Les déterminants motivationnels chez les résidents et les internes en médecine

Lecture : 3 min.
Mis à jour le 03 Août 2020

Temps approximatif de lecture : 4 à 5 minutes

Par François Xavier Kemtchuain Taghe, Ph. D.

Université de Sherbrooke et Université catholique de l’Ouest (cotutelle internationale)

Les résidents et les internes en médecine québécoise et française vivent plusieurs facteurs de stress tout au long de leur parcours : rapport au sensible, mort des patients, rapports conflictuels sévissant durant leur formation (ANEMF, 2017). Malgré le fait que ces futurs professionnels de la santé travaillent dans un contexte à forte intensité émotionnelle, la majorité d’entre eux, soit 88,62 % d’internes en médecine et 90 % de résidents en médecine, terminent leur formation (Lacasse, Théorêt, Skalenda et Lee, 2012). Cet article suggère que les résidents et les internes en médecine diplômés possèdent des ressources, ou ont su les développer, ce qui leur a permis de réguler leurs émotions négatives afin de persévérer dans leur programme d’études. Quelles sont ces ressources et comment celles-ci agissent-elles sur leur motivation?

Source de l’image : ShutterStock

Valeur et espérance de réussite dans le choix professionnel opéré

L’analyse des données recueillies auprès de deux internes en médecine français (Emma et Marjolaine) et de deux résidents en médecine québécois (William et Élvine) a amené le chercheur François Xavier Kemtchuain Taghe, dans le cadre de ses recherches doctorales, à découvrir que ces futurs professionnels de la santé vivaient des entraves à leur persévérance : charge de travail élevée, contrainte de temps, difficulté à gérer l’équilibre travail et vie personnelle. Certains d’entre eux vont même entrer dans un processus fataliste et montrer des signes de détresse émotionnelle, ce qui contraste avec la dynamique motivationnelle objectivée d’Élvine, qui a une estime de soi renforcée du fait de son admission en médecine : « Je savais que c’était important d’être valorisée dans qu’est-ce que [sic] je faisais. La médecine semblait correspondre à mes aspirations. ».

Le développement des facteurs de protection pour résister à l’adversité

La détermination à réussir au péril de sa santé physique et mentale est favorisée par des facteurs de protection rangés en trois catégories. La dynamique motivationnelle, l’engagement, la capacité autorégulatrice s’inscrivent dans le registre des facteurs de protection individuels. On peut aussi citer les facteurs de protection interactionnels (le soutien apporté) développés dans la « transaction relationnelle », comme l’appui du superviseur.

Aussi, le résident ou l’interne en médecine qui subit des pressions en situation de travail évolue dans une communauté (parents, enfants, conjoints, amis) fonctionnant comme une soupape de sécurité. L’adaptation aux différents facteurs de risque résulte donc de l’intégration des facteurs de protection individuels, interactionnels et environnementaux (voir le schéma 1).

La croissance post-traumatique comme objectivation de l’autorégulation

Lorsqu’Emma dit : « j’ai appelé ma cheffe pour lui dire que là c’était trop; il y a plusieurs autres situations qui m’ont touchée, et puis je ne me suis plus jamais effondrée comme ça; je pense que j’ai trouvé une certaine distance », elle nous amène à constater que le soutien apporté par sa cheffe a favorisé chez elle le développement d’une force motivationnelle, qui lui a permis de transcender l’adversité. C’est à ce titre que nous parlons d’autorégulation puisqu’Emma est passée d’un stade « avant trauma » à un stade « après trauma » (voir le schéma 2).

La croissance post-traumatique est la résultante d’une synergie entre le soutien apporté et son impact sur le développement de la force motivationnelle. On peut donc dire qu’en association avec les facteurs de protection, l’action des facteurs de ce nouveau développement va au-delà du contrôle pour permettre le développement de la capacité à « s’autoréguler », c’est-à-dire à établir ses propres limites et à gérer les émotions négatives vécues dans des situations de vulnérabilité.

L’autorégulation comme soutien à l’autodétermination

Ainsi, pour se mettre à l’abri de la confusion et de l’oubli des informations attribuables à la surcharge cognitive, la-le jeune médecin en formation établit des aide-mémoire qui lui permettent de prévenir les problèmes d’attention : « tu enregistres maintenant, sinon tu oublies » (Emma). Il est question ici d’une satisfaction des besoins de formation par des ressources autoconstruites, celles-ci étant renforcées par une auto-efficacité perçue (Bandura, 1999). Conscient de sa capacité à agir, le sujet va prendre des décisions dans des situations difficiles : « On était dans la contre-réflexion. Quand je vois un patient, il y a une partie de moi qui réfléchit : qu’est-ce que le patient a, quel est le traitement que je trouve le plus pertinent pour lui et qu’est-ce que le superviseur attend de moi dans cette situation-là? Je dois combiner ces deux pensées […]» (Élvine).  Ce qui se produit ici, c’est la capacité autorégulatrice qui entretient une motivation autodéterminée, celle-ci étant renforcée par un sentiment d’auto-efficacité[1] (voir le schéma 3).

Conclusion

En somme, il semble que les facteurs de protection (individuels, interactionnels et environnementaux) s’associaient aux facteurs de néo-développement pour assurer une croissance post-traumatique. Aussi, le sentiment d’auto-efficacité assurerait la rétroaction entre la motivation autodéterminée et l’autorégulation.

 

[1] Auto-efficacité : sentiment d’efficacité personnelle

Source de l’image : ShutterStock

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