Les mots au service de l’apprentissage du goût et de saines habitudes alimentaires

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Mis à jour le 02 Juil 2019

Les données fournies par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) sont alarmantes : « Si la tendance actuelle se poursuit, le nombre de nourrissons et de jeunes enfants en surpoids atteindra 70 millions à l’horizon 2025[1]. » On sait que la petite enfance est une période propice pour apprendre à aimer les saveurs et à adopter des comportements alimentaires sains. Bien entendu, convaincre les tout-petits des avantages d’une alimentation équilibrée peut s’avérer difficile. Or, des chercheurs de la Washington State University et de la Florida State University ont peut-être trouvé une solution pour modifier positivement les habitudes alimentaires des enfants. L’approche structurée et répétitive qu’ils ont mise en place lors d’une étude pour vérifier leurs hypothèses de recherche permettrait effectivement aux enfants de se familiariser avec de nouveaux aliments, sans pression, et les encouragerait, par le fait même, à avoir une alimentation saine.

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Les chercheurs Jane Lanigan, Rachel Bailey, Alexandra Malia Timpson Jackson et Valerie Shea ont publié dans le Journal of Nutrition Education and Behavior, l’article qui résume leur étude. Celle-ci démontre entre autres qu’au moment de consommer des aliments nouveaux, les enfants profiteraient grandement du fait qu’on leur répète des phrases affirmatives et positives, à caractère incitatif (ex. : « mange tes lentilles si tu veux grandir et courir plus vite »; « les fruits et les légumes t’aident à ne pas tomber malade »). Leur fournir ce type de soutien en matière de nutrition serait en effet plus efficace pour les amener à goûter et à consommer certains aliments que le geste qui consiste à simplement leur présenter ces aliments à l’heure des repas sans leur dire ou leur répéter ces mots qui les incitent à développer un comportement alimentaire sain.

Pour effectuer cette étude, quatre-vingt-dix-huit enfants, de familles à revenu moyen, majoritairement de race blanche (67 %) et dont les parents avaient effectué des études supérieures, ont été recrutées dans deux services de garde accueillant des enfants âgés de trois à six ans. L’un des deux milieux de garde servait des collations et des déjeuners provenant d’un Programme d’aide alimentaire; alors que l’autre ne servait aux enfants que la nourriture apportée par ces derniers de leur foyer. Au début de l’étude, lors d’un prétest, les enfants ont dû indiquer leur degré d’appréciation de quatre aliments santé choisis dans différents groupes (ex. : poivron vert [légume], tomate [légume], quinoa [céréale] et lentilles [protéine]). Puis, à raison de deux jours par semaine, pendant les six semaines de l’étude, on a offert aux enfants deux des aliments santé qu’ils aimaient le moins dans des kiosques de dégustation tenus par les chercheurs. En résumé, les enfants devaient visiter ces kiosques individuellement dans leur milieu de garde, et à chaque visite, ils devaient :

  • soit goûter le premier des deux aliments santé les moins bien notés (lors du prétest) en obtenant des informations adaptées à leur âge concernant cet aliment;
  • soit goûter le second aliment santé le moins bien noté sans avoir d’informations ou de messages précis au sujet de cet aliment;
  • soit goûter les deux aliments sans intervention particulière de la part des adultes.

Durant ces séances de dégustation, les chercheurs observaient les réactions des enfants et notaient les commentaires de ces derniers. Pour ce faire, on leur demandait entre autres de choisir un visage de style émoji pour montrer leur appréciation des aliments en question. À la fin de chaque séance de dégustation, tous les aliments étaient distribués aux enfants sous forme de collations, les chercheurs poursuivant ainsi leurs observations en « mesurant » et en vérifiant ce que chaque enfant mangeait.

Une méthode efficace

Une des tâches réalisées par les chercheurs consistait à mesurer le nombre d’aliments nouveaux mangés par les enfants à trois moments différents : lors du prétest (avant les séances de dégustation dans les kiosques), lors du post-test (après les séances de dégustation) et un mois après la fin de l’étude. Le post-test n’a donné aucun résultat, probablement parce que les enfants « en ont eu assez de manger les mêmes aliments », comme l’a déclaré Lanigan [traduction libre]. Mais un mois plus tard, les résultats ont montré que l’approche structurée et répétitive, accompagnée de phrases à caractère incitatif, modifiait de manière positive les préférences des enfants, ainsi que leur consommation d’aliments nouveaux, présentés pendant la phase d’expérimentation (kiosques de dégustation). En fait, les chercheurs ont constaté que les enfants mangeaient deux fois plus d’aliments sains quand on leur expliquait, dans des termes qu’ils comprenaient, les avantages qu’ils en tiraient, ceci indépendamment de leurs goûts ou de leurs préférences concernant les aliments.

Des recherches antérieures avaient montré qu’offrir des aliments à plusieurs reprises à des enfants augmentait la probabilité que ces derniers goûtent de nouveaux aliments. Mais on n’avait alors pas examiné le « contexte d’exposition » aux aliments sains. L’étude de Lanigan et de ses collaborateurs démontre le bien-fondé des conversations à l’heure des repas pour favoriser la découverte et l’exploration des aliments, et pour encourager le développement d’un comportement alimentaire sain. « Les conversations au moment des repas peuvent être un moment propice à l’exploration des aliments et au développement de comportements alimentaires sains chez les jeunes enfants », conclut en effet Lanigan [traduction libre]. Et elle ajoute ceci : « Les parents et les responsables des services de garde auraient donc tout intérêt à connaître différents messages précis sur la nutrition qui sont adaptés au développement des enfants d’âge préscolaire, et à les utiliser lorsque de nouveaux aliments sont introduits dans leur alimentation. »

[Pour consulter la recherche,  www.jneb.org/article/S1499-4046(19)30126-5/fulltext]

 

Références

Lanigan, J., Bailey, R., Timpson Jackson, A. M. et Shea, V. (2019). Child-Centered Nutrition Phrases Plus Repeated Exposure Increase Preschoolers’ Consumption of Healthful Foods, but Not Liking or Willingness to Try. Journal of Nutrition Education and Behavior, 51(5), 519-527. Repéré à www.jneb.org/article/S1499-4046(19)30126-5/fulltext

Santé Canada. (2019). Guide alimentaire canadien. Repéré dans le site officiel du gouvernement du Canada à https://guide-alimentaire.canada.ca/fr/

A B C – 1 2 3, but What Is Good for Me? (2012). Repéré dans le site Web Elsevier à www.elsevier.com/about/press-releases/research-and-journals/a-b-c-1-2-3,-but-what-is-good-for-me

[1] Organisation mondiale de la Santé (OMS). (2019). Obésité de l’enfant : faits et chiffres. Repéré dans le site de l’OMS à www.who.int/end-childhood-obesity/facts/fr/

Source de l’image: Shutterstock

 

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