Comment les jeunes de 12 à 25 ans ayant un trouble du spectre de l’autisme utilisent-ils la musique dans leur vie de tous les jours?
Temps approximatif de lecture : 3 minutes
Par : Julie Raymond, doctorante Université Laval
Avez-vous participé au spectacle amateur de votre école secondaire? Fait partie d’une chorale? Discuté de votre artiste préféré avec vos amis? Écouté une musique pour vous calmer avant un examen? En effet, la musique est bien présente au quotidien et occupe diverses fonctions : divertir, motiver, calmer, entre autres.
Un nombre important de recherches nous informe sur les fonctions de la musique dans la vie de tous les jours. Toutefois, peu d’entre elles ont étudié l’utilisation de la musique par les jeunes ayant un trouble du spectre de l’autisme (TSA). Pour en savoir plus, Melissa L. Kirby et Karen Burland, chercheuses de l’université de Leeds au Royaume-Uni, se sont entretenues avec 11 personnes atteintes d’un TSA, âgées de 12 à 25, ans afin de mieux comprendre leurs expériences musicales. Plus spécifiquement, elles voulaient connaître leur manière de s’engager dans des pratiques musicales et les fonctions qu’occupe la musique dans leur vie.
Quatre modalités d’engagement musical
L’analyse des entrevues révèle quatre modalités centrales dans l’engagement musical des participants :
- l’écoute musicale est rapportée par tous les participants; ils mentionnent écouter une variété de genres musicaux en plus de leur genre préféré;
- plusieurs s’adonnent à l’interprétation et à la création musicale en jouant d’un instrument ou en chantant, seuls ou en groupe;
- la pratique musicale s’accompagne souvent de formation musicale (cours de musique);
- l’engagement musical se fait conjointement avec les autres formes multimédiatiques comme le cinéma, la télévision, les jeux vidéo et les vidéoclips.
Quatre fonctions de la musique
Les chercheuses ont aussi relevé quatre fonctions exercées par la musique :
- cognitives,
- émotionnelles,
- sociales,
- identitaires.
Tout d’abord, les participants considèrent fréquemment la musique comme une activité secondaire qui en accompagne une autre, par exemple écouter de la musique durant l’étude ou pour se concentrer lors d’une période de travail. En ce sens, la musique accomplit une fonction cognitive lorsqu’elle est utilisée pour se distraire, bonifier une activité, se motiver ou suivre une routine.
En plus de sa fonction cognitive, les participants ont reconnu cinq fonctions émotionnelles :
- la gestion de l’humeur : maintenir une humeur joyeuse en écoutant de la musique joyeuse ou changer une humeur maussade par l’écoute d’une musique énergétique;
- la régulation émotionnelle : gérer le stress, l’anxiété, se calmer;
- le décodage des émotions : faire des liens entre le contenu émotionnel de la musique et ses propres expériences;
- l’expression des émotions : communiquer des émotions complexes par la création musicale;
- la nostalgie : se remémorer des évènements associés à une pièce ou à une expérience musicale.
Pour leur part, les fonctions sociales sont assumées par l’utilisation de la musique comme base de communication sociale. En effet, en partageant leurs préférences musicales, les participants connectent avec les autres, développent de nouvelles relations interpersonnelles ou renforcent celles déjà existantes.
Par ailleurs, le partage d’expériences musicales, comme assister à un concert avec leur classe, offre aussi l’occasion d’interagir socialement avec leurs pairs. De plus, faire de la musique de manière collaborative, participer à une chorale par exemple, est une activité qui leur permet d’apprendre ainsi que de travailler et de créer des liens au sein d’un groupe et même de développer leurs habiletés sociales.
Les pratiques musicales sont aussi impliquées dans les fonctions identitaires, plus spécifiquement la formation de l’identité, sa communication aux autres et le développement personnel. Ainsi, se considérer ou non comme un « musicien » semble être une partie importante de l’identité personnelle des jeunes atteints d’un TSA, et leurs expériences musicales peuvent avoir un impact sur la perception de leur identité future, le rêve d’une carrière musicale, par exemple.
Interpréter une chanson à l’école leur donne la chance de communiquer leurs préférences et leur personnalité tout en soulignant leur alignement aux préférences musicales des autres. Finalement, l’engagement musical permet non seulement l’acquisition d’habiletés musicales, mais aussi le développement du leadership, tout en encourageant un sentiment d’efficacité personnelle.
Soutenir et valoriser
Ainsi, les jeunes ayant un TSA ont des pratiques musicales semblables à celles des jeunes neurotypiques. En comprenant davantage comment ils utilisent la musique et l’ensemble de fonctions que celle-ci occupe, il s’avère plus facile de soutenir activement l’engagement musical de ces jeunes. Il est aussi nécessaire de valoriser leurs activités musicales, car la musique joue assurément un rôle important dans leur vie. À cet égard, par les cours de musique à l’école, les sorties au concert et les activités musicales parascolaires entre autres, l’école devient un lieu privilégié pour leur faire vivre des expériences musicales.
Ce texte est une vulgarisation de l’article suivant:
Kirby, M.L. et Burland, K. (2021). Exploring the functions of music in the lives of young people on the autism spectrum. Psychology of Music, 03057356211008968. https://doi.org/10.1177/03057356211008968
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