La réussite scolaire pousse-t-elle dans les arbres?

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Mis à jour le 22 Avr 2019

De nombreuses études ont associé la réussite scolaire à des facteurs comme le revenu et la scolarité des familles, la qualité de l’enseignement et des enseignants, l’engagement et la motivation des élèves, les pratiques des directions d’école, l’implication des parents dans le suivi scolaire. Or, en plus de tous ces facteurs connus et bien documentés, l’amélioration des résultats scolaires des élèves, notamment en mathématiques et en lecture, ne tiendrait-elle pas également à des actions ou des gestes aussi simples que, par exemple, le fait de planter des arbres dans la cour des écoles?

Pixabay

Par Patrice Cyrille Ahehehinnou et Nathalie Couzon

Il a été démontré depuis longtemps que les arbres ont des effets positifs sur la santé. En plus d’avoir un effet calmant, leur action réparatrice pour le mental est excellente. Il n’est donc pas surprenant que des chercheurs s’intéressent aux effets de leur présence sur les élèves dans l’environnement scolaire[1].

Une récente étude corrélationnelle, publiée dans la revue Frontiers in Psychology et dirigée par Ming Frances Kuo[2], a analysé les liens entre la présence de verdure dans l’environnement immédiat des écoles et la réussite scolaire dans 318 écoles élémentaires publiques de Chicago. Les écoles participant à l’étude correspondaient à des établissements fréquentés par des enfants dont les familles étaient à faible revenu et se trouvaient en zone urbaine. De plus, elles faisaient partie des écoles les moins performantes sur le plan scolaire aux États-Unis.

Cela dit, des études antérieures avaient déjà documenté une relation positive entre le verdissement de la cour d’école, ou les espaces verts déjà présents dans l’environnement immédiat des écoles, et la réussite scolaire. Mais personne n’avait examiné jusqu’à présent cette relation dans les écoles très défavorisées, où 90 % des élèves sont admissibles au déjeuner gratuit, par exemple, et moins de 10 % sont des Blancs.

L’étude dirigée par Ming Kuo s’est articulée autour des quatre objectifs principaux suivants :

  1. Examiner le ou les liens entre le verdissement des écoles et la réussite scolaire en contexte de désavantage (défavorisation), en tenant compte des différences socioéconomiques et raciales entre les élèves;
  2. Examiner les effets particuliers du verdissement de l’environnement immédiat des écoles, en ce qui concerne la réussite scolaire, par rapport aux quartiers avoisinants;
  3. Examiner les effets particuliers de différents types de verdissement sur la réussite scolaire;
  4. Examiner la relation entre le verdissement de l’environnement scolaire et la défavorisation, des recherches axées sur les relations entre revenu, race et accès à la nature ayant déjà montré une vision générale des arbres et des parcs en tant que commodités agréables, mais non essentielles.

L’objectif était de voir si la relation entre l’écologie et la réussite scolaire s’appliquait aux écoles urbaines pauvres, parce que c’est là que les éducateurs et les décideurs tentent désespérément de trouver des moyens d’aider les enfants à réaliser leur plein potentiel.

Ming Kuo

Traduction libre

L’équipe de recherche a entre autres utilisé des images aériennes à haute résolution pour quantifier le couvert arboré et herbacé de chaque cour d’école et de son voisinage, une amélioration par rapport aux données des études antérieures, qui ne parvenaient pas à obtenir ce degré de précision. Les écoles les plus défavorisées de l’échantillon comptaient environ deux fois moins d’arbres que les écoles les moins défavorisées.

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Plus il y a d’arbres, plus le rendement est bon

Les résultats de l’étude menée par Ming Kuo et ses collègues ont montré un lien statistiquement significatif entre le verdissement des cours d’école et la performance scolaire des élèves issus des zones urbaines fortement défavorisées. Plus spécifiquement, l’étude a permis de constater un effet positif de la présence d’arbres dans l’environnement scolaire, un effet supérieur à celui des autres types de verdure, en ce qui concerne les performances scolaires en mathématiques. Ceci, même en tenant compte des différences socioéconomiques et raciales entre les élèves, ce que les chercheurs ont appelé le facteur de désavantage, un indice combinant pauvreté et statut de minorité.

Les compétences en mathématiques au primaire sont l’un des meilleurs prédicteurs de la réussite ultérieure, non seulement en mathématiques, mais à l’école en général. Nous avons donc ici un indice très intéressant qui montre que le simple fait de planter des arbres dans les cours d’école pourrait entraîner des effets positifs importants sur le rendement en mathématiques et sur la réussite scolaire des enfants en fin de compte.

Ming Kuo

Traduction libre

Ces résultats suggèrent que le verdissement des écoles peut potentiellement atténuer les résultats scolaires médiocres obtenus dans les écoles urbaines à fort indice de pauvreté. Ces résultats indiquent également quels types de verdissement sont les plus bénéfiques en ce qui concerne la réussite scolaire et ils attirent l’attention sur le fait que, parce que les arbres dans les cours d’école peuvent améliorer le travail des élèves et, ce faisant, leurs résultats scolaires, le manque d’arbres dans les zones à faible revenu n’est pas simplement une question esthétique, mais bien un problème d’équité important.

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Les chercheurs ne savent pas pourquoi la présence d’arbres est liée à de meilleurs résultats en mathématiques, mais ils croient que ces végétaux en particulier peuvent améliorer le climat scolaire, et ce, tant sur le plan physique que sur le plan émotionnel. Aussi, les chercheurs soulignent que les élèves des milieux très défavorisés bénéficieraient davantage d’un environnement scolaire vert dans la mesure où ils sont susceptibles d’éprouver une fatigue mentale chronique, due notamment à la violence, au surpeuplement et au bruit des quartiers dans lesquels ils vivent. Cependant, ils notent que la relation entre performance scolaire et environnement vert peut être limitée dans les écoles les plus défavorisées, où le temps de récréation est souvent réduit ou nul. En effet, même si une école défavorisée a un niveau adéquat d’espaces verts, les élèves qui la fréquentent pourraient ne pas bénéficier des effets positifs si l’école renonce aux récréations en plein air.

Les travaux de recherche suggèrent qu’une des raisons des disparités que nous constatons dans les écoles à faible revenu par rapport aux écoles plus riches pourrait en réalité être due, en partie, aux installations matérielles fournies. Cependant, c’est la première fois que nous soupçonnons que le manque d’aménagement paysager (ex. : manque d’arbres) pourrait expliquer en partie des résultats médiocres.

Traduction libre

[Pour consulter l’article : www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2018.01669/full]

Références

Kuo. M., Browning, M. H. E. M., Sachdeva, S., Lee, K., Westphal, L. (2018). Might School Performance Grow on Trees? Examining the Link Between “Greenness” and Academic Achievement in Urban, High-Poverty Schools. Frontiers in Psychology, 9, 1-14. doi: 10.3389/fpsyg.2018.01669

Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur. (2019). Facteurs de réussite par cible. Repéré à www.education.gouv.qc.ca/organismes-communautaires/organismes-communautaires/programme-dintervention-pour-favoriser-la-reussite-scolaire-dans-les-milieux-defavorises-fecre/facteurs-de-reussite-par-cible/

 

Autres références sur le sujet :

Aménagement d’une cour d’école plus verte et plus active: 6 sources de financement. Repéré à https://centdegres.ca/magazine/amenagement/amenagement-dune-cour-decole-plus-verte-et-plus-active-6-sources-de-financement/

Une cour d’école verte : bien plus qu’un endroit agréable où jouer. Repéré à https://arbrescanada.ca/blogue/une-cour-decole-verte-bien-plus-quun-endroit-agreable-ou-jouer/

Guide de ressources sur les écoles vertes : Une ressource pratique pour la planification et la construction d’écoles vertes en Ontario, Gouvernement de l’Ontario. Repéré à http://www.edu.gov.on.ca/fre/policyfunding/GreenSchools_GuideFr.pdf

 

Notes

[1] En 2015, Chris Mooney, dans un article publié dans le Washington Post (« Regarder la nature peut aider votre cerveau à mieux fonctionner »), rapportait les conclusions d’une étude (40-second green roof views sustain attention: The role of micro-breaks in attention restoration) qui corroborait le fait que des personnes qui regardent pendant une mini-pause de 40 secondes des toits verts font moins d’erreurs et obtiennent de meilleurs résultats dans les tâches qu’ils ont à accomplir que les personnes qui n’ont, par exemple, qu’une structure en béton à regarder durant cette pause.

[2] Lauréate du prix Heinz 2018 pour l’environnement, Ming Kuo a cofondé et dirige le laboratoire de paysage et de santé humaine du Département des ressources naturelles et des sciences de l’environnement (Human-Environment Research Laboratory [HERL]), ainsi que le Collège des sciences de l’agriculture, de la consommation et de l’environnement de l’Université de l’Illinois.

Source de l’image : Pixabay

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