Science et technologie au secondaire: des élèves plus compétents

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Mis à jour le 07 Août 2012

Source de l’image : Shutterstock Iakov Filimonov

En janvier 2011, le chercheur Patrice Potvin (Université du Québec à Montréal) présentait dans cet article une nouvelle étude de l’Équipe de Recherche en Éducation Scientifique et Technologique (EREST). Cette étude avait pour objectif de vérifier si les élèves du Renouveau pédagogique sont plus compétents en science et technologie que leurs prédécesseurs. Un peu plus d’un an après la mise en ligne du premier article, les chercheurs de l’EREST dévoilent aujourd’hui leurs résultats en soulignant leurs retombées potentielles pour les élèves, les enseignants et le programme de formation de l’école québécoise.

Des élèves plus compétents en science et technologie depuis la réforme

par Jean-Guillaume Dumont, Patrice Potvin et François Boucher-Genesse, UQAM

Résumé

Une récente étude menée au Québec par les chercheurs de l’Équipe de Recherche en Éducation Scientifique et Technologique (EREST) laisse croire que les élèves formés dans le système éducatif québécois du Renouveau pédagogique (Réforme) sont plus compétents à résoudre un problème d’ordre scientifique et technologique que ceux qui ne l’ont pas été. Ces résultats font partie des rares indices contribuant à l’analyse des effets de la Réforme sur les performances des élèves québécois dans le domaine de la science et de la technologie.

Éclairer le débat par la recherche

Plus d’une décennie après les débuts de sa mise en application de la Réforme scolaire québécoise, plusieurs praticiens et chercheurs se demandent encore si elle a eu des effets positifs ou non sur la performance des élèves (Baillargeon, 2009; Boutin et Julien, 2000; Lafortune et collab., 2011).

Pour trouver des éléments de réponse, notamment dans le domaine de la science et de la technologie, les chercheurs de l’EREST ont mis au point une simulation informatisée spécifiquement conçue pour évaluer la compétence à compétence à résoudre un problème en science et technologie d’élèves « non réformés » et la comparer à celle d’élèves « réformés ».

Un laboratoire virtualisé en cuisine

La simulation informatisée présente une situation d’évaluation qui consiste à déduire la recette idéale de la soupe Taki, en découvrant la quantité optimale des trois légumes qui la compose. Pour y parvenir, l’élève teste ses hypothèses lors d’essais au cours desquels il choisit la quantité de chacun des légumes, puis les tranche en respectant les traits de coupe.

L’essentiel du problème posé par notre situation d’évaluation consiste donc à contrôler et à modifier les variables (quantité de légume) pour comprendre leurs effets sur le système (goût de la soupe) dans le but d’atteindre un état optimal (seuil de réussite). Le jeu permet au sujet de tester de manière itérative plusieurs hypothèses en procédant par tâtonnements. Tous ces « essais-erreurs » constituent pour l’élève un corpus de données à analyser et à interpréter pour en déduire la solution. Cette démarche est typique de l’exercice de la compétence en résolution de problème d’ordre scientifique ou technologique.

Pour tous les détails du fonctionnement et des fondements de cette simulation, consultez l’article de Patrice Potvin paru en janvier 2011 (Potvin, Dumont, et Boucher-Genesse, 2011).

Méthodologie

Au printemps 2009, au moment d’entreprendre la démarche de collecte de données, les élèves de la 5e secondaire constituaient la dernière la cohorte d’élèves « non réformés » encore sur les bancs de l’école. Par conséquent, c’est ce même niveau de scolarité qui a été retenu deux ans plus tard pour tester des élèves québécois « réformés ».

Une école privée montréalaise et trois écoles publiques québécoises d’une commission scolaire dans la grande région de Montréal ont accepté d’ouvrir leurs classes pour nous permettre de tester leurs élèves. Nous avons ainsi obtenu des données pour 468 élèves « non réformés » en 2009 et 383 élèves « réformés » en 2011 provenant des mêmes écoles. La moyenne d’âge et la proportion de garçons et de filles étaient identiques entre les deux groupes. De plus, le corps professoral n’a pratiquement pas changé durant cette période.

Pour comparer les des deux cohortes, nous avons composé un score de performance à partir des données enregistrées par les ordinateurs : performance des élèves, vitesse de résolution, durée d’observation ou stratégie de contrôle des variables. Ce score ne reflète pas toutes les composantes de la compétence qui ont été mobilisées par l’élève, mais il constitue néanmoins un reflet fidèle et objectif de certaines actions contribuant ou non à la réussite de la tâche conforme aux attentes des programmes.

Résultats

Nos résultats montrent que la cohorte d’élèves « réformés » performe mieux au test de la simulation informatisée que la cohorte d’élèves « non réformés ». Cette différence est toutefois minime. En 2009, le score moyen est de 2,9475, alors qu’en 2011, il est de 3,1195.

Nous pouvons tout de même conclure que les élèves « réformés » de 5e secondaire des écoles participantes ont davantage développé les éléments de la compétence à résoudre un problème scientifique et technologique que les élèves « non réformés ». Ces différences entre les deux cohortes pourraient être attribuées, entre autres, aux effets du Renouveau pédagogique.

Par ailleurs, notre recherche nous a également permis de confirmer la tendance généralement admise dans la communauté scientifique que les garçons performent mieux que les filles en science et technologie. En effet, nos résultats montrent que les sujets masculins obtiennent en moyenne un score légèrement supérieur à celui des filles (M : 3,3178; F : 2,7729). Cet écart a toutefois diminué, passant de 0,5676 en 2009 à 0,5148 en 2011, ce qui laisse croire que la Réforme a eu un effet positif, sans toutefois mettre fin aux disparités de performance moyenne entre les genres.

Conclusion

Globalement, tous les résultats présentés suggèrent que les élèves formés dans le système éducatif québécois du Renouveau pédagogique ont légèrement mieux développé certains éléments de la compétence à résoudre un problème scientifique que ceux qui ne l’ont pas été.

Toutefois, cette conclusion doit être jugée à la lumière de certaines limites inhérentes à notre recherche. En effet, les élèves de la cohorte de 2011 ne sont peut-être pas les plus représentatifs des élèves « réformés », car à cette époque la mise en application de la réforme était encore toute récente. Par ailleurs, nos résultats ne peuvent être généralisés avec certitude à l’ensemble des élèves du Québec. Enfin, d’autres recherches seraient nécessaires pour confirmer la validité de notre outil d’évaluation.

Cependant, au-delà des recherches complémentaires à réaliser, il nous semble que nos résultats montrent aux concepteurs de programmes qu’il est possible d’orienter un système scolaire et la performance des élèves par le biais de changements curriculaires, et ce, même si ce changement est difficile à mettre en œuvre et provoque une polémique pareille à celle qu’a connue le Québec au cours des dernières années.

Quant aux enseignants en science et technologie, notre recherche présente des signes encourageants qui laissent croire que l’approche par compétence peut influencer positivement la performance de leurs élèves et, qu’en ce sens, elle est prometteuse. Notre expérimentation devrait également amener les praticiens à s’ouvrir davantage à l’évaluation et à l’apprentissage par le biais de simulations informatisées et de jeux vidéo éducatifs à mesure qu’ils se popularisent dans les écoles.

Références

Baillargeon, N. (2009). Contre la réforme : la dérive idéologique du système d’éducation québécois. Montréal: Presses de l’Université de Montréal.

Boutin, G. et Julien, L. (2000). L’obsession des compétences son impact sur l’école et la formation des enseignants. Montréal: Montréal Éditions nouvelles.

Lafortune, L., Prud’homme, L., Sorin, N., Aitken, A., Archambault, J., Barma, S. et collab. (2011). Manifeste pour une école compétente. Québec: Presses de l’Université du Québec

Potvin, P., Dumont, J.-G. et Boucher-Genesse, F. (2011, janvier). « Des élèves désormais plus compétents en science et technologie? ». En ligne. Consulté le 12 janvier, 2011.

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