Comprendre les inégalités psychologiques et tenter de les diminuer

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Mis à jour le 01 Déc 2018

Une entrevue avec Patrick Bonvin, professeur à la Haute école pédagogique du canton de Vaud, Karine-N. Tremblay, professeure agrégée à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), et Jacinthe Dion, professeure agrégée à l’UQAC, a permis de comprendre les grands principes des inégalités psychologiques et d’établir quelques pistes pour les diminuer.

Les inégalités psychologiques, qu’est-ce que c’est?

L’être humain se définit par une riche diversité. Chaque humain nait avec des caractéristiques génétiques et biologiques diverses, et au fil du temps, ces caractéristiques sont influencées par des expériences tout aussi diverses. La diversité psychologique se définit donc par des facultés cognitives, des capacités d’apprentissages, des bagages génétiques, etc. différents. Malheureusement, c’est le traitement de ces différences par le milieu scolaire qui transforme une diversité à base naturelle et normale en inégalités. D’abord en inégalités d’accès, mais également en inégalités des chances.

« Le problème, c’est que nous créons des critères normatifs, par exemple par des programmes d’études ou des “seuils” diagnostiques, qui séparent arbitrairement la population en deux groupes : “ceux qui ont” et “ceux qui n’ont pas” ». – Patrick Bonvin

Les élèves ne sont pas inégaux, ils sont différents. Donc si on demande à tous les enfants d’atteindre les mêmes objectifs au même moment, il ne faut pas se surprendre que certains n’y parviennent pas. Cette « utopie » de l’atteinte des objectifs à un moment précis ne serait réalisable que dans une société où chaque personne est pareille, autant au niveau des compétences, des connaissances et de l’expérience. Une réalité qui, évidemment, n’est pas la nôtre.

À la recherche d’un diagnostic

Au Québec, le milieu de l’éducation tente de s’éloigner d’une approche basée sur les diagnostics et en principe, ceux-ci ne sont plus nécessaires pour offrir des mesures de soutien aux élèves présentant des difficultés d’adaptation ou d’apprentissage. Or, dans un contexte de ressources limitées et insuffisantes, certains milieux les exigeraient toujours ou prioriseraient ceux qui en ont. De plus, les exigences diffèrent en fonction de l’ordre d’enseignement et pour avoir accès à des mesures d’adaptation, les élèves de niveau collégial ou universitaire doivent obligatoirement obtenir un diagnostic.

Ne nous trompons pas, un diagnostic peut bel et bien s’avérer fort utile lorsqu’il est utilisé positivement afin d’orienter les enseignants. Malheureusement, lorsque le diagnostic est un critère d’accès, les ressources des milieux sont rapidement aspirées par les demandes administratives et le temps vient à manquer pour aider les enseignants et les enfants.

De plus, cette recherche de diagnostics crée, dès le départ, des inégalités entre les enfants. Les ressources insuffisantes des milieux poussent les parents qui en ont le moyen à se tourner vers le privé pour obtenir un diagnostic plus rapidement. Mais quelles sont les options des familles de milieux socioéconomiques faibles n’ayant pas les moyens pour rencontrer un tel professionnel, ou des familles vivant dans des milieux éloignés où de tels professionnels sont plus difficilement accessibles ou pas accessibles du tout? Si l’on ajoute à cela que la compréhension du système est loin d’être évidente, la recherche rapide d’un diagnostic peut, pour de nombreux parents, être une tâche ardue, voire impossible.

Les inégalités psychologiques : opter pour la prévention

Il importe que les acteurs du milieu scolaire soient conscients de la diversité des actions qu’ils peuvent mener afin d’agir de manière préventive. Plutôt que de chercher un diagnostic, tentons de faire de l’enseignement « ordinaire » un enseignement qui, en diminuant dès le départ le maximum de barrières, peut répondre au plus grand nombre d’élèves possible. En plus d’être conscients de la diversité des élèves, les enseignants doivent prendre conscience de la richesse des outils à leur disposition et de maximiser leur utilisation. Par exemple, la technologie permet différentes méthodes afin d’adapter des contenus et des pratiques. Toutefois, un moment de réflexion doit être pris. La véritable question n’est pas « comment adapter ce document pour tel et tel élève? », mais bien « comment adapter le document pour que tous les élèves de la classe puissent en bénéficier? »

Une autre avenue pertinente est de favoriser, dès le début du parcours scolaire, le développement des fonctions exécutives dont l’autorégulation chez les jeunes. Une meilleure autorégulation permet à un enfant de mieux contrôler ses émotions, son comportement, ses pensées ou son attention, ce qui favorise la réussite scolaire.

Le bien-être socioémotionnel des enfants : un facteur majeur de succès à l’école

En plus de naître différents, les enfants et les adolescents vivent tous des expériences bien différentes. Ils arrivent donc dans la classe avec un « bagage de vie » plus ou moins lourd qui peut grandement influencer leur parcours scolaire. Abus, négligence, consommation des parents, divorce, pauvreté, etc. les événements de vie adverses (ACEs) peuvent être multiples et diminuent le bien-être socioémotionnel des enfants, un facteur majeur de succès à l’école.

Les comportements à l’école d’un enfant « sécure » (i.e., un enfant qui a développé un lien d’attachement stable et sécurisant avec ses parents qui étaient disponibles pour lui et sensibles à ses besoins durant les premières années de sa vie) seront propices aux apprentissages. À l’inverse, un enfant ayant vécu des événements de vie adverses, et ayant possiblement développé un attachement insécure, présentera un faible bien-être socioémotionnel et aura des comportements qui nuisent à sa réussite : image de soi négative, désorganisation, agressivité, manque de confiance en soi et envers les autres, etc. Heureusement, le personnel de l’école peut adopter des comportements pouvant améliorer le parcours scolaire de ces élèves.

Premièrement, un élève qui développe un bon lien d’attachement avec son enseignant est porté à mieux se sentir et à avoir une meilleure perception de l’école. Les enseignants peuvent donc avoir un rôle protecteur pour les élèves. Voici quelques exemples de comportements favorisant ce bon lien d’attachement :

  • Être sensible aux vécus des élèves;
  • Favoriser des interactions chaleureuses avec chacun des enfants;
  • Être bien préparé;
  • Avoir des attentes élevées à l’égard des élèves;
  • Soutenir de l’autonomie de chacun;
  • Encourager le développement des habiletés sociales;
  • Opter pour une discipline non corrective;
  • Baser ses interventions sur la relation enseignant-élève.

L’école peut elle aussi favoriser le lien d’attachement des élèves en faisant de l’établissement un lieu où ils se sentent bien et en sécurité. Voici quelques exemples :

  • Planifier des interventions dans toute l’école afin de montrer qu’il s’agit d’un environnement sécuritaire, par exemple, une campagne contre l’intimidation;
  • Organiser des activités parascolaires;
  • Favoriser les petites écoles;
  • Garantir une continuité dans les intervenants;
  • Faciliter les transitions entre les années scolaires.

Les élèves seront toujours différents et arriveront toujours dans la classe avec un bagage important que les enseignants ne peuvent pas mettre de côté. Seuls les petits gestes posés au quotidien pourront faire une réelle différence. En ce sens, l’école doit constituer une communauté protectrice et bienveillante qui valorise la diversité et contribue à réduire les inégalités.

 

Image : Shutterstock/pathdoc

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