Enseignement de l’orthographe lexicale : une nouvelle approche

Lecture : 4 min.
Mis à jour le 07 Juin 2021

Temps approximatif de lecture : 3 minutes

Par : Audrey Leblanc. doctorante à l’UQAM

Ces dernières années, malgré l’implantation de mesures visant à soutenir la réussite scolaire des élèves québécois, une hausse des échecs à l’épreuve obligatoire d’écriture du deuxième cycle du primaire est notée, particulièrement pour les critères d’orthographe et de production écrite (ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur [MEES], 2012). Devant l’augmentation du nombre d’élèves éprouvant des difficultés orthographiques et compte tenu de l’importance de la maîtrise de l’orthographe dans le développement des compétences des différentes composantes rédactionnelles, Brigitte Stanké et ses collaborateurs ont développé un programme d’entraînement orthographique (PEO). Ce programme vise à améliorer les compétences orthographiques des élèves en contexte inclusif.

Cette recherche est financée par les Fonds de recherche du Québec ‒ Société et culture (FRQSC) dans le cadre d’une action concertée en littératie avec le ministère de l’Éducation du Québec.

Source de l’image : ShutterStock

Le programme d’entraînement orthographique

Le système orthographique en français est complexe en raison de l’inconsistance des correspondances entre les phonèmes (sons) et les graphèmes (lettres ou séquences de lettres). En effet, en français, un phonème (p. ex. : /ɛ̃/) peut être représenté par plusieurs graphèmes (p. ex. : in, ain, ein, etc.). Par conséquent, l’orthographe des mots comportant des phonèmes inconsistants est plus difficile à acquérir. La mémorisation de l’orthographe lexicale des mots inconsistants demeure l’avenue la plus souvent privilégiée dans les écoles.

Avec le PEO, Brigitte Stanké et ses collaborateurs proposent plutôt d’enseigner explicitement des régularités graphotactiques de notre système d’écriture, c’est-à-dire les graphèmes les plus fréquents pour représenter les phonèmes inconsistants (p. ex. : /ɛ̃/ : in ), et des régularités morphologiques, c’est-à-dire la production de séquences de lettres (préfixes et suffixes) et de lettres muettes porteuses de sens (p. ex. : « ette » à diminutif; dérivation lexicale : gris à grise) pour développer les compétences orthographiques et rédactionnelles des élèves. L’enseignement explicite de ces régularités orthographiques profiterait à tous les élèves, mais plus particulièrement aux faibles orthographieurs. De plus, l’acquisition des régularités orthographiques est moins coûteuse cognitivement, comparativement à celle de l’orthographe lexicale des mots inconsistants, car elle nécessite un nombre réduit de connaissances orthographiques à mémoriser pour orthographier correctement une plus grande quantité de mots.

La mise à l’essai du programme en troisième année

Le PEO a été validé auprès d’élèves de la troisième année du primaire dans une étude à méthodologie mixte. Ce programme, qui se déroule à raison de quatre séances par semaine, présente une paire de régularités par semaine (p. ex. : /ɛ̃/ : in et ain). Pour élaborer la liste de régularités graphotactiques et morphologiques, les chercheurs ont utilisé des mots tirés de l’Échelle québécoise d’acquisition de l’orthographe lexicale (Stanké et coll., 2019). Celle-ci est constituée d’un lexique scolaire provenant de divers champs disciplinaires, soit des mots auxquels les élèves sont le plus fréquemment exposés à l’école. Chaque journée d’entraînement a une structure similaire et utilise des stratégies qui favorisent la mémorisation à long terme des connaissances, soit un enseignement explicite des règles orthographiques, des activités ludiques permettant un rappel répété des règles et réduisant l’exposition à l’erreur. Des dictées sont prévues avant, à la quatrième journée d’entraînement et à la fin de tous les entraînements afin de mesurer la progression des élèves.

Structure des entraînements (Stanké et coll., 2020 : 4-7)

  • Présentation des régularités

  • Discussion sur la règle avec les élèves (vérifier la compréhension des élèves, ce qu’ils en retiennent, ce qu’ils observent, etc.)

  • Mémorisation de la ou des règles orthographiques

  • Exercices de rappel et de mémorisation des règles orthographiques (ex. Sudomots et mots cachés)

Y a-t-il des effets concluants en orthographe lexicale et en production textuelle?

Au terme de l’expérimentation, les chercheurs notent une amélioration significative des compétences orthographiques des bons et des faibles orthographieurs de la troisième année, ce qui montre l’effet positif du PEO. De plus, un mois et demi après chaque séance d’entraînement, les apprentissages se maintiennent. Les élèves sont également en mesure d’utiliser leurs nouvelles connaissances pour orthographier des mots n’ayant pas été enseignés pendant les séances. Cependant, les chercheurs mentionnent qu’il est nécessaire de considérer le rythme d’apprentissage des élèves et leur niveau quand vient le temps de choisir le nombre d’activités et les mots à travailler.

En dépit de l’amélioration des compétences orthographiques, le PEO ne conduit pas à une amélioration des compétences rédactionnelles. Les résultats de l’étude révèlent que les élèves éprouvent des difficultés dans toutes les composantes rédactionnelles comme l’orthographe grammaticale, la syntaxe et la ponctuation, l’utilisation des anaphores et des connecteurs, etc. Pour expliquer cette absence de progrès, les chercheurs proposent de regarder du côté des pratiques pédagogiques qui ne semblent pas être suffisantes actuellement pour favoriser l’acquisition des compétences rédactionnelles des élèves.

Conclusion

Le PEO constitue une solution intéressante pour de nombreux professionnels et enseignants qui désirent actualiser leurs pratiques pédagogiques afin de développer de meilleures compétences orthographiques ou pour remédier aux difficultés orthographiques des élèves québécois. Il permet également de répondre à la progression des apprentissages en français langue d’enseignement en ciblant plusieurs savoirs essentiels relativement au lexique et à l’orthographe d’usage.

Références

MELS (2012). Ministère de l’Éducation du Loisir et du Sport (2012). Évaluation du plan d’action pour l’amélioration du français. Québec : gouvernement du Québec.

Stanké, B., Moreau, A. C., Dumais, C., Royle, P. et Rezzonico, S. (2020). Nouvelle approche basée sur un enseignement orthographique favorisant l’apprentissage de la production écrite et de l’orthographe lexicale des élèves faibles orthographieurs de 3e année du primaire. Rapport de recherche. Repéré à  https://frq.gouv.qc.ca/histoire-et-rapport/nouvelle-approche-basee-sur-un-enseignement-orthographique-favorisant-lapprentissage-de-la-production-ecrite-et-de-lorthographe-lexicale-des-eleves-faibles-orthographieurs-de-3e-annee-du-primaire/

Stanké, B., Le Mené, M., Rezzonico, S., Moreau, A.C., Dumais, C., Robidoux, J., Dault, C. et Royle, P. (2019). ÉQOL : Une nouvelle base de données québécoise du lexique scolaire du primaire comportant une échelle d’acquisition de l’orthographe lexicale. CORPUS, 19, 1-17.

Pour aller plus loin…

Source de l’image : ShutterStock

Articles similaires

Wikipédia : le type de contribution comme gage de qualité

Le style de collaboration à la rédaction d’articles sur Wikipédia a un effet direct sur la qualité de ceux-ci.

Voir l’article

Wikipédia dans la classe

L’encyclopédie libre Wikipédia fait partie des outils pouvant avoir une visée pédagogique.

Voir l’article

Apprendre le sens des mots : un défi pour plusieurs enfants

Dans le cadre de l’expérimentation, les enfants avaient besoin de plusieurs séances d’enseignement pour apprendre le sens de la plupart des mots.

Voir l’article

Commentaires et évaluations

Contribuez à l’appréciation collective

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *