Développer une mentalité de croissance chez les enseignants et le personnel scolaire
Depuis quelque temps, on entend beaucoup parler du concept de mentalité de croissance (growth mindset) et de celui de mentalité fixe (fixed mindset) dans le monde de l’éducation. Si, comme le souligne Carol S. Dweck, professeure de psychologie sociale de l’Université de Stanford, une bonne partie de ce que vous pensez être votre personnalité se développe en réalité à partir de la mentalité que vous adoptez, comment utilise-t-on la mentalité de croissance pour explorer notre connaissance du rendement des élèves? Et comment peut-elle nous permettre d’améliorer ce rendement? D’autre part, comment les directions d’établissements scolaires pourraient-elles également développer une mentalité de croissance parmi les membres de leur personnel pour en améliorer le rendement et, par conséquent, la réussite des élèves?
Que sont la mentalité de croissance et la mentalité fixe?
Dans The New Psychology of Success (2000), Dweck présente un continuum sur lequel on peut situer les gens en fonction de leur compréhension de l’origine de leurs aptitudes. Deck décrit une théorie fixe de l’intelligence qui donnerait lieu à une « mentalité fixe » dans laquelle succès et échec sont tributaires de la présence innée d’aptitudes, ou de leur absence. Elle présente aussi une autre perspective, celle de la mentalité de croissance, que posséderaient les gens pour qui le succès repose sur l’apprentissage, la persévérance et le travail acharné.
Selon Dweck, dans un état d’esprit fixe, les élèves croient que leurs aptitudes, leur intelligence, leurs talents ne sont que des traits fixes qu’ils détiennent en une certaine quantité. Dans un esprit de croissance, les élèves comprennent qu’ils peuvent développer leurs talents et leurs aptitudes grâce à l’effort, à un bon enseignement et à la persévérance. Ils croient donc que leur intelligence est perfectible (Morehead, 2012). Ces deux représentations ont des conséquences importantes sur leur compréhension du succès et de l’échec. Les mentalités figées redoutent l’échec, sentant que cela nuit à leur image, alors que les autres le considèrent plutôt comme une occasion d’apprendre et de s’améliorer.
Quelles conséquences en éducation?
L’un des aspects les plus importants concerne la rétroaction. Selon Dweck, lorsque nous félicitons les élèves à propos de leur intelligence pour renforcer leur estime d’eux-mêmes et les encourager, cela contribuerait à développer une mentalité fixe, qui peut limiter leur potentiel d’apprentissage. Mais si nous les félicitons pour leur travail acharné et valorisons le processus dans lequel ils se sont engagés, cela contribuerait à développer une mentalité de croissance. Finalement, c’est la formulation de la rétroaction qui importe. La question à poser à la fin d’un cours serait donc celle-ci : « Qui a relevé des défis aujourd’hui, et comment les avez-vous relevés? » (Morehead, 2012)
[La rétroaction en contexte d’accompagnement professionnel]
Dweck cite plusieurs études menées avec des élèves de 7e année en mathématiques dans lesquelles on démontre que les élèves ayant développé une mentalité de croissance acceptent plus facilement un travail plus exigeant en matière de défis à relever et réussissent mieux que les élèves qui ont développé une mentalité fixe, et ce, même si tous les autres facteurs restent les mêmes.
D’autre part, les études soulignent qu’on peut observer, en matière de développement de soi, avec une mentalité fixe, un sentiment d’impuissance qui peut mener au développement d’une identité autodestructrice, accompagnée de déclarations toxiques (ex. : « je ne peux pas faire ça »; « je ne suis pas assez intelligent »). A contrario, une mentalité de croissance soutient les élèves dans le développement de leur autonomie : ils commencent à voir comment ils pourraient agir pour influencer positivement leur communauté et leur propre apprentissage.
Voici un autre avantage d’adopter une mentalité de croissance plutôt qu’une mentalité fixe : la motivation à apprendre et à faire des efforts, et au bout du compte, les résultats obtenus aux évaluations. D’ailleurs, les chercheurs ont remarqué que les adeptes de la mentalité de croissance surpassent ceux qui ont une mentalité fixe en mathématiques, et que l’écart continue d’augmenter durant les années ultérieures (Blackwell, Trzesniewski et Dweck, 2007).
Si la mentalité de croissance a une influence positive sur la réussite des élèves, il va sans dire que sensibiliser les enseignants et les intervenants scolaires à ce sujet peut également avoir une influence. Comment les directions d’établissements scolaires peuvent-elles donc développer une mentalité de croissance chez leur personnel enseignant et scolaire? Les chercheurs ont relevé trois points essentiels pour ce faire.
- Modélisation
Selon Jackie Gerstein de l’Université de Northern Illinois, pour que les enseignants bénéficient d’une mentalité de croissance, cela nécessite une planification minutieuse de la part de la direction de l’école. C’est par la modélisation que la mentalité de croissance peut avoir une influence sur le perfectionnement professionnel des enseignants. Gerstein a ainsi organisé un certain nombre de cours de perfectionnement professionnel pour apprendre aux enseignants comment modéliser la croissance. L’un des principes clés est d’encourager les enseignants à se considérer comme des « apprenants à vie ». Si leurs élèves sont capables d’apprendre et de s’améliorer, eux aussi le sont! (Gerstein, 2014)
[La direction d’établissement : un atout pour le développement des communautés d’apprentissage professionnel]
- Innovation et droit à l’erreur
Ce deuxième principe exige que les enseignants puissent essayer de nouvelles choses et faire des erreurs. En effet, la clé du succès dans cette approche d’innovation est de privilégier le paradigme de l’apprentissage et la réflexion sur les processus qui sont en jeu, et non de se préoccuper de savoir si telle nouvelle idée ou telle autre se soldera par un succès ou par un échec. - Place à la pratique réflexive
Créer de l’espace pour favoriser l’apport de nouvelles idées dans le processus de développement d’une mentalité de croissance s’avère important. Et la place accordée au temps et aux occasions pour réfléchir à ces nouvelles idées, et à ce que les enseignants ont appris du processus, est tout aussi fondamentale. Idéalement, cette réflexion devrait moins se concentrer sur le succès ou l’échec de l’idée que sur ce que l’enseignant a appris du processus.
[La pratique réflexive comme outil de développement professionnel]
[Consulter l’article]
Références citées par Keith Heggart :
Blackwell, L. S., Trzesniewski, K. H. et Dweck, C. S. (2007). Implicit theories of intelligence predict achievement across an adolescent transition: A longitudinal study and an intervention. Child Development, 78(1), 246-263.
Dweck, Carol S. (2006). Mindset: The New Psychology of Success. New York : Random House.
Gerstein, Jackie. (2014). The Educator with a Growth Mindset: A Staff Workshop. User Generated Education. Repéré à https://usergeneratededucation.wordpress.com/2014/08/29/the-educator-with-a-growth-mindset-a-staff-workshop/
Morehead, James. (2012, 12 juin). Stanford University’s Carol Dweck on the Growth Mindset and Education. OneDublinorg. Repéré à https://onedublin.org/2012/06/19/stanford-universitys-carol-dweck-on-the-growth-mindset-and-education/
Source de l’image : Shutterstock/Sky Motion
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Merci. Le passage sur le type de rétroaction à donner, même aux élèves qui réussissent bien, est particulièrement intéressant.
Ayant lu le livre de Dweck qui m’a fortement intéressé, j’ai continué les recherches en ce sens. Des limites semblent devoir être mises à cette théorie. En effet selon une méta analyse réalisée, les effets d’un entraînement à l’esprit de croissance sur les résultats scolaires seraient très faibles.
https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0956797617739704?journalCode=pssa
Tout à fait d’accord, voir ma réflexion sur la rétroaction et la mentalité de croissance : https://www.cforp.ca/educo/reflechir-pour-agir/
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Merci du lien!