Le pouvoir du jeu dans le développement des jeunes enfants

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Mis à jour le 28 Fév 2022

Le jeu est loin d’être une activité futile : il permet au cerveau des enfants de se développer et favorise leurs apprentissages. De plus, les moments où ils jouent avec leurs parents, avec leurs pairs ou avec leurs éducateurs leur offrent de belles occasions pour développer des habiletés leur permettant non seulement de s’épanouir pleinement, mais aussi de gérer leur stress.

Source de l’image : Pixabay FeeLoona

par France Dumais

Dans un rapport clinique de la revue Pediatrics, trois pédiatres et deux psychologues américains présentent une définition du jeu qui fait largement consensus : « c’est une activité qui trouve sa motivation à l’intérieur de soi, qui suppose un engagement actif et qui aboutit à des découvertes joyeuses; le jeu est volontaire, amusant et souvent spontané [Traduction libre] ». Les auteurs ajoutent qu’au-delà du plaisir, le jeu peut apporter des connaissances, et favoriser l’action et la créativité.

Jouer est fondamental pour acquérir les compétences du 21e siècle, telles que la résolution de problèmes, la collaboration et la créativité.

[Traduction libre]

Nature de l’apprentissage et du jeu

Le jeu et l’apprentissage sont étroitement reliés. D’une part, les enfants apprennent beaucoup quand ils s’engagent dans des activités ludiques qui se déroulent dans un environnement social favorable à l’apprentissage, où ils sont soutenus et encouragés.  D’autre part, ils acquièrent de nouvelles habiletés en interagissant avec les autres de façon amusante. Généralement, apprendre et jouer ou (apprendre en jouant / jouer en apprenant) favorisent le développement du langage et de la pensée, ainsi que des capacités sociales et émotives.

Catégories de jeux

Les jeux d’enfants peuvent être regroupés en quatre types :

  1. Le jeu avec un objet (ex. : mettre un objet dans sa bouche, utiliser une banane comme téléphone);
  2. Le jeu physique, locomoteur ou de bataille – en anglais : rough-and-tumble play  (ex. : réciter une comptine en tapant des mains et des pieds, jouer à la bataille);
  3. Le jeu à l’extérieur, en plein air (ex. : faire des exercices dans la cour de récréation, jouer au ballon ou à la marelle dans la cour de récréation);
  4. Le jeu social ou le jeu de faire semblant – seul ou avec d’autres (ex. : faire un casse-tête avec ses parents, se déguiser).

Les enfants peuvent commencer à jouer librement à un jeu selon leurs préférences et leurs champs d’intérêt. Un adulte peut aussi les guider dans un jeu précis (ex. : le jeu de « Jean dit… ») en leur posant des questions ou en leur faisant des commentaires destinés à optimiser l’apprentissage.

https://rire.ctreq.qc.ca/2010/05/une-recherche-revele-que-les-jeux-de-mains-sur-comptine-favorisent-le-developpement-cognitif-et-moteur/

 

Développement du jeu

Le jeu se développe chez l’enfant dès les premiers mois de sa vie, quand la mère, le père ou l’éducatrice réagissent positivement et de façon harmonieuse à ses indices verbaux et non verbaux (ex. : jouer à imiter les « oh »et les « ah » du bébé). Quand l’enfant a neuf mois, il est en mesure de suivre des règles de stimulation que lui donnent ses parents ou l’éducatrice (ex. : avancer à quatre pattes, ou s’arrêter quand l’adulte fronce les sourcils). À un an, il fait des expériences qui lui permettent de développer ses capacités sociales (ex. : sourire à ses parents en faisant ses premiers pas). Puis, il devient plus attentif à ce qui l’entoure, contrôle davantage ses émotions et développe son langage. En jouant seul ou avec les autres enfants, il acquiert des capacités motrices et sociales (ex. : jouer à cache-cache, sur un terrain de jeu ou dans un parc).

Effets du jeu sur le développement du cerveau

Le jeu a des effets positifs sur la structure et le fonctionnement du cerveau. Avec le plaisir qui l’accompagne, il modifie les molécules, les cellules (ex. : en permettant la connexion et la densification des neurones; en stimulant la sécrétion d’endorphines), ainsi que les comportements (ex. : équilibre socioémotionnel). Il favorise donc non seulement l’apprentissage, mais aussi le développement des capacités d’adaptation et du comportement prosocial. Le jeu et la diminution du niveau de stress sont aussi reliés. Ainsi, plus l’enfant joue, plus son taux de cortisol diminue, ainsi que son niveau de stress.

Le jeu stimule également la sécrétion de norépinéphrine, ce qui contribue à favoriser l’apprentissage et le développement de la plasticité du cerveau. Le jeu aiguise aussi la curiosité de l’enfant et joue un rôle essentiel dans l’acquisition de la mémoire, c’est-à-dire dans l’entreposage et la récupération de l’information.

Bienfaits du jeu

Le jeu présente en fait de nombreux bienfaits tant pour les enfants que pour les adultes. Essentiel à la santé physique et au bien-être émotionnel, il favorise le développement :

  • des fonctions exécutives du cerveau (c’est le processus à travers lequel on apprend et qui comporte trois dimensions, soit la cognition, le contrôle et la mémoire);
  • du langage;
  • des habiletés sociales (ex. : les relations avec les pairs);
  • des habiletés motrices (ex. : la coordination des mouvements).

Grâce au jeu, les parents peuvent, par exemple, vivre à nouveau des joies liées à leur enfance et se sentir plus jeunes ou plus vivants . Ils peuvent aussi :

  • apprendre à voir le monde d’une autre façon à travers les yeux de leur enfant;
  • communiquer avec leur enfant de manière plus efficace ou agréable (ex. : en lui lisant un album jeunesse et en en parlant avec lui);
  • découvrir les préférences de leur enfant et ses champs d’intérêt;
  • voir son enfant s’épanouir.
https://rire.ctreq.qc.ca/2015/05/developpement-maternelle/

Implications pour l’éducation préscolaire

Le jeu habitue aussi les enfants à travailler en groupe. Il leur apprend notamment à partager, à négocier, à découvrir leurs propres préférences et à résoudre des conflits.

De plus, en élaborant des activités ludiques pour les tout-petits et en leur servant de guide pour les aider à développer leurs capacités (ex. : mentales, physiques, sociales), les adultes permettent aux enfants d’entrer au préscolaire et à la maternelle non seulement avec un esprit curieux, mais aussi en ayant appris à… apprendre.

https://rire.ctreq.qc.ca/2018/02/bouger-samuser-danser-eleves/

Nouveaux défis

Entre 1981 et 1997, le temps consacré aux jeux d’enfants a diminué de 25 % aux États-Unis. Sous l’effet de pressions sur le plan scolaire, 30 % des élèves américains qui fréquentent la maternelle ont vu leur école abolir les récréations. Dans un tel contexte, plusieurs familles sont donc à risque de mettre l’accent uniquement sur la performance scolaire (ex. : résultats, devoirs) et sur la compétition. Par ailleurs, la plupart des parents s’inquiètent pour la sécurité de leurs enfants quand ceux-ci jouent à l’extérieur. Or, ce type de préoccupations augmente le stress et l’anxiété au détriment de la créativité et de moments agréables passés en famille (ex. : lecture, repas). En réponse à ces problèmes, des programmes innovateurs ont été mis en place. Ceci, dans le but de favoriser la création de lieux d’échanges et de jeux destinés aux parents et aux enfants (ex. : dans un supermarché de quartier) pour leur permettre :

  • de« reprendre la conversation »;
  • d’apprendre en s’amusant;
  • de développer les habiletés émotives et sociales qui leur sont nécessaires.

 Rôle des médias

Il faut savoir que les médias (ex. : télévision) n’encouragent pas suffisamment la curiosité, l’action, l’apprentissage et « le jeu social » chez les enfants. Dans cette perspective, l’Académie américaine de pédiatrie (AAP) a publié en 2016 deux nouvelles politiques, où sont formulées des recommandations à l’intention des parents, des pédiatres et des chercheurs en vue de promouvoir un usage sain des médias, notamment électroniques.

Rôle des pédiatres

« Les pédiatres ont un rôle déterminant à jouer dans la protection de l’intégrité de l’enfance, particulièrement en ce qui a trait à la défense du droit de tous les enfants à pouvoir manifester leur curiosité innée en tout temps et la richesse de leur imagination. »
[[Traduction libre]

L’AAP a formulé des recommandations à l’intention des pédiatres en ce qui concerne l’importance d’encourager les parents et les éducateurs du préscolaire :

  • à miser sur le jeu et sur ses bienfaits;
  • à accorder une place importante au jeu dans le curriculum préscolaire.

Les pédiatres doivent donc entre autres inciter parents et éducateurs à répondre aux besoins des enfants, et ils peuvent le faire notamment en les aidant à comprendre les formes uniques de communication liées aux premiers mois de vie des tout-petits. Par exemple, les pédiatres peuvent encourager les parents à reconnaître, à certains signes, le tout premier sourire de leur enfant et à lui répondre par un sourire, ce qui favorise le développement de ses habiletés socioémotionnelles.

Un autre rôle incombe aussi aux pédiatres, selon l’APP, soit celui de recommander aux éducateurs du préscolaire de mettre l’accent sur l’apprentissage par le jeu plutôt que sur une approche purement didactique de l’apprentissage. Cela permettrait entre autres aux tout-petits de faire preuve d’initiative, puisque l’on miserait alors sur leur curiosité.

Les pédiatres devraient enfin, selon l’APP, faire des recommandations aux parents concernant l’importance d’utiliser le jeu pour aider les enfants de 0 à 6 ans à bien traverser les différentes étapes de la petite enfance. Le but poursuivi est de permettre à ces enfants, dès les premiers mois de leur vie, de jouer pour explorer le monde qui les entoure, ainsi que pour apprendre et pour développer des compétences importantes qui leur serviront toute leur vie.

Pour consulter l’article,
http://pediatrics.aappublications.org/content/pediatrics/early/2018/08/16/peds.2018-2058.full.pdf

Référence

Yogman, M., Garner, A., Hutchinson,J., Hirsh-Pasek, K., Golinkoff, M., Committee on Psychosocial Aspects of Childand Family Health et Council on Communications and Media. (2018). The Power ofPlay: A Pediatric Role in Enhancing Development in Young Children. Pediatrics, 142(3), 1-18. Repéré à : http://pediatrics.aappublications.org/content/pediatrics/early/2018/08/16/peds.2018-2058.full.pdf


Source de l’image : Pixabay / FeeLoona

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