020, alors que ces chiffres atteignent 22 % (en classe) à 32 % (à distance) en mai-juin 2020. En outre, le nombre de parents qui considèrent que leurs enfants n’ont pas le soutien nécessaire dans l’apprentissage à distance a augmenté à 22 %.
Réceptivité aux besoins scolaires et socioaffectifs des élèves
Lorsque les enseignants ont été interrogés sur l’aide personnalisée concernant les besoins des élèves et la reconnaissance des émotions des élèves, ainsi que sur les facteurs externes qui y contribuent potentiellement, seuls 47 % et 54 % d’entre eux ont respectivement affirmé être « très » ou « totalement » en accord avec les énoncés proposés. Dans l’ensemble, les enseignants se sentaient donc moins réceptifs aux besoins socioaffectifs et scolaires des élèves.
Flexibilité, centration sur l’élève et expression de l’élève
Le fait d’enseigner à distance aurait un effet négatif sur la flexibilité de l’enseignement et sur la centration sur l’élève selon les enseignants. En effet plus de 39 % des enseignants à distance affirment ne pas réussir à intégrer les idées de leurs élèves dans leur enseignement, comparativement à 22 % des enseignants qui sont en présence.
Résultats obtenus à la rentrée scolaire 2020
Voici quelques faits saillants des résultats obtenus par l’équipe de recherche, après avoir réalisé des sondages, ainsi que des entrevues, une fois la rentrée 2020 effectuée, qui ont servi à contextualiser les réponses des participants.
Relation élèves-enseignants
Plusieurs difficultés liées à l’absence de proximité ont été notées par les enseignants :
- Sentiment de « rejeter » les élèves (par exemple, en leur demandant de respecter les consignes sanitaires et la distanciation physique de deux mètres);
- Difficulté à respecter la distanciation pour répondre aux besoins de réconfort des élèves;
- Différences dans les encouragements prodigués aux élèves;
- Besoin de proximité non comblé exprimé par beaucoup d’élèves;
- Absence de proximité qui nuit à la création du lien enseignant-élève (en enseignement en ligne : peu d’interactions ou interactions difficiles pour différentes raisons [ex. : caméras fermées, absence de questions]).
Démonstration d’affection et émotions
Il ressort des sondages que 72 % des enseignants démontreraient autant d’affection durant la pandémie qu’avant celle-ci, mais que cela prendrait d’autres formes. En effet, il faut dorénavant davantage verbaliser ses émotions, son affection (ex. : par un bonjour personnalisé, par des remerciements). Cela dit, 94 % des enseignants disent rire et sourire autant qu’avant, voire plus. Cependant, plusieurs barrières les limitent pour communiquer cette joie : l’écran crée une barrière (surtout si les caméras sont fermées), le masque cache les expressions faciales, le contexte de pandémie cause plus de stress de toutes sortes, etc.
Pour pallier l’absence ou l’insuffisance de suivi en classe, les enseignants, de façon générale, donnent plus de rétroactions dont la nature permet aux élèves de s’attribuer le succès lié à leurs progrès à l’école (en classe ou à distance) et d’encourager leur autonomie.
Interactions
Voici quelques observations faites par les enseignants à propos des interactions :
- Les élèves les plus sociables continuent d’avoir des interactions, même lors du passage à un enseignement en ligne, alors que les élèves les plus gênés vivent plus d’isolement social;
- Les interactions enseignants-élèves sont moins nombreuses au secondaire qu’au primaire, car les enseignants du secondaire doivent quitter la classe après avoir donné leur cours (les élèves n’ont alors plus l’occasion, par exemple, de poser des questions à leurs enseignants);
- Le manque d’interactions rend les élèves moins habiles dans leurs échanges, et il se vit plus de tensions entre les élèves.
En bref, la proximité, en ce qui concerne les interactions, représente, pour les enseignants, un outil important, qui leur permet de créer un lien significatif avec les élèves, et qui s’avère également utile pour différents aspects dans leur pratique (ex. : réconfort, gestion de classe, encouragements, motivation, maintien de l’attention, confessions, interventions discrètes). Donc, cela devient très difficile de ne pas pouvoir avoir plus d’interactions.
Bilan
Il ressort de l’ensemble de ces résultats que les enseignants appréhendent chaque journée d’enseignement en classe comme un privilège, car l’enseignement à distance comporte selon eux de nombreux désavantages. En effet, avec l’enseignement à distance, plusieurs enseignants perdent leur passion pour la profession et vivent également une période caractérisée par une perte de repères. Lessard soulignait d’ailleurs en conclusion qu’il est difficile de s’attendre à ce qu’un enseignant dont les besoins socioémotifs ne sont pas comblés soit en mesure de combler ceux de ses élèves. Il serait donc impératif d’arriver à cibler des objectifs précis concernant le maintien de l’ouverture des écoles, à tout prix. Il faudrait, selon Lessard, que les enseignants puissent adhérer à une solution idéale commune, au-delà du but qui consiste à simplement garder les élèves à l’école.
Vous avez manqué le colloque? Vous pouvez l’écouter en rattrapage en cliquant sur ce lien : https://fondationjasminroy.com/colloque/.
La Fondation Jasmin Roy Sophie Desmarais
Créée en 2010, la Fondation Jasmin Roy Sophie Desmarais est à la fois un organisme de bienfaisance et un organisme communautaire dont la mission consiste à créer des milieux positifs et bienveillants en cohérence avec les objectifs de développement durable (ODD ; en anglais : Sustainable Development Goals, ou SDG) fixés par l’Organisation des Nations Unies (ONU).
Le Comité québécois pour les jeunes en difficulté de comportement (CQJDC)
Fondé en 1994, le CQJDC est un organisme de bienfaisance et communautaire qui a pour mission de favoriser le bien-être des jeunes qui vivent des difficultés d’ordre social, émotif et comportemental, et de faire progresser la qualité des services éducatifs qui leur sont offerts.
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