La réussite scolaire des immigrants et des autochtones

Lecture : 6 min.
Mis à jour le 02 Déc 2013

La réussite scolaire des groupes d’immigrants et d’autochtones du Québec :
modèles de collaboration entre la famille et l’école

Depuis les années 1980, la collaboration famille-école est au cœur des préoccupations du système scolaire. Les recherches scientifiques ont démontré que les rapports des parents à l’école jouent un rôle essentiel dans la réussite scolaire de leurs enfants. Selon les sociétés, cette collaboration a été instituée de diverses manières au point où il est désormais reconnu qu’il existe plusieurs types de collaboration en fonction des classes sociales, du milieu de vie et de la dynamique familiale.

Afin de dégager des modèles de collaboration famille-école des populations immigrantes et des populations autochtones du Québec, une équipe de chercheures, sous la direction de Michèle Vatz-Laaroussi, professeure au Département de service social de l’Université de Sherbrooke, a entrepris une recherche qualitative qui a permis d’identifier plusieurs pratiques favorisant la réussite scolaire autour d’une mobilisation de tous les acteurs impliqués.

Source de l’image : Shutterstock ProStockStudio

Extrait de :
MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION, DU LOISIR ET DU SPORT et FONDS DE RECHERCHE DU QUÉBEC – SOCIÉTÉ ET CULTURE (2007). « La réussite scolaire des groupes d’immigrants et des groupes d’autochtones du Québec : modèles de collaboration entre la famille et l’école », Résultats de recherche, La persévérance et la réussite scolaires, fiche nº 18.

Facteurs de réussite

« L’identification de stratégies de réussite est apparue particulièrement pertinente puisque, dans le cas de ces deux groupes, l’accent est plus souvent mis sur l’échec, le décrochage ou l’absence de collaboration », explique Michèle Vatz-Laaroussi.

« Nous voulions comprendre comment s’articulent certaines stratégies familiales et scolaires, analyser la place des divers acteurs et identifier les moments et les personnes clés dans la trajectoire scolaire des enfants », précise la chercheure. Des groupes de discussion ont été organisés avec des parents, des jeunes de 6e année du primaire et de 3e année du secondaire, et des enseignants. Les chercheures ont également réalisé des études de cas de réussite scolaire sur les différents sites (17 cas en milieu autochtone près de Baie-Comeau, 15 cas à Sherbrooke et 9 cas à Montréal). Chaque cas comportait trois entrevues avec le jeune, avec ses parents et avec un de ses enseignants.

Les facteurs de réussite identifiés sont de plusieurs ordres. Du côté de l’école, les attentes envers l’implication des parents portent plus sur le soutien du parent à l’action de l’école que sur l’invitation faite au parent d’initier des projets, de questionner les pratiques scolaires pour les faire évoluer ou d’exprimer des besoins qui aideraient davantage le parent à jouer son rôle. À l’égard des parents de milieux défavorisés, l’école a une autre image. Elle les perçoit davantage comme en apprentissage de compétences ou comme auxiliaires de l’expert scolaire. « En revanche, le type de participation prôné par nos institutions scolaires québécoises renvoie à un style parental démocratique où la communication est mise en valeur ainsi que les relations et les activités communes au sein de la famille nucléaire », note l’équipe de recherche. Du côté des parents immigrants et autochtones, les rapports à l’école peuvent être chargés de multiples attentes, espoirs et appréhensions.

 Or, le style parental démocratique n’est prégnant ni dans les milieux populaires, ni dans celui des populations immigrantes et des communautés autochtones.

Cette situation peut créer de sérieux malentendus d’où l’importance pour l’équipe de recherche de saisir les contextes les plus favorables à l’articulation de modèles de collaboration, peu importe l’appartenance culturelle des familles. D’autres obstacles peuvent aussi entraver le processus de collaboration, comme la non-maîtrise du français, les difficultés d’intégration liées au parcours migratoire ou à la marginalisation.

Importance de la mobilisation

Les familles immigrantes ont souvent une relation passionnelle à l’école. Bien que leurs profils soient diversifiés, plusieurs de ces familles espèrent que leurs enfants accèdent à une promotion sociale grâce au système scolaire. « Les parents sont même prêts à sacrifier leur propre carrière ou promotion pour celle de leurs enfants », affirme Michèle Vatz-Laaroussi. Or, certains malentendus liés, par exemple, à la question des droits des enfants ou encore à la non-compréhension par le milieu scolaire du parcours de migration, peuvent devenir objets de discorde entre l’école et la famille.

Parallèlement, mais de manière fort différente, l’histoire des relations famille-école chez les autochtones est marquée par de nombreux conflits et de nombreuses incompréhensions. La scolarisation chez les autochtones est un phénomène récent. La tradition orale a longtemps été la façon dominante de transmettre leurs valeurs, leur identité, leurs langues et coutumes.

Les familles autochtones entretiennent une relation ambiguë avec l’école. Certaines confient totalement leurs enfants à l’école et se dégagent d’assurer la congruence entre la vie familiale et la scolarisation, explique la chercheure. D’autres réussissent à construire une relation positive et fructueuse avec l’école.

L’éloignement géographique et la nécessité de sortir de la communauté pour réussir sur le plan scolaire sont aussi des enjeux importants. De part et d’autre, la recherche a constaté que la résilience était un élément important de la réussite scolaire. « Cette résilience repose sur des processus de mobilisation personnelle, familiale et communautaire », a constaté l’équipe. Les individus qui réussissent ont des projets et l’espoir de réussir, ils élaborent des stratégies d’apprentissage, tentent de maîtriser le français tout en valorisant leur langue maternelle. Leur famille immédiate, et même les grands-parents, se mobilisent aussi autour de l’importance de l’instruction.

Nous avons découvert aussi que cette résilience fait appel à des tuteurs, ajoute Michèle Vatz-Laaroussi. Des personnes clés, comme les enseignants et les amis à l’école, mais aussi dans la famille, jouent un rôle de modèle pour les jeunes. » Ces tuteurs nourrissent l’espoir des jeunes et communiquent leur fierté de les voir réussir.

Cette étude a permis de relever combien le rapport des parents à l’école et celui de l’école aux parents est également fortement coloré par le contexte plus ou moins multiethnique dans lequel il se déroule. Les stratégies familiales et scolaires risquent de varier selon qu’on se situe à Montréal ou dans une autre région du Québec. Alors que le nombre d’élèves d’origine étrangère est en augmentation à l’extérieur de la région de Montréal depuis 1993 à la suite de la Politique de régionalisation de l’immigration, l’équipe estime que les professeurs des classes d’accueil et des classes multiethniques en région ont besoin d’être mieux formés et outillés.

Stratégie de transparence

D’après tous les acteurs rencontrés dans le cadre de cette recherche, chacun a un rôle à jouer et peut le jouer à sa façon pour la réussite des jeunes immigrants et autochtones. « C’est par la mobilisation différenciée de tous, individuellement, en groupe et en institution que se construisent les voies de la réussite », affirme Michèle Vatz-Laaroussi.

Parmi les pistes d’action, l’équipe suggère de reconnaître la diversité des trajectoires et des acteurs qui contribuent à la réussite scolaire des jeunes. Elle place aussi la circulation de l’information et des savoirs au centre des collaborations réussies. « Les parents des enfants qui réussissent sont en général sécurisés par rapport au système scolaire qui accueille leur enfant et ils le connaissent suffisamment pour accompagner leur jeune de manière efficace. »

En revanche, il ressort de l’étude que l’école doit s’ouvrir aux savoirs et aux compétences des parents d’ailleurs et du personnel des systèmes scolaires. « L’information efficace ne peut être à sens unique », conclut l’équipe en soulignant également l’importance de la proximité entre les enseignants, les jeunes, le milieu de vie et les familles, peu importe leur origine culturelle.

[Consulter la recherche]

Cette recherche a été financée dans le cadre du Programme de recherche sur la persévérance et la réussite scolaires mené en partenariat par le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport et le Fonds de recherche du Québec – Société et culture.

Référence

VATZ-LAAROUSSI, Michèle (2005). Les différents modèles de collaboration familles-écoles : trajectoires de réussite pour des groupes immigrants et des groupes autochtones du Québec, Université de Sherbrooke, 224 p.

À voir aussi

Capsule vidéo : Différents modèles de collaboration famille-école

La relation des parents avec l’école que fréquentent leurs enfants joue un rôle indéniable dans la réussite scolaire de ces derniers. Au sein des familles autochtones ou immigrantes, ces collaborations peuvent prendre plusieurs formes. Cette capsule vidéo vous propose des modèles de collaboration efficaces en matière de réussite scolaire. (Durée : 3 min. 41 sec)

Coup de pouce à la réussite! Des pistes d’action pour la persévérance et la réussite scolaires au secondaire

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